le jeu subtil de Jan Bertos offre des émotions rares au public de Piano Jacobins

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Couvent des Jacobins, le 26 septembre 2023. KABELAC, JANACEK, SMETANA, J. BARTOS (piano).

Piano Jacobins a fait découvrir en première audition française un pianiste rare et précieux. Jan Bartos vient offrir au public trois pages majeures de la musique de son pays. Originaire de Prague il propose en début de concert les Huit préludes de Miloslav Kabelac. Ce compositeur inconnu en France a porté haut dans son pays un art musical varié. Symphonies, musique de chambre, musique de piano, musique religieuse il a abordé avec grand succès tous les genres. Ces huit préludes demandent au pianiste des moyens techniques considérables et une grande force expressive. Jan Bartos avec une énergie magnifique en offre une interprétation charpentée et très nuancée. Les couleurs sont vives, les nuances très creusées entre pianissimi diaphanes et fortissimi telluriques. C’est un magnifique piano extraverti et puissant.

Puis avec la sonate 1 X 1905 de Janacek c’est le drame, l’angoisse et la mort qui s’invitent. Jan Bartos avec une concentration extrême offre cette musique comme si sa vie en dépendait. Les prémonitions du premier mouvement avec des couleurs subtilement éclairées distillent une angoisse sourde. Puis le drame de la mort explose et nous terrasse. C’est vraiment avec une force dramatique peu commune que Jan Bartos nous interprète cette sonate ; il y met comme une revendication. L’hommage de Janacek a cet ouvrier, Frantisek Pavlik, jeune victime de la tyrannie d’état, semble vivifié par cet interprète si engagé.

La dernière œuvre au programme, toujours de musique Tchèque détend l’ambiance avec des partitions très subtiles de Smetana. Dreams permet au pianiste d’utiliser des touchers plus subtils avec une grande variété de nuances. C’est vraiment très poétique et très beau.

Ce programme concentré sur la musique Tchèque permet à Jan Bartos de démontrer bien des qualités magnifiques. Cet artiste encore inconnu en France et que sa carrière internationale va conduire aux États-Unis a un nom à retenir. Une telle hauteur de vue, un tel engagement sont des qualités aussi rares que précieuse. Le public applaudit généreusement et obtient un beau bis: un extrait du sentier herbeux de Janacek.

lien vers une vidéo de réminiscences

Merci à Catherine d’Argoubet d’avoir fait découvrir Jan Bartos, un artiste considérable, au public de Piano Jacobins.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, 44ème Festival Piano aux Jacobins / Cloître des Jacobins, le 26 septembre 2023. Miloslav Kabelac (1908-1979) : Huits Préludes op.30 ; Leos Janacek (1854-1928) : Sonate 1 X 1905 en mi bémol mineur ; Bedrich Smetana (1824-1884) : Dreams. Jan Bartos, piano. 

Photos (c) Piano Jacobins.

Piano Jacobin invite le grandiose piano américain de Mc Dermott

CRITIQUE, concert, TOULOUSE, Couvent des Jacobins, le 13 septembre 2023. SCHUBERT, A.M. Mc Dermott (piano).

Anne-Marie Mc Dermott la brillante

Et ce concert est déjà le sixième de cette 44e édition de piano Jacobins. L’américaine Anne-Marie Mc Dermott dans un programme tout Schubert avec deux vastes sonates la D 850 et la D960 propose son jeu intense et brillant au public toulousain. Tout dans sa personnalité et son jeu est lumière, ses rythmes sont serrés et les accords répétés prennent un caractère obsédant et parfois violent. Des sortes d’à-coups font avancer d’avantage que des phrasés profonds. C’est un Schubert très « pianistique » qui nous est proposé ce soir. La générosité des sonorités, toujours éclatantes, donne un caractère victorieux aux deux sonates. Les répétitions amplifient le propos. Les nuances sont plutôt forte et les piani rares. Ce jeu très maitrisée et extraverti à la fois donne un coté guindé aux partitions. Point de recherche de caractère populaire aux Ländler, les divines longueurs sont plutôt vivifiées que mélancoliques. 

