Le 48 iem festival du Comminges s’annonce à Toulouse

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 9 mai 2023. Tchaïkovski. Mozart. Julien-Laferrière. Laloum. Orch Consuelo.

Musicalité exquise pour ouvrir le 48 ° Festival du Comminges.

Descendant des montagnes et de la superbe Basilique de Saint Bertrand de Comminges, les organisateurs de ce concert ont voulu séduire le public toulousain et offrir un concert magnifique plus d’un mois avant le début du festival le 28 juillet 2023.

Victor Julien Laferrière ® Jean Baptiste Millot

Victor Julien-Laferrière est venu avec la triple casquette de soliste émérite au violoncelle, en chef d’orchestre et en directeur artistique du festival. Le jeune musicien a excellé en tout. En une courte allocution il décrit ainsi son engagement auprès du festival du Comminges en succession au très regretté Jean-Patrice Brosse et en tant que créateur de l’orchestre Consuelo. C’est avec cet orchestre qu’il se présente à nous et avec son ami le pianiste Adam Laloum. En première œuvre ce sont les Variations Rococo de Tchaïkovski qui ouvrent le programme. Cette œuvre, cheval de bataille de bien des violoncellistes, convient admirablement à Victor Julien Laferrière. La virtuosité lui permet de nous éblouir par un naturel et une apparente facilité. Le brillant qu’il partage avec l’orchestre est un dialogue plein de poésie et de joutes à fleuret moucheté. Les tempi sont vifs et les variations sont toutes admirablement élégantes. L’orchestre en une écoute chambriste dialogue constamment avec le chef-soliste. La première violon avec énergie et efficacité prend la relève et bat la mesure de son archet dans une variation particulièrement périlleuse, le résultat est enthousiasmant.

Laloum C Christophe GREMIOT 21082020 4

C’est dans le concerto de Mozart que le jeune Victor Julien-Laferrière nous révèle vraiment ses talents de chef d’orchestre, le soutien à Adam Laloum est particulièrement musical. On ressent le partage artistique très ancien entre les deux musiciens. Adam Laloum se régale d’écouter l’introduction orchestrale du premier mouvement du 23ème concerto de Mozart, puis s’installe dans un jeu particulièrement souple en partenariat avec les musiciens de l’orchestre. Adam Laloum joue Mozart avec un naturel et une grâce infinie. L’écoute de l’orchestre est totale et les solistes de l’orchestre, surtout les bois, dialoguent avec le pianiste en toute félicité. Cet accord musical entre tous les musiciens est d’une beauté très émouvante. Tout particulièrement dans le deuxième mouvement. Le thème donné par le pianiste a un doux balancement, comme un nocturne au bord de l’eau. La poésie de cette entrée est relayée par les bois qui semblent offrir un véritable jeu de chambristes ; le balancement des cordes obtenus par Victor Julien-Laferrière est du même ordre. La poésie irradie de chaque mesure pour ce moment de véritable partage entre musiciens et avec le public qui retient son souffle. Le final réveille chacun pour cette fête insouciante et joyeuse dans une virtuosité tournoyante et victorieuse toute en légèreté. On devine bien combien la cooptation des instrumentistes a été basée sur cette fine musicalité de chacun. Ce n’est pas seulement un orchestre de solistes mais de parfaits chambristes et cela s’entend et donne à leur Mozart une allure faite de jubilation amicale. Les infimes nuances, les phrasés subtilement réalisés par Adam Laloum trouvent un écho et une réponse dans l’orchestre ; ce dialogue est absolument renversant car cela se fait le plus naturellement et simplement du monde. Les applaudissements fusent pour le soliste et les musiciens ainsi que leur chef.

Pour terminer le concert, après un court entracte Victor Julien-Laferrière revient et dirige avec beaucoup de précision la première suite pour orchestre de Tchaïkovski. Cette œuvre mal-aimée chante, caracole et avance sans temps mort révélant couleurs originales, nuances très creusées et une instrumentation richement variée. Victor Julien-Laferrière partage ses attentes avec les musiciens plus qu’il n’impose. Sa direction est efficace, précise et laisse pourtant beaucoup de liberté aux musiciens qui peuvent tous s’exprimer. Cela donne une interprétation très vivante et stimulant l’écoute. Et ainsi plus d’un s’est demandé pourquoi cette suite si originale n’est pas donnée plus souvent en concert. Voilà un concert qui permet de deviner que ce 48ème Festival du Comminges sera une vraie réussite. Le public retrouvera la cathédrale de Saint-Bertrand-de-Comminges et les nombreuses et magnifiques églises de la région dès le 28 juillet 2023.

