Intégrale des concertos de Rachmaninov à La Roque : Fulgurant !

CRITIQUE, concerts, LA ROQUE D‘ANTHERON, les 7 et 8 Août 2023, Intégrale Cto. Piano Rachmaninov, KANTOROW, GOUIN, MALOFEEV, SINFONIA VARSOVIA, SCHOKHAKIMOV.

Une intégrale des concertos de Rachmaninov contrastée et

toujours virtuose !

Nous avons pu assister aux deux premiers concerts de l’intégrale des concertos de piano composés par Rachmaninov. Il est passionnant d’entendre trois concertos ou équivalent par trois pianistes aux styles si différents. Alexandre Kantorow tout auréolé du succès de sa carte blanche fait salle comble une nouvelle fois. Le premier concerto lui va comme un gant. Avec une assurance confondante il en assume toute la virtuosité en rajoutant continuellement une dimension musicale qui rend son interprétation absolument passionnante. Car Rachmaninov a souffert un temps d’une image de pur technicien aux effets faciles pour le public. Si les thèmes sont toujours immédiatement repérables et sembler faciles il n’en est rien ; ce concerto est très habilement construit. Dès le début le thème très romantique donne beaucoup de profondeur au propos. Alexandre Kantorow s’en empare et avance vers toujours plus de finesse interprétative. Son piano est extrêmement nuancé, toujours plein de couleurs variées et la puissance se mêle à la poésie de la plus belle manière. Le Sinfonia Varsovia dans les divers solos est très impliqué et offre de beaux moments chambristes au pianiste. Le chef ouzbèke Aziz Shokhakimov a une conception de l’orchestre particulière basée sur la puissance et même une certaine violence dans sa manière de diriger. Les effets orchestraux sont toujours tirés vers le spectaculaire. Il n’est pas du tout certain que c’est le partenaire le plus à même de dialoguer avec le piano si sensible de Kantorow. Dans les forte orchestraux un peu brutaux Alexandre Kantorow tient le choc sans siller mais finalement pourquoi tant de bruit ? La musique de Rachmaninov en sort-t-elle grandie ?

A Kantorow 23 © Valentine Chauvin 2023 Copie

La cadence du premier mouvement permet au tempérament romantique et poétique de Kantorow de s’épanouir enfin. Le deuxième mouvement est le plus réussi, l’orchestre plus subtil dialogue amicalement avec le pianiste rasséréné. C’est très beau de sentir le pianiste heureux et autorisé à nuancer finement, de phraser délicatement et de colorer subtilement son piano. Il chante à cœur ouvert et l’orchestre lui répond.  Le final reprend un ton martial du côté de l’orchestre et le pianiste se raidit un peu.  La virtuosité explose de toute part. C’est très brillant.  Puis la partie centrale s’apaise et la course poursuite finale est jubilatoire. Le public exulte et fête Alexandre Kantorow en prince du piano. Un public aussi enthousiaste dans une salle archi pleine en est le signe. Deux bis vont enchanter le public une valse triste de Vecsey arrangée par Cziffra, pour un moment très romantiquement échevelé et de Mompou la chanson et danse n°6 d’une délicate mélancolie.

Le lendemain c’est Nathanaël Gouin qui s’empare des variations rhapsodiques sur un thème de Paganini. On peut dire que c’est le dernier concerto de Rachmaninov. Le pianiste français progresse régulièrement et sa carrière internationale s’intensifie. Ses derniers enregistrements sont plébiscités. De Rachmaninov il a enregistré le premier concerto et les variations Paganini.  Il propose donc au public une version murie par des recherches approfondies. Son jeu est analytique, très pur et sa lecture éclaire d’un jour intéressant la vaste partition. La virtuosité ne le met pas en difficulté et une poésie distanciée va bien à cette musique. Le hiatus vient de la direction du chef qui reste dans sa vision de recherche de puissance dès qu’il le peut. Le soliste et le chef restent chacun sur leur planète et ne se rencontrent pas. Les solistes de l’orchestre eux arrivent dans les moments solos à partager la musique avec Nathanaël Gouin. Le beau piano pur et analytique de Nathanaël Gouin trouvera avec un chef plus délicat à approfondir son propos particulièrement intéressant. Dans deux bis intelligents il ravit le public par ce même jeu très élégant. D’abord une paraphrase virtuose de sa main de l’air de Nadir des Pécheurs de Perles de Bizet. Puis un prélude de Rachmaninov très lyrique.