Anne-Marie Mc Dermott ne s’autorise pas de rubato ou de souplesse, elle met beaucoup de rigueur et de poids dans les phrasés. Ce Schubert est particulièrement solide et sonore. Le public a apprécié la vigueur de ce jeu et l’intensité qui s’en dégage. Les applaudissements sont nourris et deux bis sont obtenus. D’abord un extrait vif et brillant d’une suite anglaise de Bach. C’est dans ce répertoire au disque que la réputation de la pianiste américaine s’est assise en 2005. Puis le Lied Wiedmung de Schumann revu par Liszt dans lequel le chant s’efface devant la virtuosité.

En ambassadrice de la brillante école américaine, Anne-Marie Mc Dermott a séduit le public de Piano Jacobins ce soir.

Hubert Stoecklin

Lien video vers Bach

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, 44ème Festival Piano aux Jacobins / Cloître des Jacobins, le 13 septembre 2023. Frantz Schubert (1797-1828) Sonates en ré majeur D850 et en si bémol D960. Anne-Marie Mc Dermott, piano.  Photos (c) Hubert Stoecklin

SPLENDIDE OUVERTURE DE PIANO AUX JACOBINS

CRITIQUE, concert, TOULOUSE, le 6 septembre 2023. Schumann, Liszt, Brahms, Scriabine, G. Gigashvili.

Une ouverture en fanfare !

Pari gagné et c’est un public très nombreux qui est venu fêter l’ouverture des 44 ans de Piano Jacobins. Cette ouverture se fait avec le choix de la grande jeunesse. Car le pianiste géorgien Giorgi Gigashvili n’a que 22ans. Auréolé de nombreux prix il est venu se présenter au public toulousain avec une partie du programme du Concours Géza Anda ou il a été primé ( lien vers Liszt et Brahms) . Le concert a débuté avec Kreisleriana de Schumann, et dès les premières notes se remarquent des contrastes puissamment mis en lumières.

Les moyens pianistiques sont considérables autorisant des nuances très impressionnantes. Les contrastes parfois abrupts donnent beaucoup de vigueur à son Schumann. Puis le mystérieux début de la sonate en si mineur de Liszt est bien rendu et c’est ensuite un piano athlétique et puissant qui se déploie. Les nuances toujours extrêmes sont impressionnantes. La virtuosité est assumée avec panache. Ce piano conquérant est vivifiant et souvent on devine le plaisir qu’a l’interprète dans la modernité de la partition qu’il souligne et met en valeur dès qu’il le peut. C’est très athlétique assurément ! Dans les intermezzi de Brahms, pris dans un tempo allant, le pianiste géorgien ne nous convainc pas vraiment, il manque tout un pan de poésie et de délicatesse de phrasé à ces pages délicates. Le jeu est élégant mais l’interprétation est trop discrète. Pour finir ce programme généreux le jeune musicien choisi une partition spectaculaire de Scriabine. Cette 9ème sonate est assez courte. Elle nous permet de retrouver une virtuosité éclatante qui convient bien aux doigts agiles de Giorgi Gigashvili. A nouveau cette puissance digitale impressionne.

Le public conquis acclame le jeune pianiste et obtient un bis de sa composition sur un thème populaire. Voilà une belle ouverture pour cette 44ème édition de Piano Jacobins. Ce concert évenement a été retransmis par France Musique

Hubert Stoecklin

CRITIQUE,concert.44ème FESTIVAL PIANO JACOBINS. Cloître des Jacobins, le 6 septembre 2023. Robert Schumann (1810-1856) : Kreisleriana op. 16 ; Frantz Liszt (1811-1886) : Sonate pour piano en si mineur S 178 ; Johannes Brahms (1833-1897) : 3 intermezzi op.117 ; Alexandre Scriabine (1871-1915) : Sonate n°9, messe noire op.68 ; Giorgi Gigashvili, piano.

Photos : DR

Nelson Goerner à Piano Jacobins

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. 43 ième FESTIVAL PIANO JACOBINS.

