Le Quatuor Ébène à Prades

CRITIQUE, concert, PRADES, le 31 juillet 2023, Purcell, Ligeti, Schumann, QUATUOR EBENE.

Les Ébènes :  Un quatuor d’une puissance rare    

En trois soirs la diversité des genres musicaux est un enchantement au Festival de Prades. Un grand soir de quatuor est toujours passionnant.  Le Quatuor Ébène gravit toutes les marches de l’excellence à la vitesse de l’éclair et sa réputation est grande. Une intégrale discographique des quatuors de Beethoven est parue chez Érato, elle a été enregistrée en concerts durant une tournée mondiale ! Leur année de résidence à Radio France montre l’admiration dont ils bénéficient. Tout auréolés de cette excellence ils se sont présentés ce soir au public du festival de Prades avec un programme à la fois exigeant et difficile d‘accès.

L’adaptation de pièces de violes d’Henry Purcell est très surprenante. Avec cet équilibre parfait entre les quatre instruments, il est possible de déguster la beauté de jeu de chaque musicien dans des phrasés évanescents et des nuances très subtiles. Il n’y a pas de mélodie dominante ni d’instrumentiste accompagnant, cette égalité des voix demande une écoute différente qui livre une pulsation interne paisible, des moments dansants, une harmonie délicieuse de tous les instants. C’est très, très beau. La deuxième œuvre au programme crée un contraste absolument saisissant.

Le quatuor de Ligeti est certes une œuvre de jeunesse encore prudente mais tout de même elle demande à l’auditeur beaucoup d’attention. Et l’interprétation demeure une gageure. Les musiciens du Quatuor Ébène montrent une cohésion de chaque instant, une réactivité sidérante qui permet une interprétation d’une précision diabolique avec des nuances extrêmes, des ruptures saisissantes et des couleurs instrumentales passant d’une sorte de saturation aveuglante à une texture diaphane. La violence de certains moments saisit tandis que la délicatesse d’autres adoucit notre écoute. La manière dont le Quatuor Ébène saisit notre intérêt est très exigeante et l’écoute d’une telle œuvre ainsi offerte est une expérience particulière ; l’engagement vertigineux et la concentration extrême des interprètes étant eux-mêmes particulièrement saisissants.  L’entracte est bienvenu afin qu’interprètes et public se rassérénèrent.

La deuxième partie est consacrée au premier quatuor de Robert Schumann. Œuvre solaire et généreuse que les musiciens du Quatuor Ébène vont magnifier. La beauté du son de ce quatuor est superlative, leur puissance étonne. Chaque instrumentiste a une aura particulière qui culmine dans la construction du son commun qui envahit toute l’abbaye avec facilité. C’est vraiment une puissance inouïe pour un quatuor. Leur Schumann est généreux, beau, élégant et émouvant. Le mouvement lent touche au sublime et le final est brillantissime. Le public est grisé et applaudit avec enthousiasme. C’est alors que l’annonce est faite par un membre du quatuor : la nécessaire recomposition du Quatuor Ébène suite au départ de son violoncelle leur a demandé beaucoup de répétitions et cela ne leur permet pas de jouer un bis. La nouvelle nous surprend car la connexion entre les musiciens a été absolument parfaite. Dans un programme aussi exigeant nous ne pouvons qu’admirer ce violoncelliste qui a su ainsi s’intégrer si admirablement.

Longue vie et belle route au Quatuor Ébène, nul doute que leur avenir sera radieux après cette période de difficulté qui n‘a en tout cas aucune incidence sur l’excellence de leurs interprétations.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Festival de Prades. Abbaye saint Michel de Cuxa, le 31 juillet 2023. Henry Purcell (1659-1695) : Cinq fantatsias ; György Ligeti (1923-2006) : Quatuor à cordes n°1 « Métamorphoses nocturnes » ; Robert Schumann (1810-1856) : Quatuor à cordes en la mineur op.41 n°1 ; Quatuor Ébène : Pierre Colombet et Gabriel Le Magadure, violons, Marie Chilem, Alto ; Aleksey Shadrin, violoncelle.

Photos : DR

Photos : DR

Julien Martineau séduit avec sa mandoline le public du festival de Prades.

 CRITIQUE, concert, FESTIVAL DE PRADES, Église de Collioure, le 30 juillet 2023, Piazzolla, Paganini, Beethoven, Calace, Munier, MOURATOGLOU/MARTINEAU.