Sinfonia Varsovia Nathanaël Gouin 13 © Valentine Chauvin 2023

Le deuxième concerto de Rachmaninov est un tube qui se retrouve partout au cinéma et dans les publicités. Cela n’enlève rien à sa beauté intrinsèque toujours révélée dans chaque nouvelle interprétation. Ce soir le jeune Alexander Malofeev du haut de ses 22 ans va affronter le monument pianistique !

Aziz Shokhakimov Sinfonia Varsovia Alexander Malofeev 15 © Valentine Chauvin 2023

Ce jeune pianiste russe est en fait un colosse dès qu’il touche un piano. Le début mythique du concerto repose sur un savant crescendo des accords du pianiste. Ce jeune homme semble pouvoir faire un crescendo infini et l’orchestre n’arrivera pas à le faire disparaitre dans son fortissimo, même si Aziz Shokhakimov s’y emploie avec application !  Le reste du concerto sera grandiose, le pianiste russe a des moyens colossaux et au jeu du plus fort le chef perd sans jamais arriver à le couvrir, le combat bon enfant est tout de même assez terrifiant par instants. Heureusement le mouvement lent magique permettra un rêve de paix et de pure beauté. Le piano de Malofeev est incroyablement large et le son est plein y compris dans les pianissimi, c’est un piano de première grandeur. Les longues phrases se déplient lyriques et pleines, les nuances sont incroyablement creusées.  La virtuosité est sidérante, la solidité rythmique quasi surhumaine. Avec l’expérience de rencontres musicales au sommet, qu’il mérite de faire, ce jeune artiste va devenir un des plus grands pianistes de sa génération.

Lors des bis et c’est un signe les musiciens du Varsovia restent sans bouger comme ils l’avaient fait pour Kantorow. Ces deux bis sont aussi spectaculaires que la prestation dans le concerto. Une main gauche d’acier exulte dans le prélude pour la main gauche de Scriabine puis dans une toccata absolument diabolique de Prokofiev le jeu staccato et roboratif d’Alexander Malofeev fait merveille.

En deux soirs nous avons bénéficié de trois concertos avec des pianistes aux personnalités très différents, la Roque propose des moments pianistiques vraiment très stimulants ! Coté chef c’est autre chose …

Hubert Stoecklin

Critique. Concerts. La Roque d’Anthéron. Parc du Château Florans les 7 et 8 Aout 2023. Intégrale des concertos pour piano de Rachmaninov soirées 1 et 2. Sergeï Rachmaninov (1873-1943) ; Concerto pour piano n°1 en fa dièse mineur op.1 ; Concerto pour piano n°2 en ut mineur op.18 ; Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 42 ; Grazyna Bacewicz (1909-1969) : Ouverture pour orchestre symphonique ; Nicola Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade suite symphonique op.35 ; Alexandre Kantorow, Nathanaël Gouin et Alexander Malofeev : piano ; Sinfonia Vasovia ; Aziz Shokhakimov, direction.

Photos : Valentine Chauvin

Lien vers Kantorow cto n°1

Lien Kantorow cto n° 2

Nathanaël Gouin dans la romance de Nadir

Alexander Malofeev dans le deuxième concerto

Concert final à Salon

CRITIQUE, concert, Salon, le 5 Aout 2023, Granados, Farrenc, Debussy, Spohr, Pahud, Mayer, Braley, Lomeiko, Leleux, Tourret.

Un Final en fête pour la trentième édition du Festival

Pas de doute pour terminer en beauté la trentième édition c’est le nombre qui a été le mot d’ordre. Le plus de musiciens amis possible sur scène dans des œuvres originales et rares. Quelle fête du beau son, de l’émotion et du style ! Le quintette de Granados avec piano et cordes est une œuvre solaire, et heureuse. Elle ouvre le concert avec audace.