30 sept. 2022. Récital Nelson GOERNER, piano. I.ALBENIZ. F. CHOPIN.

Nelson Goerner éblouissant à Piano Jacobins

Nelson Goerner a fermé avec un éclat particulier la 43° édition de Piano Jacobins. Le pianiste argentin a atteint un statut de démiurge qui se confirme à chaque apparition. Cet été à La Roque d’Anthéron déjà nous avions été éblouis. Ce soir dans la magnifique et chatoyante acoustique de la salle capitulaire du Cloitre des Jacobins il ne se perdait pas la plus petite nuance, l’inflexion du phrasé la plus subtile, comme les couleurs les plus chatoyantes. Le jeu de Nelson Goerner dans les ballades de Chopin est comme improvisé avec une puissance créatrice inouïe. Il s’approprie ces pages si personnelles de Chopin, tellement différentes et totalement surprenantes avec une évidence quasi surnaturelle. Aucune séduction facile, un jeu exigeant obtenant une écoute concentrée. Chopin est sous ses doigts un compositeur innovant requérant des moyens considérables. Nelson Goerner interprète ces quatre ballades avec une apparente facilité. Il est étourdissant ! Après un court entracte il choisit les derniers cahiers d’Ibéria d’Albeniz. La peut-être encore d’avantage que chez Chopin, il semble chez lui. L’ampleur des sonorités qu’il trouve font exploser les timbres et s’iriser les couleurs d’une Espagne plus idéalisée que folklorique. Quel beau piano, quelle belle musique ! Nelson Goerner est animé d’une sorte de gourmandise et communique au public son amour pour cette musique aux harmonies si surprenantes, aux rythmes si inventifs et à la virtuosité si grisante. Il domine si superbement ces partitions et nous fait oublier leur incroyable difficulté. Il peut tout jouer, il a la puissance et la grâce du dieu Apollon. Il fait un lien direct entre les compositeurs et le public comme si son jeu était juste celui plein d’humilité d’un passeur.  Le voir si souriant et rayonnant en fin de concert est si agréable que le public lui fait une ovation et obtient évidemment avec des bis de prolonger l’harmonie de la musique partagée sur ces sommets. Nelson Goerner est un musicien géant, son jeu au piano est aussi humble que magnifique !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 30 septembre 2022. Cloître des Jacobins. Concert. Frédéric Chopin (1810-1849) : Quatre Ballades. Isaac Albeniz (1860-1909) : Iberia, Cahiers III et IV. Nelson Goerner, piano.

Lien vers Chopin Nocturne par N.Goerner :

Piano féminin à Piano Jacobins

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. FESTIVAL PIANO JACOBINS, le 21 sept. 2022. Récital Marie VERMEULIN, piano. V. MOREL. Ch. SOPHY. M.BONIS. 

La délicatesse et la charme pour le récital de Marie Vermeulin

Piano aux Jacobins en partenariat avec le Palazetto Bru-Zane reçoit ce soir une artiste délicate dans un programme particulièrement original. Marie Vermeulin a choisi trois compositrices françaises du XIXe siècle. Le patient travail de redécouverte, édition et enregistrements fait par cette fondation basée à Venise au Palazetto Bru-Zane est remarquable et comble un manque cruel. La saison du Palazetto Bru-Zane est internationale et depuis peu une radio en ligne permet de découvrir des œuvres aussi belles que rares. Ce magnifique récital va donc certainement être enregistré et chacun pourra découvrir combien ces compositrices sont talentueuses. Avec un naturel et une amabilité très remarquables Marie Vermeulin donne quelques informations sur l’œuvre qu’elle va interpréter. Ainsi la première compositrice, élève au conservatoire de Louise Farenc, a écrit ces études mélodiques avec une intelligence sidérante. Le terme mélodique est investi totalement par Marie Vermeulin et son interprétation est lyrique et pure à la fois. La mélodie est toujours au premier plan et les éléments virtuoses au second. Cela produit un effet de pureté et de modestie qui met la poésie de la musique à l’honneur. Un jeu nuancé et fluide nous permet de déguster des œuvres toutes agréables, surprenantes et passionnantes. Il est impensable que ces études ne trouvent pas leur place dans les récitals habituels. La génération 1810, ne rougirait pas de la compagnie des études de Virginie Morel. La deuxième compositrice est tout aussi peu connue. Charlotte Sophy a pu être jouée de son vivant et a bénéficié d’un début de reconnaissance même si trop souvent elle ne disait pas que le Ch. de son prénom n’était pas Charles mais Charlotte. Sa sonate est remarquable par sa concision et sa richesse harmonique. Les thèmes sont charpentés et vibrent, les rythmes peuvent être d’une complexité redoutable. Le jeu de Marie Vermeulin gagne en largeur et en puissance. Le final sur une danse bretonne endiablée est enthousiasmant. Le public ravi fait une ovation à l’interprète et semble conquis par cette œuvre. Comment a-t-on pu l’ignorer si longtemps ?

