Le Caravansérail magnifie Scarlatti

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 28 mars 2023. SCARLATTI : œuvres sacrées. Le Caravansérail/ B Cuiller.

Stabat Mater magique et autres chefs d’œuvres sacrés

de Scarlatti le fils

Bertrand Cuiller et son Caravansérail ont enregistré il y un an une superbe version du Stabat Mater à dix voix de Scarlatti. Ce chef d’œuvre doloriste est entouré d’autres œuvres pour le concert de ce soir. A l’invitation des Arts Renaissants Bertrand Cuiller a concocté un programme original et séduisant. Le Caravansérail a une géométrie variable et s’adapte à chaque pièce. En petit effectif vocal le concert débute avec une messe à quatre voix, elle est dite de Madrid car c’est dans cette ville que le manuscrit a été retrouvé. Cette messe sobre et élégante ne contient rien d’audacieux ou même de nouveau. La fluidité des lignes, leur interpénétration est proche du style antique. Les voix choisies par Bertrand Cuiller sont superbes, les timbres se complètent et les harmoniques fusionnent. Le résultat permet de planer avec les voix et de rêver la paix, le calme et la détente comme si le bonheur était à notre portée. Puis la sonate pour clavier jouée à l’orgue a apporté une dimension pure et sereine. Jean-Luc Ho l’a jouée avec beaucoup de sensibilité.

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Le Te Deum en double chœur a vu l’équipe de chanteurs s’étoffer. Le principe du double chœur apporte beaucoup de vie à la musique qui envahi complètement l’espace.  Œuvre brillante et habilement rythmée ce Te Deum est pure joie. Les chanteurs expriment pleinement leurs qualités vocales de beauté de timbre et surtout de précision rythmique. Tout cela est particulièrement vivant. Pour finir le Stabat Mater à dix voix ouvre un espace de spiritualité offert tant aux hommes qu’au ciel. Cette plainte doloriste, en ses lignes d’une subtile sinuosité galbée semble nous faire oublier toute la médiocrité du monde. Cet abandon total qui nous est proposé repose sur une musicalité raffinée et des voix moelleuses aux phrasés subtils.

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Bertrand Cuiller dirige avec pudeur et propose de soutenir le phrasé et d’élargir les lignes plus qu’il n’impose quoi que ce soit. Les instrumentistes sont des partenaires de grand talent qui participent activement à cette fête de musicalité pleine de spiritualité paisible. Le texte du Stabat Mater est illustré par des phrasés variés mais tout reste dans une grande élégance et une maitrise stylistique pure. Rien de violents de provoque une crise, tout est doux et enveloppant. Même l’évocation de la peine et des larmes console plus qu’elle n’inquiète.  Tant de beauté, de pureté et de consolation ne pouvait se terminer ainsi. Le public des Arts Renaissants a fait un grand succès aux interprètes qui devant les applaudissements nourris ont accepté de bisser le début magique du Stabat Mater. La beauté si particulière de cette œuvre subjugue. C’est bien cette œuvre qui reste dans la mémoire apportant tant de subtilité aux auditeurs et qui semble également nourrir les interprètes dont les visages heureux s’illuminent.

Les Arts Renaissants nous ont offerts un bien beau concert d’œuvres sacrées variées et de grande qualité par des interprètes de grand talent.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Église Saint Jérôme, le 28 mars 2023. Domenico Scarlatti (1685-1757) : Messe de Madrid ; Sonate pour clavier K.30 ; Te Deum à double chœur ; Stabat Mater à 10 voix et basse continue. Le Caravansérail. Direction : Bertrand Cuiller.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 28 mars 2023. SCARLATTI : œuvres sacrées. Caravansérail. Cuiller.

Photo Monique Boutolleau

Tugan Sokhiev et son ex-orchestre sont toujours en phase !

Le grand retour de Tugan Sokhiev vers son public avec  son ex-orchestre

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Moins de 8 jours après le concert historique dans cette même salle avec les Wiener Philharmoniker Tugan Sokhiev récidive dans un nouveau programme entièrement dédié à la musique russe.

A n’en pas douté c’est un acte de foi qui l’anime. Tant blessé par cette guerre, l’ostracisme qui en a suivi vis-à-vis des artistes russes et la menace faite par certain à la culture russe il défend la musique de son pays avec énergie.

