Salon de Provence la magie de la nuit provençale

CRITIQUE. Concert. 30ème FESTIVAL DE SALON. SALON DE PROVENCE. CHATEAU DE L’EMPERI. Le 30 Juillet 2022. N. RIMSKY-KORSAKOV. F. POULENC. R. IMBERT. E. PAHUD. E. LESAGE. P. MEYER. F. MEYER. B. DE BARSONY.  G. AUDIN.  R. IMBERT.  P.F. BLANCHARD.

30 ans : Age magique pour le Festival de Salon De Provence.

Concert d’ouverture magique ce soir dans la sublime acoustique de la cour du Château de l’Empéri.

Rien, pas même le coronavirus, n’avait pu freiner l’enthousiasme qui caractérise ce festival de Musique de Chambre. Mais ce soir sans masque, sans pass sanitaire et sans jauge limitée, le public a pu s’installer bien confortablement. La chaleur de la journée cédant, un léger vent offrait une température proche de l’idéal.  Les trois musiciens fondateurs, Emmanuel Pahud, Paul Meyer et Éric Lesage, sont entrés entourés de leurs fidèles amis Benoit De Barsony et Gilbert Audin pour le Quintette de Rimsky-Korsakov.

Élégance, précision et admiration mutuelle leur ont permis de défendre cette partition mal connue avec un panache tout à fait extraordinaire. Certes il ne s’agit pas de la partition la plus typique de Rimsky-Korsakov. Seule une forme de mélancolie dans le mouvement lent entrouvrait la porte vers l’âme russe du compositeur, mais l’écriture de cette pièce est brillante, sensible et de bonne facture. Rien ne justifie le quasi oubli dans lequel elle s’installerait sans des interprétations si stimulantes, nous rappelant ces beautés. Les cinq musiciens ont chacun apporté le plus grand soin et la plus belle énergie dans cette fulgurante interprétation. Chacun avait des moments d’ouverture ou de virtuosité, c’est toutefois la flûte d’Emmanuel Pahud qui a apporté une touche remarquable par son élégance.

Le hautboïste François Meyer les a rejoints pour offrir au public une interprétation anthologique du sextuor de Poulenc. Avec une complicité de chaque instant, une précision absolue, et chic fou, ils ont su mettre dans cette pièce si contrastée toute une gouaille, si chère au Poulenc de la belle époque. Cette virtuosité de notes et de ton a fait souffler un vent de fraîcheur incroyable. Le public a fait une véritable ovation à cette fête musicale si réussie.

Pour la deuxième partie de concert, le contraste a été savamment préparé. Le saxophoniste Raphaël Imbert et le pianiste Pierre-François Blanchard sont entrés en scène dans une attitude intrigante. D’aucuns ne savaient qu’il s’agissait de musiciens de jazz. Peu importe une fois la surprise passée c’est le charme absolu de leur poésie faite musique qui a opéré. Le temps s’est suspendu, le chant a volé haut, le rythme du piano a transfiguré espace et temps.

Les présentations précises et pleines d’humour de Raphael Imbert nous permettaient de revenir un peu sur terre avant le prochain voyage. Ces deux musiciens, improvisateurs d’exception, nous ont offert des instants de poésie absolument magiques. Le « chant de l’étoile » de Richard Wagner et « A la musique » de Frantz Schubert avec de tels passeurs deviennent de vrais standards de jazz s’envolant sans limite sous le ciel étoilé de Provence. Le temps et l’espace abolis, n’est-pas cela le cœur de la poésie et de la musique ?

Quelle ouverture les amis pour ce festival qui vit sa trentième édition dans une plénitude jubilatoire.

A très vite la suite…

Hubert Stoecklin

 Critique. Concert. 30ème Festival International de Salon-de-Provence. Château de l’Empéri, le 30 juillet 2022. Nikolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908) : Quintette en si bémol majeur ; Francis Poulenc (1899-1963) : Sextuor ; Raphaël Imbert (né en 1974) : Improvisations. Emmanuel Pahud, flûte ; Paul Meyer, clarinette ; François Meyer, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Éric Lesage piano. Raphaël Imbert : saxophone et clarinette basse ; Pierre-François Blanchard, piano.