Mel Bonis est mieux connue et bénéficie d’une notoriété enviable pour ses consœurs. Les pièces réunies de manière posthume sous le titre « femmes de légendes » commence à prendre part dans les récitals. Marie Vermeulin distille chaque portrait avec une délicatesse extrême. Son jeu varié et virtuose arrive à nous éblouir, nous émouvoir et nous faire rêver. Il serait tout à fait injuste de cantonner le piano de Mel Bonis à du piano de salon. Cette œuvre remarquable a un pouvoir d’évocation tout à fait troublant lorsque la force de l’interprétation est si belle.

Compositrice grande amie de Debussy, Mel Bonis a une musicalité délicieuse. Le côté impressionniste et symbolique de certains moments musicaux, par exemple dans le portrait de Mélisande, sont de grandes qualités. Marie Vermeulin trouve dans ce répertoire à mettre en lumière toutes ses qualités lumineuses de virtuosité et de poésie. Voilà une très belle artiste dans un répertoire passionnant enfin redécouvert.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 21 septembre 2022. Cloître des Jacobins. Concert.  Virginie Morel (1799-1869) : Huit études mélodiques :  Introduction, La calma, La disprezata, La berceuse, L’intercezza, Barcarolle, Romanza, Le papillon ; Charlotte Sophy (1887-1955) : Sonate ; Mel Bonis (1858-1937) : Femmes de légendes : Ophélie, Viviane, Phoebe, Salomé, Omphale, Mélisande, Desdemone. Marie Vermeulin, piano.

Christian Zacharias offre un magnifique récital à Piano Jacobins 2022.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. FESTIVAL PIANO JACOBINS, le 14 sept. 2022. Récital Christian ZACHARIAS, piano TCHAIKOVSKI. SCHUBERT

C’est un vrai bonheur de retrouver le Cloitre des Jacobins avec un récital d’un musicien si merveilleux. Christian Zacharias nous a offert une soirée de rêve comme il en a le secret. 

Nous avions été subjugués le mois dernier à La Roque d’Anthéron, il jouait et dirigeait avec tant d’élégance le concerto Jeunehomme de Mozart. Ce soir son récital frôle la perfection. Je ne sais quoi préférer. Le programme si bien construit, le jeu naturel et évidant du pianiste, l’ambiance magique du lieu ? Quoi qu’il en soit le public a été unanime qui a fait une ovation tonitruante au musicien. Le concert était annoncé complet et le silence du public qui retenait son souffle a été souvent remarquable par une qualité d’écoute très spéciale. L’alchimie entre le musicien, le public et le lieu a été parfaite.

Les saisons de Tchaïkovski est une œuvre qui renoue avec le succès public et le mérite. Sous les doigts de Christian Zacharias l’œuvre déploie un charme plein de naturel, de surprises avec des nuances très riches, des couleurs variées et des phrasés subtiles. Tout cela avec une facilité déconcertante. Christian Zacharias est un pianiste aux moyens phénoménaux toujours offerts avec naturel et élégance. Jamais aucun effet démonstratif, aucun soulignement des efforts, tout coule sous les doigts de la Musique. L’impression que cet homme EST La Musique se confirme. Il nous offre une courte pièce, probablement de Tchaïkovski, en bis de la première partie.  