Le concert débute avec La Grande Pâques Russe de Rimski-Korsakov. Page colorée, variée et vivante, elle nous offre un voyage vers la Russie éternelle et dans les couleurs rutilantes de l’orchestre. Tugan Sokhiev confiant et heureux semble « revenir à la maison ». Coté salle également il y de la joie et de la nostalgie. Salle bondée comme au bon vieux temps lorsque le chef nous faisait découvrir sa riche programmation et entrainait l’orchestre sur des voies nouvelles. L’alchimie perdure, voici le deuxième des trois concerts de la saison que le chef accorde à l’Orchestre du Capitole. La deuxième œuvre est une création française d’une œuvre de 2022. Crée au Concertgebouw d’Amsterdam pour son hautboïste solo, Alexei Ogrintchouk. Le soliste créateur est là ce soir. L’œuvre est dédiée à la fuite du temps ; thème oh combien éternel… Ce concerto sonne élégant et clair, il n’y a là rien de révolutionnaire, ni rien de convenu non plus. Par moment il y a des passages très beaux et très lyriques. L’orchestre est composé avec soins en petit nombre mais savamment utilisé ; Les percussions sont subtiles, la harpe surprenante. Le temps passe, l’eau coule, le vent geins et le hautbois tour à tour joyeux ou plaintif montre toute sa palette expressive, cette partition est très variée. Le hautbois a une virtuosité constamment sollicitée mais sans ostentation. Bien évidemment chacun semble y trouver du plaisir, Tugan Sokhiev est très attentif, l’orchestre est très engagé et le soliste est très impliqué. Le public lui n’est pas conquis dans sa totalité. Les applaudissements fusent devant la performance, il n’y aura pourtant pas de bis du soliste.

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La deuxième partie du programme nous permet de retrouver la neuvième symphonie de Chostakovitch. C’est une œuvre que Tugan Sokhiev et son orchestre ont déjà jouée en public. Il y a dans ce choix une véritable provocation tant cette partition garde une capacité d’irritation encore chez une partie du public. Alors que Staline et le monde attendait une œuvre grandiose avec chœur final à la manière d’un hommage à Beethoven, à la fin de la guerre et à la gloire du régime soviétique Chostakovitch offre une courte œuvre que lui-même qualifiant de cirque… Humour grinçant, jubilation féroce et pourtant gracieuse l’orchestre et le chef se lancent avec panache dans cette pocharde. Les musiciens brillent de mille éclats et Tugan Sokhiev se défoule et s’engage dans cette lutte contre tous les pouvoirs abusifs. C’est brillant, virtuose, douloureux dans le deuxième mouvement mais au final ce n’est pas vraiment heureux et même un peu frustrant. La dérision semble être l’arme la plus adaptée dans notre monde à la dérive.

Ce concert a scellé l’accord entre les musiciens de l’orchestre, Tugan Sokhiev et le public. Ce n’est pas rien cela. Souvenons-nous de la démission fracassante de Tugan Sokhiev il y a juste un an. L’émotion n’était pas feinte lorsque Tugan Sokhiev a remis le bouquet de fin de carrière à François Laurent la flûte solo de l’orchestre si aimée du public. Souriant en bord de scène le grand flûtiste n’avait pas joué ce soir, diminué par la maladie. Et quel subtil hommage du pupitre des flûtes avons-nous entendu ! Cette image en disait long sur le combat actuel sur la retraite, le prix de la vie, la puissance de l’amitié, l’appel à la paix et surtout le besoin de musique plus que jamais.

Hubert Stoecklin

j’ai  retrouvé sur Medici TV le concert de 2017 ou Tugan Sokhiev dirige cette même symphonie de Chostakovitch

Photo : Romain Alcaraz

Critique. Concert. Halle-aux-Grains, le 23 mars 2023. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : La Grande Paques Russe op.36 ; Alexandre Raskatov (né en 1953) : Time’s River, concerto pour hautbois, création française ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°9 en mi bémol majeur op.70 ; Alexei Ogrintchouk, hautbois ; Orchestre National du Capitole ; Direction : Tugan Sokhiev.

TURANDOT par Pappano : La Version !

Critique. Enregistrement. 2 CD WARNERCLASSICS. Giacomo PUCCINI (1858-1924) : TURANDOT. Orchestre et chœur de l’académie Sainte Cécile de Rome Direction : Antonio Pappano.

Pappano sort TURANDOT du brouillard, c’est éblouissant de modernité

Les enregistrements intégraux d’opéra sont devenus trop rares. Jonas Kaufmann et Antonio Pappano en ont réalisé la plus grande partie ces dernières années pensons à Butterfly (2009), Aida (2015) et Othello (2020).