Franck Braley au piano est certes masqué (quelque méchant virus ?) mais en pleine forme et son piano sera généreux, vif et ingénieux. Le violon de Natalia Lomeiko est une force qui avance toujours avec panache. Lilli Maijala à l’alto est souveraine du beau son. Marie Viard au violoncelle a le regard partout pour soutenir un collège, chanter à tue-tête, ou dialoguer avec exactitude. En deuxième violon Yuri Zhislin ne s’en laisse pas conter et est très présent.    Le premier mouvement d’une énergie débordante avance avec une force commune épatante, le mouvement lent avec le violon en sourdine pour commencer a toute la magie requise en ce moment de lumière qui descend. C’est un moment très beau sous le ciel provençal. Le final avec ses variations qui mettent en valeur chaque musicien a une allure de galop dansant endiablé. Les cinq musiciens sont applaudis de belle manière.

Une autre équipe de corde set tous les vents se retrouvent pour le Nonette de Louise Farrenc. Œuvre absolument géniale qui est une sorte de petite symphonie pleine d’esprit. Pour mémoire c’est cette composition qui a décidé la direction du Conservatoire de Paris de lui donner le même salaire que ses collègues hommes, comme professeur de piano ! Le charme de cette œuvre est sans égal, c’est élégant, bien charpenté et plein de délicieuses trouvailles. Chaque musicien a son moment de gloire et l’ensemble est plein de force. Le charme des bois français est élégant. Emmanuel Pahud, François Leleux et Paul Meyer sont des complices qui savent trouver une harmonie parfaite. Lisa Batiashivili a un violon lumineux qui survole aisément les phrases.

L’alto de Gareth Lubbe met une chaleur bienvenue dans l’ensemble et le violoncelle de Claude Bohorquez semble plein de bonheur. Gilbert Audin au basson soutient les autres bois ou les cordes avec le même bonheur et dans ses solos nous livre une qualité de son peu commune. La contrebasse d’Olivier Thiery donne toute sa solidité à l’ensemble avec un vrai bonheur.

Le plaisir des musiciens se lit dans leurs attitudes et le public charmé fait une ovation aux 9 musiciens. Voilà assurément une œuvre qui mérite de prendre plus de places dans les concerts.

En deuxième partie l’installation de la harpe, à la nuit tombée, apporte un peu de magie et suscite les interrogations du public. Entendre de la harpe à Salon c’est inhabituel. Les Danse sacrée et profane pour harpe de Debussy peuvent être accompagnée par plusieurs formations. Le quatuor à cordes est choisi ce soir. L’effet est magique, hors du temps et de l’espace. La harpe subtile d’Ananëlle Tourret a un charme indéfinissable et le soutient des cordes est à la fois chaleureux, discret et réconfortant. C’est un très bel équilibre qui est construit devant nous et le public complètement sous le charme applaudit avec joie à cette partition si originale et si agréablement présentée.

En final du final le Nonette de Spohr est un moment de partage de bonheur irrésistible. On peut compter sur la fine équipe du festival pour nous faire exulter. Cette musique charmante, entrainante et si bien écrite est une bénédiction et nos musiciens sont si heureux de la jouer ensemble qu’ils se dépassent et nous enchantent. Un vrai bonheur en musique ! Belle fin pour cette belle édition du Festival du Salon de Provence , oui les meilleurs solistes du monde étaient là ! Bravo aux artistes et à un public nombreux ce soir !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. 30 ième Festival de Salon de Provence, Château de l’Empéri, le 5 Aout 2023 ; Enrique Granados (1867-1916) : Quintette en sol mineur op.59 ; Louise Farrenc (1804-1875) : Nonette en mi bémol majeur, op.38 ; Claude Debussy (1862-1918) : Deux danses. Danse sacrée et dans et danse profane ; Louis Spohr (1784-1859) : Nonette en fa majeur ; Natalia Lomeiko, Yuri Zhilslin et Lisa Batiashvili, violon ; Lilli Maijala et Gareth Lubbe, alto ; marie Viard et Claude Bohorquez, violoncelle ; Olivier Thiery, contrebasse ; Emmanuel Pahud, flûte ; François Leleux, hautbois ; Paul Meyer, clarinette ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Anaëlle Tourret, harpe ; Franck Braley, piano.

Photos : Aurelien Gaillard

Liya Petrova au Festival de Salon de Provence

CRITIQUE, concert, Salon de Pce, le 5 Août 2023, Schumann, Prokofiev, Debussy, PETROVA, LE SAGE.