Après une courte pose l’artiste se lance dans une interprétation inoubliable de la sonate de Schubert en ré majeur D. 850. Je connais bien sa manière si exquise d’aborder les sonates de Schubert car j’ai écouté tant de fois son intégrale gravée en 1985. Ce soir il a un tempo légèrement plus retenu que dans son enregistrement. Cela lui permet surtout d’être d’une souplesse admirable tout en gardant un rythme implacable. Cette sonate est comme un ruisseau qui coule avec son thème qui la parcourt et revient sans cesse. L’élément liquide que contient le jeu du pianiste convient admirablement à cette sonate du bonheur. Le ré majeur exulte et le chant est celui de la joie. Le dialogue contenu dans le deuxième mouvement est absolument délicieux, plein de tendresse et de délicatesse d’âme. Bien sûr cette musique contient des parts d’ombres mais si infimes et si vite rendues à la lumière solaire que l’impression finale est une joie humaine communicative irrépressible. L’humour du dernier mouvement si proche de l’enfance avec ses toutes dernières notes comme évanouies laisse le public sans voix. Quel chic, quelle classe, quelle perfection ! Le merci à Christian Zacharias prend l’allure d’une cataracte d’applaudissements nourris. Le musicien dans un français exquis offre deux bis en expliquant combien il est quasi impossible du jouer quelque chose après cette sonate, même du Schubert…. Il va toutefois offrir des variations élégantes et légères de Beethoven, puis un extrait de Scarlatti.

Comme rajeuni après ce récital si généreux le musicien de 72 ans quitte le Cloître avec son allure de jeune homme espiègle.  

Un vrai bonheur a irradié ce soir dans le Cloître des Jacobins pour fêter la 43 ième édition de ce si beau festival. Juste débutée le 9 septembre dernier il promet d’autres merveilles !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 14 septembre 2022. Cloitre des Jacobins. Concert.  Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Les saisons Op. 37b ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°17 en ré majeur Op. 53D, D.850. Christian Zacharias, piano.

Piano Jacobins la magie contre le virus

Compte rendu concert. 41 ième festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 9 septembre 2020. C. DEBUSSY. M. RAVEL. F. LISZT. B. CHAMAYOU.

Bertrand  CHAMAYOU ami fidèle de Piano aux Jacobins.

Catherine d’Argoubet est une femme opiniâtre et très courageuse qui avec sa vaillante équipe a maintenu le Festival Piano Aux Jacobins contre vents et marées virales et administratives. Sa passion pour la musique reste intacte et ses capacités d’organisation sont exemplaires.  Et il en faut du courage en ces temps incertains pour prendre les risques  nécessaires afin d’organiser un festival aussi complexe que Piano Aux Jacobins.

Nous y étions ce soir, le résultat est là : la magie du lieu a fonctionné parfaitement. C’est cela aussi : une étape importante d’un retour à la vie normale que bien du monde attendait à Toulouse. Je dis Toulouse mais pas seulement Toulouse car Piano aux Jacobins a une aura internationale. N’oublions pas que ce festival s’exporte en Chine.

Piano Jacobins 41 Ans

Émotion forte donc que de pénétrer dans la vaste église des Jacobins, avec toujours un coup d’œil vers cet incroyable Palmier. Puis aller vers la partie des places qui vous sont destinées. Impeccable organisation, gentillesse des placeurs, public très respectueux des modalités de distanciation, tout est là pour que le plaisir musical soit intact sans risques inutiles. Pour ma part je m’installe dans le Cloître, juste après la pluie, face au piano et mon bonheur est extrême.

La veille, soir d’ouverture le grand Kovacevich n’avait pu venir de l’étranger. C’est là le seul hic pour ce festival international, tout comme la Roque d’Anthéron cet été : il a fallu compter sur les pianistes géographiquement proches, indépendamment de leur fidélité et renoncer au plus lointains.  Il n’y a pas de soucis, la qualité des musiciens est là. Nicholas Angelich, ami fidèle a offert hier un concert splendide consacré à Beethoven. Nous n’en doutons pas un instant après avoir eu la chance d’écouter cet été ses incroyables interprétations de Beethoven à La Roque !