Ouvrage qu’il n’avait jamais voulu diriger Turandot me semble bien être l’opéra qui va  consacrer Antonio Pappano en chef majeur à l’unanimité. Le travail profond et sérieux qu’il a fait sur la partition l’a conduit à chercher la première version composée par Franco Alfano. On sait que Toscanini avait refusé cette version, en avait demandé une deuxième qu’il a ensuite amputée et avait posé sa baguette après la mort de Liu ne jouant rien du tout, encore traumatisé par la mort de Puccini. De cet ostracisme la « tradition » ne garde que la deuxième version tronquée. Pappano retourne à l’originale. Certes il n’y a pas le génie de Puccini, mais Alfano poursuit très honnêtement la direction très moderniste que Puccini avait tracée et que la mort l’a empêché de conclure. Nous rendrons donc les armes devant cette audace de Papanno. Il a compris toute cette modernité qui rattache Puccini à un Stravinski voire un Prokofiev. Les rythmes audacieux, les accords surprenants, les couleurs sauvages ou sensuelles tout ce kaléidoscope musicale est magnifiquement rendu. Il n’y a pas une version aussi magique. L’orchestre et les chœurs de L’Accademia Santa Cecilia di Roma sont absolument somptueux. La qualité de l’enregistrement est également unique. Tout est clair, chaque détail est merveilleusement limpide. La partition sort du brouillard et de la pacotille asiatique pour se révéler être de la musique du XX iéme siècle et la plus moderne qui soit. Déjà cela aurait mérité tous les éloges. En plus de cela la lecture de Pappano est dramatiquement très forte. Le climax s’installe, la psychologie des personnages se déploie et le dénouement prend une véritable dimension psychanalytique.

Turandot demande des chanteurs hors normes et là aussi nous sommes aux anges. La Turandot de Sondra Radvanosky est somptueuse, voix immense à la projection glorieuse elle sait la diriger sur des messa di vocce belcantistes inouïs. La voix est très belle et musicale, la cantatrice est capable de suggérer dans le long duo final tout le combat interne qui agite et broie l’héroïne. La Liu d’Ermonela Jaho est idéale de beauté, de bonté et de pudeur. Ce personnage sacrificiel et initiatique devient si attachant dans la voix d ‘Ermonella Jaho. Elle a une science des sons filés et des piani aériens qui semble surnaturelle. Ses qualité belcantistes et émotionnelles que nous avions tant appréciées dans Traviata à Orange sont magnifiquement mises au service de ce personnage si émouvant. Jonas Kaufmann n’a jamais chanté Calaf sur scène. Avec son intelligence et sa musicalité il s’empare du personnage et sait en révéler la tendresse et la détermination.  L’héroïsme vocal n’est plus à sa portée. La voix sonne engorgée et n’a pas l’éclat métallique ou animal des Calaf historiques. par contre sait comme personne être tendre avec Liu et également avec Turandot. C’est de ce fait le Calaf le plus intéressant et le plus intelligent.

Tous les autres rôles sont distribués avec soin, tous ont belles voix. Michel Pertusi est un Timur magnifiquement sensible à la mort de Liu. Michael Spyres en Altoum même grimé est presque surdimensionné. Ping, Pang, Poum forment un trio assorti et bien chantant. La beauté des voix est confondante à chaque instant. Dans leur trio de l’acte deux ils bénéficient également de quelques parties restaurées .

Parlons à présent de ce duo final qui donne le temps à Turandot d’exprimer son terrible combat intérieur et au baiser de Calaf de faire tout son effet, le choeurs également gagne de beaux moments. C’est moins italien et plus germanique et donc totalement fascinant. Vocalement les aigus claironnent et les deux chanteurs sont épatants.

Voici donc LA VERSION de Turandot. Un brouillard a été levé par Antonio Pappano.  

Sans parler de version définitive disons qu’à coté de celles de Nilsson et Corelli elle ne pali pas vocalement et s’impose par l’orchestre et les chœurs et surtout la direction absolument fascinante d’Antonio Pappano.

La prise de son n’a pas d’équivalant en termes de clarté et de précision.

 Il ne faut pas se retenir de courir vers cette magnifique découverte.

Critique. Enregistrement. 2 CD WARNERCLASSICS. Turandot : Sandro Radvanovski ; Calaf : Jonas Kaufmann ; Liu : Ermonela Jaho ; Timur : Michele Pertusi ; Altoum : Michael Spyres ; Ping : Mattia Oliveri ; Pang : Gregory Bonfatti ; Pong : Slyabonga Maquingo ; Orchestra et Coro dell’ Accademia Nazionale di Santa Cecilia di Roma. Direction : Antonio Pappano.

Enregistrement du 28 II au 8 III 2022 à Rome. Durées : 80.07 et 44.56. Code : 5 054 197 406591.

TUGAN SOKHIEV ET LES WIENERPHILHARMONIKER comme un songé éveillé

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 18 mars 2023. RIMSKI-KORSAKOV : Shéhérazade. TCHAIKOVSKI : Symph 4. Wiener Phil. Sokhiev.  

Un concert en tout point exceptionnel et renversant !

On l’attendait ce retour de Tugan Sokhiev ! La Halle-aux-Grains était pleine à craquer ! Double joie pour un public galvanisé, entendre l’orchestre le plus aimé au monde, le Wiener Philharmoniker qui réjouit le monde musical par son excellence tant au disque (combien d’enregistrements de références ?) qu’à la fosse de l’Opéra de Vienne, qu’en vidéo le premier de l’an pour un concert de diffusion planétaire. Soient loués Les Grands Interprètes qui sont arrivés à les faire s’arrêter à Toulouse pour ce concert dans leur tournée, tout juste avant un concert à Lisbonne.