La fine musicalité de la Mandoline de Julien Martineau enchante

La petite église de Collioure qui nécessite de vastes travaux de restauration est partenaire du Festival de Prades et cette collaboration rappelle combien Pablo Casals a œuvré dans toute la Catalogne non seulement comme musicien mais également comme homme bon et généreux.

Le concert de ce soir est placé sous le sceau du charme et de la musicalité la plus délicate qui soit. Julien Martineau sur sa mandoline est un véritable magicien nous le savons, chaque concert, chaque enregistrement le prouve

Avec un complice particulièrement accordé ce soir, le guitariste Philippe Mouratoglou il forme un accord parfait.  Les deux amis offrent un véritable festival de beauté musicale dans une véritable recherche commune. Avec une grande simplicité et une écoute mutuelle totale la guitare et la mandoline en véritables sœurs d’âmes mêlent leurs sonorités fraiches ou mélancoliques afin de créer un univers musical des plus subtils.

La pièce maîtresse du concert est cette inénarrable « histoire du Tango » d’Astor Piazzola. Les deux musiciens en offrent une version absolument virtuose et pleine de rythmes fous comme d’envolées lyriques. C’est véritablement grisant cette alliance de virtuosité la plus assumée, de chaloupé subtil et de musicalité chantante. De manière élégante et sympathique le virtuose de la mandoline nous offre des moments absolument incroyables dans des pièces de Paganini et Calace. Ces deux compositeurs étaient de fins mandolinistes et ont écrit des pages virtuoses et pleines de charme.

Julien Martineau chante avec le charme d’un ténor italien et ce légato avec un instrument si peu capable de garder un son tient du miracle. La beauté du son est également incroyable.

A la guitare Philippe Mouratoglou est un musicien sensible et virtuose qui toujours avec beaucoup de talent dialogue avec son partenaire. Ses sonorités très épurées sont claires, lumineuses et il est capable d’ombres quand il le faut.

Sa vivacité rythmique dans Piazzolla est remarquable. Dans l’église il règne une chaleur éprouvante, toutefois la beauté sonore, la fraicheur de l’interprétation, tout semblant toujours facile, restent un enchantement pour le public. Une très discrète sonorisation aidait les spectateurs du fond de l’église car ce concert a affiché complet.

La finesse de la musicalité des deux artistes, l’intelligence de leur programme, tout a été un enchantement. Les applaudissements ont été généreux et deux bis ont prolongé ce bonheur partagé. D’abord un pot-pourri de musique de Nino Rota dont un air du Parrain délicieusement mélancolique et en hommage à Pablo Casals le chant des oiseaux dans la version peut être la plus aérienne du répertoire ; la délicatesse des deux musiciens évoquant clairement la gente ailée. Voilà du grand art et la preuve que la belle mélodie immortelle de Casals peut toujours nous mettre la larme à l’œil du moment que les musiciens l’interprètent avec leur cœur.

Il est incroyable d’entendre ainsi comme la mandoline et la guitare sont amies et peuvent offrir sous des doigts si habiles tant de musique et de chant.

Hubert Stoecklin

Critique concert. Festival de Prades. Église de Collioure le 30 juillet 2023. Astor Piazzolla (1921-1992) : Histoire du Tango en quatre parties ; Nicolo Paganini (1782-1840) : Cantabile MS 109, Sonata per Rovene, Romanza, Serenata ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Adagio ma non troppo ; Raffaele Calace (1863-1934) : Mazurka VI op. 141, Saltarello op.79 ; Carlo Munier (1859-1911) : Capriccio spagnolo ; Philippe Mouratoglou, guitare ; Julien Martineau, mandoline.

Photos : DR

Plein succès pour Pierre Bleuse à Prades

CRITIQUE, concert, PRADES, Abbaye St. Michel de Cuxa, le 29 juillet 2023, Brahms, Orchestre du Festival, Renaud Capuçon, Juila Hagen, Pierre Bleuse.

Grandiose concert d’ouverture du festival de Prades avec Brahms

Pierre Bleuse nouveau directeur artistique du Festival Pablo Casals a non seulement un profond respect pour l’un des plus vieux festivals de France et son créateur et une audace indéniable qui fait évoluer les choses. Ainsi la création de l’orchestre du Festival qui ne cesse de progresser. Pour sa troisième programmation Pierre Bleuse propose pour le concert d’ouverture de diriger deux œuvres emblématiques de Johannes Brahms. L’orchestre du Festival est constitué de très jeunes musiciens et de quelques anciens.