Ce soir c’était un grand ami du Festival, un grand fidèle, presque le fils prodigue du festival. En effet il a fait des débuts très remarqués à ce festival tout jeune, il y a déjà presque une vingtaine d’années. Bertrand Chamayou est chez lui et à Toulouse ne l’oublions pas. Il y avait donc tout un public acquis d’avance et il était réconfortant de voir la salle capitulaire et le porche du Cloître et même quelques personnes dans le Cloître, tous se concentrer vers le jeu du jeune Chamayou. Impassible il se lance dans son programme avec calme impressionant.  Il ne fait qu’une bouchée de la Cathédrale engloutie, puis de la terrasse des audiences. Du beau piano, sonore et sans oublier une note. La maitrise du jeu ne permet pas d’expression superflue. C’est dans Feu d’Artifice, toujours de Debussy, que son jeu est le plus mis en valeur. Fusées, explosions, fulgurances, sureté absolue des doigts, son Feu d’Artifice est époustouflant. Dans Miroirs de Ravel le parti pris ne change pas, les sonorités non plus. Le jeu est lisse, sonore et parfaitement maitrisé. Certains n’entendent pas Debussy et Ravel en frères siamois comme Chamayou le propose ce soir.

Le programme remanié pour les raisons sanitaires ne permet pas d’entractes et nous passons à la deuxième partie consacrée à Liszt. Jeux d’eau de la Villa d’Este est perlé et jaillissant à souhait. La Berceuse est adorable. Mais c’est dans le trio Gondoliera, Canzone et Tarantella que l’énergie italienne fait trouver à Bertand Chamayou des accents plus chaleureux. La fabuleuse virtuosité impressionne toujours autant le public. Dans notre souvenir il était plus inventif lors de son intégrale des Années de Pèlerinage en 2011.  Avec générosité, adulé par les Toulousains, Bertrand Chamayou offre une série de bis toujours avec une virtuosité très pure, de Ravel, Liszt et Saint-Saëns. C’est un grand plaisir d’entendre le piano ainsi enchanter la nuit toulousaine en ce cloître si beau. Longue vie à Piano Jacobins.

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Hubert Stoecklin

La Lionne Skaja et Beethoven à Piano Jacobins

COMPTE-RENDU, concert. Festival Piano aux Jacobins. Cloître, le 25 septembre 2019. BEETHOVEN. E. LEONSKAJA.

LA LIONNE-SKAJA FACE À BEETHOVEN EN SON HIMALAYA

Nous avons eu la chance cette année de pouvoir écouter plusieurs grands pianistes capables de se lancer dans une intégrale des sonates de Beethoven au concert, en plus d’admirables versions isolées bien entendu. Mais ce soir ce qui vient à l’esprit de plus d’un, est de savoir comment la grande Elisabeth Leonskaja va s’y prendre  pour jouer en un concert les trois dernières sonates de Beethoven. Les banalités fusent dans le milieu du piano classique comme celle de dire qu’à cet Himalaya du piano est dû un respect admiratif qui frise la dévotion.