Cet évènement aurait suffi à remplir la Halle-aux-Grains mais il y avait autre chose de très spécial.

Österreich, Wien, Wiener Philharmoniker, Musikverein
Wiener Philharmoniker © Lois Lammerhuber

Tugan Sokhiev a laissé tant de bons souvenirs à Toulouse en 14 ans auprès de l’Orchestre du Capitole et de son cher public. Son départ si brutal, provoqué par une « maladresse » politique ne cesse de nous peiner. C’est comme une revanche de le voir diriger dans cette même salle en toute simplicité l’orchestre le plus prestigieux du monde :  mes aïeux quel concert ce soir-là !

Dans une ambiance survoltée des grands soirs, alors que les queues pour rentrer dans la salle étaient tout juste finies, chacun trouvait sa place fébrilement. Et de découvrir qu’il n’y avait aucun musicien sur scène…. Pas une note répétée par un violon, un hautbois, une trompette ? Étaient-ils seulement là ?  Et c’est ainsi que nous avons eu le premier choc. En une rapidité d’éclair les musiciens entrent sous les applaudissements constants du public, prennent leur place et restent debout, ne s’asseyant que tous présents et parfaitement immobiles… jamais je n’avais vu cela ! Première ovation du public subjugué après un LA trouvé le temps d’un soupir tous ensemble ! C’est stupéfiant, cette solidité, cette élégance, ce calme souverain. Puis tout est allé très vite Tugan Sokhiev est rentré ovationné par son public, un regard circulaire du chef et nous partons avec Shéhérazade de Rimski-Korsakov pour le plus beau voyage musical qui se puisse imaginer. Un véritable conte de fées. Le son des Wiener Philharmoniker ne peut pas être décrit avec tout ce qu’il contient. Il y a d’abord la profondeur du son des cuivres. Dans le thème du Sultan qui ouvre le voyage c’est une véritable angoisse qui nous saisit alimentée par les fréquences qui traversent le corps et pas seulement les oreilles. Les vents diaphanes et délicats suivent puis le violon solo prend la parole de Shéhérazade et le chant d’Albena Danailova va nous envoûter avec une séduction irrésistible qui heureusement se renouvèlera tout le long du poème symphonique. Le pupitre des violons est aussi source de délices inénarrables. Comment une telle présence douce et puissante à la fois est-elle possible ? Comment cette transparence et cette profondeur peuvent-elles coexister ? Le hautbois sait être d’une troublante beauté dans des rythmes chaloupés à se damner. Les trompettes sont claires et victorieuses sans avoir recours à la moindre brutalité. Le basson solo a un humour sidérant avec une sonorité ronde enveloppant tout le corps. Et je n’oublie pas la caisse claire et les timbales, les percussions aussi sont extraordinaires. Il y a un véritable effet « physique » de cet orchestre qui vous subjugue par sa force et sa délicatesse. A l’écoute des enregistrements bien des qualités de cet orchestre sont évidentes mais au concert les voir et les ressentir fait vivre un moment qui a quelque chose d’unique.

La direction de Tugan Sokhiev est chorégraphique et absolument charmante. Tout est mis en valeur avec évidence, les nuances profondément creusées, les phrasés alanguis ou resserrés accompagnent l’évocation du plus beau conte oriental. Nous connaissons son interprétation de cette si belle musique, nous devinons ce soir qu’il est lui-même sur un petit nuage obtenant tant de splendeur avec de tels musiciens.

Sokhiev Toulouse © Marc Brenner
Sokhiev Toulouse © Marc Brenner

A l’entracte il semble important au public de partager ce bonheur si intensément vécu dans des papotages incessants.

La deuxième œuvre au programme va aller plus loin, beaucoup plus loin encore dans le drame cette fois-ci. La quatrième symphonie de Tchaïkovski, toute emplie du poids du fatum, semble être une œuvre particulièrement proche à Tugan Sokhiev. Dès la fanfare d‘ouverture les Wiener Philharmoniker vont lui offrir un son d’une profondeur abyssale, effrayant et terriblement beau.  Avec des cordes porteuses d’une douleur insondable, des clarinettes en confidences intimes et des violoncelles si chantants, Tugan Sokhiev, comme en transe, obtient la version la plus dramatique que je lui connaisse. Il y va probablement de la vie du chef de défendre ainsi la musique de son compositeur préféré. Dans son bouleversant communiqué où il renonçait à diriger et l’Orchestre du Capitole et le Bolchoï, il avait dit combien de ne plus jouer de musique russe lui était impossible.  Il le prouve ce soir de manière éclatante, avec un orchestre merveilleux et dans la ville même à l’origine de l’injonction, cause du départ fatal. Aujourd’hui Tugan Sokhiev est un artiste intègre et de plus en plus engagé dans son crédo : la musique transcende tout et rassemble avant tout dans la paix. Mûri, moins hyper contrôlé, il ose ce soir une interprétation particulièrement puissante. Peut-être est-ce de savoir qu’il compte sur un orchestre particulier qui même dans la violence ou la douleur garde une élégance suprême. C’est en tout ce paradoxe qu’incarnent les Wiener Philharmoniker, puissance et grâce enchâssées. Voir la chorégraphie de Tugan Sokhiev dirigeant si intensément, le voir s’y épuiser et obtenir tant de cet orchestre est très émouvant. Cet orchestre séculaire qui à force d’excellence a été dirigé par ce que le monde connaît de plus belles baguettes, se laisse emporter par un chef russe dans sa patrie martyrisée et avec lui défend une somptueuse musique que rien ne doit faire taire. Ce soir Tugan Sokhiev qui termine le concert en nage aura joué sa vie d’artiste sous nos yeux. Quelles émotions !