Liya Petrova est une violoniste flamboyante

Le Festival de Salon de Provence propose des concerts toute la journée cela permet de proposer jusqu’à 23 concerts sur cette 30 ième édition. Le concert de Midi dans la petite église de Ste Croix au sein d’une superbe Abbaye convertie en hôtel de charme, est toujours un moment rare.  Si le public est certes peu nombreux, il bénéficie toutefois d’une grande proximité avec les artistes et d’une acoustique idéale qui permet une écoute extrêmement précise. Le duo en sonate violon et piano semble bénéficier ici du lieu idéal avec cette acoustique généreuse et précise à la fois.

Le duo formé par Liya Petrova et Éric Lesage fonctionne bien. Les deux artistes étaient la veille avec le même programme au Festival de Menton.

Dès le début de la sonate de Schumann, l’énergie de la violoniste galvanise le pianiste. Cette interprétation sera très engagée, virtuose et romantique. La colère du début se transforme petit à petit en de belles nuances du violon. Les sonorités chaudes de Liya Petrova sur les cordes graves sont absolument superbes, le geste est large et la plainte devient celle d’une souveraine.  Puis le caractère plus populaire du deuxième mouvement, allège le ton avec de belles envolées dans l’aigu nourri de la violoniste. Le final caracole et sous les doigts de Liya Petrova les envolées du violon deviennent grâcieuses en leur alacrité. Les changements d’humeur rapides, les nuances creusées et l’énergie toujours renouvelée sont d’un Schumann bien rendu par des artistes fins connaisseurs. Cette vibrante interprétation est applaudie vigoureusement.

La sonate de Prokofiev débute de manière très dramatique sur un mouvement lent. Liya Petrova met beaucoup de poids sur son archet pour donner le caractère dramatique à ce début très inhabituel. A nouveau nous pouvons admirer l’opulence de sonorités graves qu’elle obtient de son violon.  L’allegro allège l’ambiance et la violoniste éclaire son jeu. Cela devient brillant et dans le final la virtuosité assumée permet d’admirer un art du violon complet. C’est vraiment très beau. Éric Le Sage est un partenaire réactif qui amplifie les intentions de la violoniste, il semble vraiment tirer le meilleur de la généreuse énergie de Liya Petrova. La sonate de Prokofiev scelle un duo qui fonctionne admirablement.

En fin de concert la Sonate de Debussy devait offrir un contraste qui n’a pas été au rendez-vous. Si Liya Petrova joue plus clair et dans des phrasés plus subtiles, le piano d’Éric Le Sage reste droit et forte sans chercher les subtilités debussystes. Le violon reste un peu seul pour cette sonate et l’accord avec le pianiste ne se trouve pas. Je reste un peu sur ma faim quand d’habitue cette sonate m’apporte plus d’originalité avec des éléments très diaphanes, des rythmes surprenants. Certes la beauté du violon de Liya Petrova, la grande subtilité des notes suraiguës pianissimo, les longues phrases sinueuses nous enchantent mais à elle seule elle ne peut porter toute la sonate, le poids constant du piano de Le sage restera un mystère, comment a-t-il pu rester insensible aux propositions de la violoniste ?

Le concert a permis de déguster le jeu vibrant de Liya Petrova, son engagement généreux et la beauté de sonorités sur toute la tessiture. Le romantisme partagé avec Éric Le Sage dans Schumann restera le moment le plus abouti du concert.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. 30 iéme Festival de Salon de Provence. Abbaye de Ste Croix, chapelle, le 5 aout 2023. Robert Schumann (1810-1856) : Sonate n°1 pour violon et piano en la mineur, op.105 ; Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Sonate pour violon et piano n°1 en fa mineur, op.80 ; Claude Debussy (1862-1918) : Sonate pour violon et piano. Liya Petrova, violon ; Éric Le Sage, piano.

Photo : DR

Photos : DR

Les somptueuse soirées de Salon de Provence

CRITIQUE, concert, SALON DE PROVENCE, le 3 Août 2023, Prokofiev, Flament, Verdi, Dohnanyi, MEYER, PAHUD, LE SAGE, LOMEIKO.