Benjamin Grosvenor retrouve La Roque

CRITIQUE. Concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 31 juillet 2022. C. FRANCK. I. ALBENIZ.  A. GINASTERA.  M.RAVEL.  B. GROSVENOR.

Benjamin Grosvenor souverain parfaitement serein

Cela fait la troisième année que je retrouve Benjamin Grosvenor à La Roque d’Anthéron et je me réjouissais beaucoup. A mon grand damne je dois reconnaître que je n’ai pas retrouvé cet émerveillement vécu lors du concert de 2019. Le programme n’est peut-être pas aussi séduisant et reste un peu décousu et sans charme particulier. Certes le final est grandiose avec une Valse de Ravel éblouissante mais il n’y a pas de construction d’ensemble ni de véritable progression. Le prélude, choral et fugue de César Franck ouvre le récital. Nous connaissons la rigueur, la précision et la grande clarté de l’interprétation de Benjamin Grosvenor depuis le concert de l’an dernier et surtout son enregistrement de 2016. La précision avec laquelle il détaille tous les plans est sensationnelle et rien ne vient entraver son jeu absolument souverain. Le déroulé est implacable avec une certaine maîtrise des divagations que d’autres peuvent jouer avec davantage de méditation. Puis le livre premier d’Iberia d’Albéniz n’aura aucune « couleur locale » et sous les doigts imperturbables de Benjamin Grosvenor la musique pure prend beaucoup de hauteur. C’est un piano précis, impeccablement nuancé et phrasé mais sans aucune chaleur. Le bel canto dont le pianiste anglais est capable sera idéal dans le Corpus Christi en Sevilla. Le chant du choral se déploie avec une élégance bouleversante.

Pour la suite du programme le piano sera changé : Il n’y a qu’à La Roque que j’ai vu cela. Il faut dire que c’est le luxe unique qui prévaut ici : un choix est offert aux artistes parmi de nombreux pianos à queue, tous présents sur site dès le début du Festival.

Benjamin Grosvenor 26 © Valentine Chauvin
© Valentine Chauvin

Avec cet autre instrument, le jeu de Benjamin Grosvenor reste avant tout maîtrisé et les Danses Argentines de Ginasteras n’iront certainement pas s’encanailler sous ces doigts si pudiques. Le jeu est souverain, puissant, charpenté, l’apparente facilité avec laquelle Benjamin Grosvenor joue cette musique complexe est en soi un exploit des plus rares.

C’est avec les deux pièces de Ravel que les moyens pianistiques trouvent un épanouissement complet avec une musicalité délicate qui anime constamment le propos. Les Jeux d’eau trouvent des échos liquides et évaporés sous les doigts subtils de Benjamin Grosvenor, les trouvailles du jeune pianiste sont des pépites. Dans la valse il trouve le déséquilibre parfait qui fait chavire l’auditeur. Quelle aisance avec ce rythme diabolique, quelle noirceur dans certains retours du thème, quel humour avec ce rythme comme décalé par moments. La valse ainsi interprétée devient dangereuse et fascinante. Ce grand moment de musique en fin de programme nous a rappelé comment cet artiste peut nous ravir. Il est envisageable d’accepter qu’à ce stade de sa carrière le jeune prodige, plus mature, joue pour lui, pour ses recherches et nous prépare de futures merveilles. La maîtrise technique absolue reste très impressionnante, c’est l’émotion qui cède la place ce soir. Il faut signaler une touffeur inhabituelle dans le parc avec un côté un peu oppressant et étonnamment un public clairsemé. Les applaudissements nourris ont obtenu deux bis de l’artiste : Dany Boy en arrangement d’après le folklore anglais et le chant du soir op.85 n°12 de Schumann.

Benjamin Grosvenor 25 © Valentine Chauvin
© Valentine Chauvin

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc, le 31 Juillet 2022. César Franck (1822-1890) : Prélude, choral et fugue ; Isaac Albéniz (1860-1909) : Iberia, livre 1.  Alberto Ginastera (1916-1983) : Danses Argentines ; Maurice Ravel (1875-1937) : Jeux d’eau, la Valse ; Benjamin Grosvenor, piano.

Article écrite pour classiquenews.com