Un concert absolument inoubliable pour toutes ces raisons et d’autres encore.

IL est possible de voir et revoir ce concert exceptionnel en tous points, magnifiquement filmé sur ARTE TV. Oui Tugan Sokhiev dirige en une chorégraphie pleine de grâce je vous l’assure.

Affiches Artistes

Un petit bis probablement choisi par l’orchestre la polka Unter Donner und Blitz de Johann Strauss, avec un humour ravageur va achever la réconciliation. Tugan Sokhiev comme un enfant aux anges ne fera que commenter de gestes touchants ce que les musiciens lui offrent, il ne dirige plus il exulte. Et nous tous aussi.

Les inoubliables Wiener Philharmoniker resteront dans nos cœurs comme messagers de beauté, de paix et de bonheur parfait. Un immense merci aux Grands Interprètes de les avoir invités !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains le 18 mars 2023. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Schéhérarazade, suite symphonique op.35 ; Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n°4 en fa mineur, Op.36 ; Wiener Philharmoniker. Tugan Sokhiev, direction.

Toulouse ville de musique et de musiciens

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-Grains, le 17 mars 2023. FRANCK. ATTAHIR. T. Garcia. P. Bleuse. Orch Nat Cap

Toulouse ville de musique et de musiciens : un Trio de toulousains au sommet

Il n’est pas interdit de faire cocorico ce soir tant la ville rose peut s’enorgueillir de la place accordée à la musique. L’Orchestre National du Capitole rayonne mondialement et récemment encore sa magnificence dans le Tristan et Isolde de Wagner en a ébloui plus d’un. Les solistes internationaux nés à Toulouse sont nombreux. Ce soir Thibaut Garcia l’un des guitaristes les plus doués du moment revient en terre conquise avec la création d’un concerto en première mondiale. Le compositeur Benjamin Attahir qui en eu la commande est également un Toulousain. Cette œuvre d’un seul tenant est complexe et pourtant facile d’écoute car une grande clarté permet dans l’alternance et le dialogue de l’orchestre et de la guitare de toujours suivre ce qui se passe. Chaque instrument de l’orchestre aura la parole, avec une utilisation de nombreuses percussions. La guitare joue presque tout le temps. Cette partition exigeante est soigneusement dirigée par Pierre Bleuse. Le musicien, est toulousain lui aussi ! Il fait depuis qu’il a laissé le violon une riche carrière internationale en tant que chef d’orchestre. Son intense activité internationale lui laisse encore le temps de rentrer au pays et c’est tant mieux. C’est avec grand plaisir que le public le retrouve à la tête de l’orchestre du Capitole qu’il connaît bien. Il y a peu, le 23 février dernier, il avait dirigé l’Orchestre National de France.  Son engagement est total et il est assez fascinant de voir combien il met de plaisir autant que d’énergie à diriger cette partition toute nouvelle. Tout est limpide sous sa direction précise. Le soliste est très soutenu et l’équilibre est savamment construit avec l’orchestre qui s’il est souvent en échanges chambristes variés avec la guitare peut dans des tutti complexes menacer de l’engloutir. La sonorisation du fragile instrument à cordes pincées est en fait très aventageuse, presque trop dans les moments chambristes. Elle trouve toute sa nécessité dans ces tutti tonitruants. Le final avec une certaine urgence assez dramatique donne beaucoup de brillant.  Cette belle partition vient enrichir un catalogue bien peu fourni réunissant un orchestre symphonique et la guitare. Le public semble avoir apprécié cette création et a applaudit vivement les artistes ainsi que le compositeur venu saluer sur scène et féliciter les musiciens. Thibaut Garcia joue en bis une très musicale adaptation des Voix humaines de Marin Marais.  Le reste du programme, entourant la création, est consacré à César Franck. D’abord avec une ouverture spectaculaire : le Chasseur maudit. Pierre Bleuse lui donne toute la dramaturgie attendue. Les couleurs de l’orchestre irradient, les rythmes sont implacables, le drame avance et le final est enthousiasmant. En deuxième partie de programme nous retrouvons la trop rare symphonie en ré mineur de César Franck. Dès les premières mesures nous sommes pris par l’ampleur des sonorités de l’orchestre. La direction charpentée et énergique du Pierre Bleuse ne nous lâchera pas. La partition déploie ses sortilèges quasi-wagnériens et toute sa flamboyance avec de tels interprètes. L’orchestre est superbe de couleurs et de timbres. Les musiciens semblent tout à leur aise dans cette œuvre extravertie et de haute tenue. Tugan Sokhiev en 2009 nous avait offert une version plus souple et joyeuse. Ce soir c’est la flamboyance et la grandeur qui sont mises en valeur. C’est splendide !