Le Festival de Salon de Provence offre des découvertes sensationnelles

Le Festival de Salon de Provence fête cette année ses 30 ans ! Les trois amis qui l’ont créé n’ont rien perdu de leur complicité bien au contraire Emmanuel Pahud à la flûte, Éric Le Sage au piano et Paul Meyer à la clarinette se renouvellent sans cesse. Les amis qu’ils invitent sont tout aussi fidèles et chaque année de jeunes talents les rejoignent. Sur une semaine environ les concerts s’enchainent et ne se ressemblent pas. Le rituel du soir permet de commencer le concert avec la lumière du jour pour se terminer en pleine nuit. C’est absolument magique sous le ciel provençal cette lente descente du soleil et ce lever de lune durant un concert.

Ce soir concert surprise ! Aucune œuvre proposée ne m’était connue ou du moins dans la forme proposée.

Le Quintette de Prokofiev est une véritable farce musicale, une pocharde. De cette commande purement alimentaire pour un ballet Prokofiev a décidé de tirer une partie purement musicale. Il n’y a donc aucune dramaturgie, aucune direction à cette composition. Si elle n’était si peu harmonieuse on pourrait parler de musique pure. En fait c’est tout à fait désopilant tant la difficulté technique de la partition est fulgurante afin que chacun joue exactement faux et tienne un rythme complètement instable et surtout donne l’impression de jouer que pour lui alors que la connexion aux autres est vitale. Avec les mimiques d’Olivier Thiery à la contrebasse ou de Gareth Lubbe à l’alto le spectacle dans le spectacle construit une mise en abyme hilarante. Bravo à tous ces musiciens qui tiennent bon dans cette cacophonie savante.

Le Quatuor de Verdi est une œuvre de désœuvré. En panne avant la création d’Aïda  Verdi en dilettante écrit ce quatuor qui restera sa seule œuvre de musique de chambre. L’adaptation pour quintette de vents est d’un grand bassoniste et arrangeur : Mordechai Rechtman. Je dois dire que la métamorphose du quatuor le rend plus verdien ! En effet je dois reconnaitre y avoir d’avantage entendu des éléments verdiens appartenant à des ensembles, des couleurs connues dans ses opéras car il a toujours su utiliser les bois avec art. Et je dois dire combien la séduction de ce Verdi décalé a fonctionné avec des moments me rappelant souvent le Bal Masqué. Nos musiciens ont su avec art donner toute une dramaturgie à ces pages musicales très richement colorées.

Après l’entracte deux compositeurs inconnus sont proposés. Le talentueux Édouard Flamant a écrit un Septet extrêmement riche et beau. Le seul regret est qu’il soit si court et que les véritables trouvailles de thèmes ou d’associations d’instruments, les rythmes originaux ne donnent pas lieu à des développements. D’autres compositeurs auraient su en tirer près d’une heure de musique tant il y a de richesse qui passent sans revenir dans cette pièce fulgurante (moins de 10 minutes).

En final c’est le septuor pour piano, cordes clarinette et cor qui est une découverte inouïe. Comment une si belel écriture a pu tomber dans l’oubli ? Une si belle construction, des mélodies si fines, des utilisations de timbre si surprenantes ? Cette œuvre tient du chef d’œuvre inconnu et Ernö Dohnanyi est un compositeur hongrois à découvrir d’urgence.

Merci aux artistes généreux et si doués chacun pour leur instrument d’avoir su nous offrir avec cette amitié évidente ces œuvres si belles et variées. Je voudrais tous les citer ils sont tous impeccables et souverains, la liste est en bas ci-dessous.

Hubert Stoecklin  

Photos : © Aurélien Gaillard

Critique. Concert. Festival de Salon. Château de l’Empéri, le 3 Aout 2023. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Quintette op.39 ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Quatuor en mi, arrangement pour quintette à vent de Mordechai Rechtman ( 1926-2023) ; Édouard Flament (1880-1958) : Septet fantasia con fuga op28 ; Ernö Dohnanyi ( 1877-1960) : Sextuor en ut majeur op.37 ;   François Meyer, hautbois, cor anglais ; Paul Meyer, clarinette ; Maja Avramovic et Natalia Lomeiko, violon ; Gareth Lubbe et Lilli Maijala , alto ; Olivier Thiery , contrebasse ; Emmanuel Pahud, flûte ; François Laleux, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Astrid Siranossian, violoncelle ; Éric Le sage, piano.