DSCF0783

Ce savant mélange intergénérationnel donne une fougue et une solidité à cet orchestre qui laissent très admiratif et ne va pas sans rappeler le feu qu’obtenait Pablo Casals en dirigeant l ‘orchestre. L’audace paye et Pierre Bleuse a gagné son pari. L’orchestre sonne admirablement dans la belle acoustique de L’abbaye. Seules deux contrebasses assurent avec toute la puissance requise cette sensationnelle pulsation grave de la musique symphonique de Brahms sur laquelle tout l’édifice repose. Les deux contrebasses face à face sur la droite semblent ne vouloir ne faire qu’une et cela sonne admirablement. L’autre exigence de la musique symphonique de Brahms et qui met en difficulté bien de bons orchestres est le besoin de violons à la fois puissants et délicats. Dès les premières mesures nous savons que nous allons entendre un Brahms symphonique de haut vol. Le son est généreux, rond et profond. Les bois sont clairs et les cuivres puissants. La direction de Pierre Bleuse est très charpentée, rendant évidentes toutes les belles structures tout en phrasant éperdument. Dans cet écrin romantique confortable les deux solistes du double concerto n’ont plus qu’à participer à cette fête musicale.

DSCF0792

Avec un tempérament généreux la toute jeune violoncelliste Julia Hagen donne le frisson par son jeu si beau. C’est rond, chaud, puissant et subtilement phrasé. Voilà une soliste qui va enchanter tous les publics. L’énergie et cette pointe de sensualité qui émanent de son jeu sont des qualités rares. Renaud Capuçon fidèle à lui-même participe poliment sans trouver la même énergie que le chef et la violoncelliste. Tout auréolé de ses succès, le violoniste hyper présent partout, repart vite vers là où il est attendu. C’est bien le souvenir du violoncelle vibrant et émouvant (le début du deuxième mouvement a été renversant !) de la superbe Julia Hagen qui restera la plus belle découverte de la soirée.

DSCF0852

Pour la deuxième partie du concert Pierre Bleuse a osé proposer la quatrième symphonie de Brahms, celle en mi mine »ér si pleine de mélancolie et très exigeante.

Dès les premières mesures à la fois dansantes et tristes le charme brahmsien opère. Les musiciens de cet orchestre du festival ont su trouver une cohésion incroyable et Pierre Bleuse a sous sa main un vrai orchestre capable de jouer un Brahms généreux et réconfortant. Et le travail de l’orchestre et du chef n’a duré que 2 jours ! Le résultat obtenu par Pierre Bleuse en si peu de temps est renversant.

DSCF0934

Toute la symphonie verra des solistes de haut vol régaler le public de leurs interventions parfaites. Les cors, la trompette, le hautbois et la flûte seront les plus inouïs.  Les applaudissements entre les mouvements révèlent l’admiration et l’enthousiasme éprouvés par le public ému. Tout est là dans cette interprétation :  structure contrapuntique assumée, larges phrasés, nuances très creusées, silences habités et moments de mystère envoûtants. Les violons sont hallucinants d’homogénéité pour un orchestre si jeune. Et les violoncelles offrent des moments de grand bonheur.  C’est vraiment une très belle quatrième de Brahms qui nous a été offerte ce soir. L’engagement de tous les musiciens, la générosité de la battue du chef ont créé une osmose particulière. Que de sourires partagés !

DSCF1010

La chaconne finale est flamboyante. Les applaudissements fusent et un bis emblématique est offert, le Chant des oiseaux, composé par Pablo Casals et arrangé de manière hollywoodienne savante fait merveille et donnera la larme à l’œil à plus d’un.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Festival Pablo Casals de Prades. Abbaye Saint Michel de Cuxa, le 29 juillet 2023. Johannes Brahms (1833-1897) : Double concerto pour violon et violoncelle op.102 ; Symphonie n°4 en mi mineur op.98 ; Renaud Capuçon, violon, Julia Hagen, violoncelle, Orchestre du Festival ; Pierre Bleuse, direction.

Photos © Hugues Argence

DSCF1061