Le public fait un triomphe à l’orchestre et particulièrement à Pierre Bleuse, l’enfant prodige de retour au pays.

Le concert est diffusé en direct sur France musique et peut s’écouter en podcast.  

Durant la répétition la veille. P Bleuse face à l’orchestre, B Attahir et T Garcia au premier rang regardant la partition

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 mars 2023. César Franck (1822-1890) : Le chasseur maudit M 44. Poème symphonique : 1. Le Paysage paisible du dimanche ; 2. La Chasse ; 3. La Malédiction ; 4. La Poursuite des démons ; Symphonie en ré mineur FWV 48 ; Benjamin Attahir (né en 1989) : El Biir, Concerto pour guitare (2022), Création mondiale. Thibault Garcia, guitare ; Orchestre National du Capitole ; Pierre Bleuse, direction.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-Grains, le 17 mars 2023. FRANCK. ATTAHIR. T. Garcia. P. Bleuse. Orch Nat Cap

Photo : Pierre Bleuse (©Marine Pierrot Detry)

Répétition DR

Cinq prises de rôles réussies à Toulouse pour un Tristan idéal

Cet article écrit pour Classiquenews devait être complété par l’ajout de la description de la quatrième représentation de Tristan le 7 mars 2023. En effet les artistes de cette production faisaient pour les principaux des prise de rôle attendues par toute la planète lyrique. Et dans des prise de rôle de cette ampleur il est fascinant de suivre l’évolution en 10 jours et quatre levés de rideaux. L’assurance prise par le Tristan de Nicolai Schukoff a été constante avec une forme vocale inaltérable et de plus en plus spectaculaire. Sophie Koch en Isolde se révélant d’une fascinante sensibilité variant chaque soir les subtilités d’un personnage compris avec une grande profondeur. Un soir plus sensuelle dans l’acte deux, l’autre soir plus vipérine dans la colère du premier acte , mais toujours extrêmement émue et émouvante dans le Liebestod final et les répliques le précédent. La matinée du dimanche quatre mars se révélant la plus aboutie et la plus passionnelle à l’acte deux. Nous attendions donc une montée en beauté pour la quatrième le mardi 7 mars. S’était sans compter les effets dévastateurs de la colère sociale. La grève décidée par l’orchestre à quelques minutes du lever de rideaux a été vécue comme un attentat au subtil travail collectif  qu’a été cette aventure colossale. Avce le départ de la fosse des musiciens entrain de s’échauffer.

En effet « monter » Tristan pour un Théâtre de province, même si il est National, est un engagement presque déraisonnable en terme de couts et cette production avec un plateau monumental mobilise des moyens techniques complexes et pour toute l’équipe de longs jours de répétition. Quatre représentations c’est peu, alors une de gâchée sur quatre c’est beaucoup. Mais à chaque malheur une forme  de résilience est possible. Ainsi des très larges extraits ont été donnés avec un piano droit dans la fosse sans éclairages et sans mouvements de plateau. Autant dire que Tristan et Isolde sans orchestre ni scène mobile ne rendait pas justice à Wagner ni au travail d’équipe absolument sensationnel réalisé jusque là. Il a toutefois été possible d’éouter plus attentivement les voix. Ainsi la subtilité du chant ciselé de Sophie Koch confirme bien une Isolde considérable et très originale s’appuyant ainsi sur un texte limpide avec une voix homogène et sombre donnant au personnage une dimension tragique et sensuelle rarement associées à ce point. Le Tristan de Nicolai Shukoff est sidérant de puissance émotionnelle héroïque. Lui aussi s’appuyant avec limpidité sur le très beau texte de Wagner.

Mais la tristesse de cette version de poche amputée d’un orchestre consubstantiel au drame restera un souvenir amer surtout pour les spectateurs venus de l’étranger pour ces prises de rôle historiques.

Le conflit cornélien social actuel, aux enjeux sociétaux majeurs, restera aussi et bien d’avantage dans la mémoire collective. La bulle opératique n’aura pas été épargnée à Toulouse ce soir là.

CRITIQUE, Opéra.TOULOUSE, Capitole, les 26 fev. 1 et 4 mars 2023. R WAGNER : Tristan et Isolde. N Joel / F Beermann. S Koch. N Schukoff. Orch nat Cap.