Disons le tout de go : la Leonskaja se transforme en Lionne-Sakja et ne fait qu’une bouchée de cet Himalaya. Daniel Barenboim a une tout autre attitude lui qui, à la Philharmonie de Paris, nous a régalés dans d’autres sonates par un patient travail sur le style, les couleurs et le toucher exact entre classicisme et romantisme. François Frédéric Guy à La Roque d’Anthéron est tout entier au service du message beethovenien, si humain et émouvant par la lutte qu’il a mené pour vivre en sa dignité de génie mutilé. Elisabeth Leonskaja arrive en majesté sur la scène du Cloitre des Jacobins. Elle demandera au public une concentration extrême en jouant d’affilée les trois dernières sonates sans entracte. Le choc a été atomique. En Lionne affamée elle se jette sur les sonates et avec voracité ose les malmener pour en extraire une musique cosmique. Comme une lionne qui le soir après la chasse, après s’être repue et s’être désaltérée au fleuve, regarde le ciel et tutoie les étoiles dans un geste de défi inouï. La grandeur de la vie avec sa finitude qui exulte face à l’immanence ! De ce combat il n’est pas possible de dire grand chose comme d’habitude ; décrire des mouvements, des thèmes, des détails d’interprétation en terme de nuances, couleurs, touchers, phrasés.… Si une intégrale en disques se fait dans cette condition d’urgence il sera possible d’analyser à loisir. Pour moi ce soir est un défit lancé par la Grande Musicienne au public et à la critique : osez seulement dire quelque chose après ça ! Oui Madame j’ose dire que votre grande carrière est couronnée par cette audace interprétative. Nous avons beaucoup aimé vos concertos de Beethoven avec Tugan Sokhiev les années précédentes et attendons l’intégrale promise en CD. Nous savons que vous enregistrez beaucoup et en même temps pas assez pour vos nombreux admirateurs. Nous avions eu la chance de nous entretenir avec vous et vous nous aviez dit que pour vous la plus grande qualité de l’interprète est de savoir donner sans compter tout au long de sa carrière.

Ce soir vous avez donné sans retenue, sans prudence, sans le garde-fou de la recherche d’exactitude stylistique. Ce concert a été hors normes. Vous avez prouvé une nouvelle fois  que Sviatoslav Richter, qui vous a admirée dès vos débuts, avait vu juste. Il savait que vous aviez cette indomptabilité totale tout comme lui.

Le tempo, les nuances, la pâte sonore, la texture harmonique, vous avez tout bousculé, tout agrandi, tout magnifié et Beethoven en sort titanesque et non plus simplement humain. Une musique des sphères, d’au-delà de notre système d’entendement et pourtant jouée par deux mains de femme et composée par les deux mains d’un simple mortel. Ce fût un choc pour le public, un choc salvateur pour sortir d’une écoute élégante, polie et qui endort les angoisses de l’âme. Ce soir, de cette salvatrice bousculade émotionnelle vous pouvez être fière. Vous avez tutoyé le cosmos et nous avons essayé de vous suivre. Bravo Sacrée LIONNE-SKAJA.

Hubert Stoecklin

Compte-rendu concert. Toulouse. 40 ème Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 25 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour piano n° 30 en mi majeur, Op.109 ; Sonate pour piano n° 31 en la bémol majeur, Op.110 ; Sonate pour piano n° 32 en ut mineur Op.111 ; Elisabeth Leonskaja, piano.

Adam Laloum en poète du piano

Compte-rendu concert. Toulouse. 40iéme Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°28 en la bémol majeur,Op.101 ; Robert Schumann (1810-1856) : Grande Humoresque en si bémol majeur ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°22 en la majeur, D.959 ; Adam Laloum, piano.

Adam Laloum en poète sensible habité par la musique.

Adam Laloum © Harald Hoffmann
Adam Laloum © Harald Hoffmann

Pour ce Quarantième festival de Piano aux Jacobins les grands pianistes se succèdent à un rythme soutenu et même en choisissant avec soin, la splendeur continuellement renouvelée, ( cf. nos quatre chroniques précédentes), semble un miracle de stabilité dans notre monde en folie : une différente sorte d’excellence chaque soir ! De telles soirées aident à supporter les journées ….