Alexandre KANTOROW offre une Schubertiade à La Roque d’ Anthéron

CRITIQUE, Concert, La Roque d’Anthéron, Parc du château, le 2 août 2023, Beethoven, Schubert, Kantorow, Petrova, Pascal, Despeyroux, Dobost, Sinfonia Varsovia, Nikolitch.

Carte Blanche à Alexandre Kantorow = Maxi Schubertiade.

Le Trio Kantorow Petrova Pascal en sa complicité 
Photo : Valentive Chauvin La Roque 2023

Ce soir ce n’est pas la réincarnation de Liszt qui est là mais Schubert le compositeur qui avait deux passions : l’amitié autant que la musique. C’est exactement ce qui vient à l’esprit en regardant le programme concocté par Alexandre Kantorow, d’une rare générosité et ne comprenant qu’un morceau en solo.

D’abord Beethoven pour rendre hommage au père bien aimé pour la première partie de la nuit. Le compositeur de la musique du bonheur dans le choix de deux œuvres solaires, heureuses et enthousiasmantes. 

Le trio en mi bémol majeur porte le numéro 1 mais n’est pas le premier… partition accomplie qui permet aux trois interprètes d’offrir le meilleur d’eux même aux collègues comme au public. Cette osmose entre les trois amis est un régal des yeux et des oreilles. En effet Alexandre Kantorow, Liya Petrova et Aurélien Pascal se connaissent depuis longtemps et assurent ensemble la direction artistique des Journées Musicale de Nîmes. Nous les y retrouverons avec plaisir.

Ce trio encore très mozartien est déjà bien rythmé et avec ses quatre mouvements se dégage du modèle classique. Grâce de cette musique, la complicité entre les musiciens et le silence des cigales semblent faire de ces instants un exemple de bonheur sur terre, c’est la preuve que l’amitié et la musique se donnent la main. Le piano d’Alexandre Kantorow cherche constamment l’équilibre parfait avec les cordes. Ses regards attentifs sont éloquents. Aurélien Pascal que nous avions entendu à Salon de Provence il y a quelques années, a beaucoup changé et en affirmant une personnalité musicale plus sure d’elle il donne à son jeu tout en finesse un peu plus d’éloquence. Liya Petrova que nous découvrons a une assurance qui donne à son jeu, lumière et brillant mais sans ostentation. De ce fait l’équilibre entre les trois est constamment parfait. C’est la violoniste qui a la position du centre qui fait avancer les choses. La beauté de chaque instrument, les nuances communes, les phrasés complices, la fusion, tout est pur bonheur. Le public est charmé totalement.

Photo Valentine Chauvin La roque 2023

Puis avec l’entrée du Sinfonia Varsovia dirigé par le premier violon, Gordan Nikolitch, fait sensation. Le violoncelle monte sur une estrade, la violoniste reste debout. D’évidence nous montons d’un cran. Les sonorités se développent afin de créer un bien bel équilibre face à l’orchestre.

Liya Petrova avec un jeu plus extraverti offre des sonorités riches et des nuances subtiles. La beauté des sonorités est un enchantement.

Aurélien Pascal qui dans la composition a un rôle plus moteur s’engage avec panache. La beauté des sonorités, la largeur des phrasés et la variété des nuances sont idéales. Ce n’est pas un violoncelle conquérant, au contraire c’est la voix de l’amitié.

Et Alexandre Kantorow de couver les deux autres solistes du regard et d’ajuster les équilibres sonores amoureusement.  Sourires aux lèvres, il semble vivre un grand moment de bonheur. Il faut dire que cet orchestre est celui avec lequel il a fait ses débuts à 16 ans ! Il est ce soir entouré de vrais amis.

Le public exulte et fait un triomphe à tous les musiciens, solistes comme ceux de l’orchestre. Le Sinfonia Varsovia a été d’une précision admirable.  La grande phrase d’entrée si éloquente a donné le frisson a plus d’un, tant le rythme était souple dans une beauté sonore parfaite.

Pour la deuxième partie entièrement consacrée à Schubert, Alexandre Kantorow a choisi de se présenter seul avec la Wanderer-Fantaisie. Il en offre une version brillante et il obtient des sons orchestraux de son piano. Les rythmes peuvent être d’une précision terrible, les couleurs sont d’une beauté renversante et l’énergie est totalement romantique. Alexandre Kantorow se jette dans cette ballade avec audace osant des nuances extrêmes.