Pour quatre représentations les sortilèges de la vaste partition de Wagner ont animé (et comment !), le Capitole toulousain. C’est un évènement tout à fait remarquable et le public l’a compris qui a fait salle comble à chaque fois. Dès avant le lever du premier rideau il était bien difficile de trouver encore un billet bien placé. On a frôlé le « à guichet fermé ». Pour La Bohème et Les Noces de Figaro ce n’était pas surprenant, pour un ouvrage long et difficile comme Tristan et Isolde c’est très réconfortant.  Ce n’est pas la mise en scène déjà ancienne de Nicolas Joël, datant de 2007 et revue avec plaisir en 2015, cette fois ranimée par Emilie Delbée, qui nous motivera en premier. Elle a comme mérite d’être extrêmement dépouillée, de ne pas distraire l’oreille des splendeurs vocales et orchestrales, de proposer un symbolisme discret, des images fort belles et surtout de mettre en valeur la musique. Ce qui dans le contexte actuel est une sacrée chance pour le public car tant d’horreurs ont cours sur les scènes lyriques (dont la production aixoise donnée au Luxembourg actuellement). Pour la mise en scène de Nicolas Joël je propose de Relire mon analyse de 2015.

Nous concentrerons notre critique sur l’extraordinaire réussite musicale et vocale qui a coupé le souffle à plus d’un.

L’Orchestre du Capitole d’abord car sa magnificence est un sacré atout. Les sonorités subtiles ou rutilantes de cet orchestre symphonique superlatif font merveille dans la fosse du Capitole. Les solos sont d’une beauté et d’une émotion à faire pleurer de bonheur. Gabrielle Zaneboni au cor anglais fait des merveilles à l’acte trois. Cette mélancolie indicible est fulgurante. Mais il serait injuste de ne pas signaler les moments clefs de l’alto solo, du violon solo et du violoncelle solo. Porteurs chacun de la plus juste émotion dans une beauté de son supérieure. Les bois et les cuivres sont à la fête et les contrebasses si intenses également. Cet orchestre porte tout le drame à un niveau d’incandescence rarement atteint. Il faut dire que l’osmose avec la direction superbe de Franck Beermann, attendue après tant de réussites in loco (souvenons-nous de son Parsifal ), aura tout dépassé. Les sourires qui diffusent entre le chef et les instrumentistes révèlent une confiance mutuelle au sommet. Dans des tempi plutôt rapides Beermann dès le prélude sait donner aux silences un poids dramatique sidérant. Les nuances subtilement dosées sont saisissantes. La mort des longues phrases des violons est d’une émotion à peine soutenable. Dès la fin de prélude chacun sait qu’il va vivre un moment rare. Tout le drame est annoncé, toute la douleur jubilatoire de la partition du sorcier Wagner est là. Le délicieux poison du désir de fusion amoureuse qui va vers la mort dans une dimension métaphysique est superbement présenté. En fait la direction de Franck Beermann est si sûre que le drame va se construire de manière inexorable et jamais ne nous lâchera. Les quatre heures de musique vont passer comme par magie. Jamais le moindre relâchement, le moindre zest d’ennui n’apparaît. Et c’est là qu’il faut souligner le génie de Christophe Ghristi qui a su construire ce Cast idéal avec sa seule intuition. Qui d’autre avec un tel succès peut proposer cinq prises de rôle dans Tristan, qui est peut-être l’opéra le plus complexe à distribuer ?  Ce qui va se passer ensuite demande une analyse fouillée. Par ordre d’entrée en scène le premier chant du Jeune Matelot est intense et beau. Valentin Thill reviendra en Berger à l’acte III avec un jeu sobre et une émotion vraie et bouleversante. Pour l’heure il ouvre la voie et arrive à mettre dans son chant tout le second degré demandé.

L’Isolde de Sophie Koch rentre dans la liste des immenses Isolde mezzo-soprano comme Astrid Varnay ou Waltraud Meyer. Elle s’installe d’emblée sur un sommet. Le personnage d’Isolde qu’elle incarne trouve une complexité rarement atteinte. Au premier acte la colère aristocratique de la princesse fait froid dans le dos, sa violence relativement maîtrisée rend perceptible une douleur profonde, une jalousie destructrice, comme la face inversée de son amour pour Tristan que le filtre ne fera que révéler. Sagace, hautaine, à la limite de la perfidie, la manière dont elle distille le texte du premier acte est vipérine. A l’acte II la femme amoureuse est impérieuse en exprimant à sa suivante un désir irrépressible presque violent. Elle reste princesse et devient femme amoureuse à l’arrivée de son amant. Quel beau couple ils forment !  L’explosion des retrouvailles est jubilation pure. Tout le jeu dans le long duo est ensuite une construction très aboutie avec son partenaire. Les regards, les sourires, les tendresses, les caresses tout suggère les montées du désir de cet amour fusionnel.