Adam Laloum est peut-être parmi ces immenses artistes celui qui se tient à une place à part, celle du cœur. Du moins pour moi ce concert l’aura été. Je connais bien la musicalité fine de ce pianiste depuis bientôt dix ans et je sais comment chaque fois j’en suis émerveillé. Que ce soit en soliste, en chambriste, en concertiste. Le récent festival de Lagrasse le montre en délicat chambriste, son récent concert de concertos de Mozart à la Roque d’Anthéron en a ébloui plus d’un par sa musicalité mozartienne épanouie, (concert à la réécoute sur France Musique). Ce soir dans l’auguste Cloître des Jacobins après tant de somptueux artistes, Adam Laloum a offert un concert parfaitement construit, dans un répertoire qui lui convient à la perfection. Ce concert est frère de celui de Silvacane en 2017, (voir notre compte rendu) entre Beethoven et Schubert. La sonate n° 28 de Beethoven est une grande sonate, une œuvre de la maturité de toute beauté. Le grand final en forme de fugue est une véritable apothéose. Adam Laloum en domine parfaitement toutes les fulgurances en rajoutant une qualité de nuances et de couleurs d’une infinie variété. Le Beethoven de Laloum a toujours la primauté du sens sans rien lâcher sur la forme. Il cisèle chaque phrase et l’enchâsse dans le mouvement puis dans la sonate entière. Cette conscience de la structure sur tous ces niveaux, la lisibilité qu’il apporte au public, sont des qualités bien rares. À présent la pâte sonore d’Adam Laloum a gagné en richesse. La beauté des sons sur tout l’ambitus est proprement incroyable. La rondeur des graves, leur puissance sans aucune violence fait penser à l’orgue. Après cet hommage au véritable père de la Sonate pour piano, la Grande Humoresque de Schumann ouvre un pan entier au romantisme le plus sublime. Le début dans une nuance piano aérienne nous fait entrer dans la magnifique vie imaginaire de Schumann. Le bonheur, la paix puis la fougue, la passion malheureuse.

Adam Laloum

Pièce rarement jouée en concert, elle met en valeur les extraordinaires qualités d’Adam Laloum. Il en avait déjà offert une belle version au disque mais ce soir l’évolution de l’interprétation est majeure. Capable de nous livrer et la structure quadripartite de l’œuvre et sa fantaisie débridée nécessitant beaucoup d’invention dans le jeu pianistique. Les partis pris du jeune musicien tombent chaque fois à propos avec une beauté à couper le souffle. Un vrai engagement d’interprète et une virtuosité totalement maitrisée rendent l’instant sublime. Mais ce qui va véritablement faire chavirer le public est son interprétation unique de l’avant dernière sonate de Schubert. La D.959 est jouée avec une fougue et une tendresse incroyables. Schubert, qui dans le deuxième mouvement chante le bonheur à porté de main mais qui s’enfuit, trouve dans le jeu d’Adam Laloum une deuxième vie. Les nuances sont subtilement dosées et le cantabile se déploie comme le faisait Montserrat Caballe avec ses phrases de pianissimi sublimes dans Bellini et Donizetti. Car les pianissimi sont d’une couleur suave certes mais surtout d’une plénitude incroyable. Jamais de dureté ou d’acidité. Toujours une onctuosité belcantiste. Ce deuxième mouvement Andantino, l’un des plus beaux de Schubert, avec sa terrible tempête centrale, est un pur moment de magie sous les mains si expertes d’Adam Laloum. Le Scherzo nous entraine dans quelques danses qui deviennent véritablement fougueuses et heureuses à force de tournoyer sur elles même dans des variations que l’on aimerait perpétuelles tant elles sont belles. Le long rondo final n’est que tourbillon de gaieté et d’envie de vivre. Tout coule, avance et les nuances pleinement assumées, les phrasés variés à l’envie en font une vraie musique du bonheur que quelques modulations assombrissent un court instant. Le bonheur de Schubert est aussi vaste que sa mélancolie. Adam Laloum est probablement le plus émouvant interprète de Schubert contemporain. Un vrai compagnon d’âme du Frantz Schubert que ses amis aimaient tant lors des shubertiades.

Dans les rappels du public qui se terminent en standing ovation il revient à Schubert. Un vrai bonheur partagé !

Hubert Stoecklin


Compte-rendu concert. Toulouse. 40iéme Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°28 en la bémol majeur,Op.101 ; Robert Schumann (1810-1856) : Grande Humoresque en si bémol majeur ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°22 en la majeur, D.959 ; Adam Laloum, piano.

Hubert Stoecklin pour Classiquenews.com