Les plans sonores sont brillamment mis en valeur à chaque instant. C’est limpide, exaltant et enthousiasmant. Le chant éperdu entrecoupé des moments très rythmés sont opposés de manière sensationnelle. C’est vraiment un piano élégant et audacieux à la fois.

L’adagio permet à une émotion délicate de diffuser dans un récitatif éloquent et un chant émouvant. Les coulées perlées sont de la magie pure avec Alexandre le bien heureux. On sent combien il aime cette partition et s’en délecte. Le Presto et le Final sont des moments de pur bonheur sous des doigts si inspirés et virtuoses. La fugue est construite avec puissance et rigueur. Les moyens phénoménaux d’Alexandre Kantorow donnent une dimension démiurgique à ce final. Le public exulte, un piano si riche avec une puissance quasi orchestrale c’est beau et rare. Le public fin connaisseur de La Roque le fait savoir avec reconnaissance.

La Truite de Schubert c’est le bonheur sur terre !

Après ce moment d’émotions l’installation des musiciens du Quintette apportent de la diversion. L’altiste et la contrebasse trouvent leur place au sein du trio et la magie de « La Truite » peut se dérouler. Cette œuvre, la plus jubilatoire de Schubert, apporte toujours une joie particulière partagée par les musiciens et le public.

Les amis d’Alexandre ce soir sont partout sur scène et dans le parc. Le pianiste épatant est aux anges et semble particulièrement apprécier les interventions de ses collègues, le violoncelle heureux d’Aurelien Pascal, le violon si beau de Liya Petrova, l’alto moelleux de Violaine Despeyroux , la contrebasse goguenarde de Yann Dubost. 

On ne peut plus parler simplement de complicité entre eux ou d’admiration réciproque, ce sont l’amitié et la joie de faire de la si belle musique ensemble qui s’incarnent sous les yeux du public réellement aux anges. Que de joie partagée sous le ciel provençal et les arbres augustes. Cette magie de la Roque prend une dimension universelle avec de tels musiciens en fête. Bien évidemment le temps passe trop vite alors que le concert a duré près de trois heures !

Photo DR

Le thème de La Truite si jubilatoire est bissé par les artistes, puis c’est la remise des fleurs et afin de ne pas se quitter tout de suite il se passe un moment de pure magie. L’amitié s’invite avec évidence lorsque Liya et Violaine s’asseyent serrées l’une contre l’autre sur un tabouret, qu’Aurélien s’alanguit sur un autre tabouret et que Yann prend le troisième tout proche du piano. Et Alexandre de chercher dans sa tablette une pièce à jouer à la demande de ses amis qui veulent l’écouter !

Photo : DR

Le vrai amitié pour le bis offert par Alexandre Kantorow

Il choisit l’Intermezzo à la mélancolie si douce de la troisième sonate de Brahms. Cela diffuse un grand moment d’émotion que chacun déguste et les musiciens sur scène ne le cachent pas. Oui de vrais amis ont fait de la musique ensemble et pour nous. Le bonheur est total je vous l’assure !

Ce concert enregistré par France Musique sera diffusé ne le ratez pas, il est certain que cet amour passera les ondes ! Et cette musique est si belle !!

Merci à René Martin qui dans une confiance visionnaire a reconnu en Alexandre le Grand qu’il est et de lui donner Carte Blanche qu’il a si bien employée ce soir.

Hubert Stoecklin

Toutes les Photos : Valentine Chauvin La Roque 2023

sauf les deux avant-dernières : DR

Critique. Concert. 43 ième Festival de la Roque d’Anthéron ; Parc du Château de Florans, le 2 Aout 2023.  Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Trio pour piano et cordes n°1 en mi bémol majeur, op.1 n°1 ; Triple concerto pour piano, violon et violoncelle en ut majeur, op.56 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Wanderer-Fantaisie, op. 15 D. 760 ; Quintette pour piano et cordes en la majeur, op.114 D.667 « La Truite » ; Alexandre Kantorow, piano ; Liya Petrova, violon ; Violanie Despeyroux, alto ; Aurélien Pascal, violoncelle ; Yann Dubost, contrebasse ; Sinfonia Varsovia ; Direction, Gordan Nikolich.

Quleques video disponibles sur le net :

Petrova Kantorow C. Franck

Trio Brahms Trio Kantorow Petrova Pascal