On savait depuis Parsifal en 2020 la sensualité troublante qui peut émaner du jeu de ces deux artistes, elle va beaucoup plus loin dans ce deuxième acte avec une dimension érotique poétique. Avoir deux chanteur-acteurs aussi crédibles scéniquement dans ces rôles d’amants superbes et éternels n’est pas si fréquent ! Au troisième acte en robe rouge somptueuse Isolde-Sophie n’est qu’amour et embrasse la mort, souriante afin d’atteindre une forme de plénitude éternelle. Son Liebestod est fébrile et porté par une fragilité humaine désarmante. La voix surfe avec puissance sur les vagues orchestrales sublimes. Vocalement Sophie Koch couvre toute la vaste tessiture, sa voix d’airain passe l’orchestre sans soucis. A mon sens c’est sa diction, sa manière de ciseler le texte si beau qui fait le plus grand prix de son interprétation. Vocalement elle est à l’aise sans soucis pour les contre-ut.  En approfondissant le rôle et en se l’appropriant, sa voix va s’assouplir et se déployer. La performance est déjà tout à fait remarquable et le public reconnaissant est enthousiaste aux saluts. Isolde est bien une prise de rôle qui correspond aux moyens actuels de Sophie Koch et à sa belle maturité. Toulouse a beaucoup de chance !

La Brangäne d’Anaïk Morel est également une prise de rôle. La voix est somptueuse, le legato à l’acte II est souverain. Le jeu est convainquant et le personnage est cohérant. Voilà un rôle en or pour la jeune Anaïk Morel. En Kurwenal, Pierre -Yves Pruvost fait également une prise de rôle remarquable.

Personnage tout entier et peu nuancé c’est le portrait de la fidélité absolue. La voix sonore et l’émission droite conviennent bien à cette conception du personnage. Il n’est pas de Tristan qui vaille sans un héros charismatique. Comment décrire le Tristan de Nicolai Schukoff ? Il EST Tristan à ce stade de sa carrière. C’est le bon moment.

Son physique est rare pour un  ténor, proche de la perfection. Grand et élancé il incarne une forme d’héroïsme charismatique rien que par sa seule présence. Le jeu altier au début de l’acte I s’évanouit avec l’effet du philtre et il n’est plus que ravissement à l’amour. Le jeu à l’acte II nous l’avons dit, est avec sa partenaire d’une grande sensualité. Face au Roi Marke ses accents sont d’une douleur désenchantée. Il retrouve un instant sa noblesse posturale face à Melot à la fin de l’acte II. Puis il ne sera plus que douleurs. Le jeu et le chant du terrible acte III sont ceux d’un Grand Tristan. La voix reste souveraine tout du long, ce beau métal noble, cette émission droite et franche sont de l’étoffe des héros. Nicolai Schukoff a également l’endurance du rôle. Ce n’est pas un Tristan malade cherchant des couleurs et des nuances extrêmes comme certains. Il meurt d’autre chose non de sa blessure physique avce une voix pleine et forte.  Toulouse a vu la naissance d’un Vrai Tristan ! Il nous reste à évoquer le Roi Marke somptueux de Matthias Goerne : il signe une prise de rôle majestueuse avec une voix souple, sonore et conduite avec art. Le texte est ciselé et le personnage a une bonté absolue.

Marke est un monarque aimant ne revendiquant que d’être aimé et anéanti par les abandons en cascades et les morts qu’il ne peut éviter. Matthias Goerne y met tout son art du lied, colorant chaque mot. Damien Gastl en Melot campe un personnage parfaitement détestable et Matthieu Toulouse rajoute au drame avec sa très courte intervention. La puissance des chœurs d’hommes est appréciable. La cohérence de ce spectacle est digne de la recherche wagnérienne de l’œuvre d’art total et du monument inouï qu’il a érigé à l’amour idéalisé. Voici un spectacle inoubliable pour le public nombreux qui a fait chaque fois un véritable triomphe à tous les artistes, l’orchestre venant également saluer sur scène !  Quel merveilleux travail d’équipe ! Toulouse devient une capitale wagnérienne incontournable.

Hubert Stoecklin

Critique. Opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 26 février 2023. Richard Wagner (1813-1883) : Tristan und Isolde. Mise en scène, Nicolas Joël/ Emilie Delbée ; Décors et costumes, Andrea Reinhardt ; Lumières, Vinicio Cheli ; Avec : Sophie Koch, Isolde ; Nicolai Schukoff, Tristan ; Matthias Goerne, Le Roi Marke ; Anaik Morel, Brangäne ; Pierre-Yves Pruvost, Kurwenal ; Damien Gastl, Melot ; Valentin Thill, un jeune marin/un berger ; Matthieu Toulouse, un pilote. Chœur du Capitole, chef de chœur Gabriel Bourgoin ; Orchestre National du Capitole, Gabrielle Zaneboni, cor anglais ; Direction, Franck Beermann.

Crédit Photo : Mirco-Magliocca