Seul regret un public trop clairsemé pour des musiciens de cette envergure et un programme si attrayant.

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 9 mai 2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concerto pour piano n°23 en la majeur K.488 ; Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Variations sur un thème Rococo pour violoncelle op.23, Suite pour orchestre n°1 op.43. Orchestre Consuelo ; Adam Laloum, piano ; Victor Julien-Laferrière, violoncelle et direction.

Orchestre Consuelo © Jean Baptiste Millot

Adam Laloum à bas bruit en concerts quasi privés

Expérience musicale. Toulouse. Théâtre Garonne, les galeries. Du 26 Aout au 6 Septembre 2020. Adam Laloum, piano. Mi-Sa Yang, violon.

A bas bruit la musique fait son retour à Toulouse grâce au Théâtre Garonne

On le sait la culture doit rentrer en résistance pour subsister après le Covid. On ne compte plus les artistes malheureux, les projets annulés, les spectacles ajournés, les déplacements, annulations, réductions, et que sais-je encore. Des saisons amputées, des Festivals laminés, des morts et aussi  des résistants.

Nous avons eu la chance d’aller à Salon de Provence et à la Roque d’ Anthéron. Et à Toulouse la Musique en dialogue à la Chapelle des Carmélites ( tous les compte rendu dans les articles ci dessous).

Les organisateurs de spectacle ont dû avaler des couleuvres, faire et refaire des plans de salle selon des directives aussi arbitraires que délétères.  A Salon le port du masque durant les concerts en plein air et des places vides partout. A la Roque un plan millimétré privant des deux tiers des places, mais autorisant d’enlever le masque durant les concerts, en plein air tout de même ! Et toujours une organisation parfaite, des bénévoles experts dans l’art de diriger un public impatient mais docile. Et combien y a-t-il eu de réunions, de négociations… de travail fastidieux souvent inutilisable, de tracas, de peurs et de moments de désolation….  Jamais je ne serai assez reconnaissant à ces résistants qui portent haut l’étendard de la liberté de l’expression artistique malgré toute la bureaucratie maudite. Le travail de toutes les personnes « autours » des artistes a été remarquable, absolument fondamental. Merci à tous.

Les artistes étaient tous émus d’enfin jouer pour le public, dans des retrouvailles très émouvantes. La plupart ont évolué durant ce confinement, certains abordant de nouveaux répertoires. Les organisateurs de spectacles ont osé et ont réussi des paris parfois improbables. Il en est ainsi du Théâtre Garonne à Toulouse qui a fait sa rentrée à « BAS BRUIT » dans ses souterrains.

On ne peut pas trouver idée plus symbolique pour évoquer ce qui se passe. Il faut retrouver le gout du partage du beau à petite dose, sans faire de bruit, mais pas sans passion. Ainsi le pianiste Adam Laloum a-t-il enchanté les lieux souterrains avec des moments rares. De trois à cinq petits concerts par jour. Cela permettait au public de venir petit à petit. Pour certains de revenir avec un gout de plaisir défendus.  Certes il n’y avait que 20 personnes à la fois mais enfin 20 qui nageaient dans le bonheur, à côté du musicien et dans une plénitude sonore presque impudique. Le piano demi-queue sonnait puissant dans cette acoustique si particulière de ces boyaux de brique qui autrefois conduisaient de puissantes eaux venues de la Garonne toute proche.

Lieu magique, formule inouïe, et artiste complètement en transe. Le résultat ne peut se raconter tant ce qui a été vécu a été fort. Durant les trois premiers jours il y avait quatre concerts de piano solo de 30 minutes en moyenne qui alternaient.

Adam Laloum 2 Photo Carole Bellaiche C Mirare 0
Adam Laloum © Carole Bellaiche
  1. La Sonate de Berg (11’) et la sonate D.664 de Schubert (25’).

Adam Laloum aborde cette unique sonate de Berg en post romantique encore sensible au lyrisme. Il fait chanter son piano et dans une clarté de jeu rare nous révèle tous les plans de cette partition. Le jeu limpide, les phrases sculptées et les rythmes précis créent un moment inoubliable. Puis la délicate et joyeuse sonate D.664 de Schubert n’est que bonheur partagé. Elle semble facile coulant sous des doigts légers.

  1. La sonate D.959 de Schubert (42’)

Cette sonate est d’une beauté incroyable dans l’interprétation qu’en fait Adam Laloum nous l’avons écrit, il y rencontre le génie de Schubert et le tutoiement est évident. Il y a comme une fusion fraternelle entre un compositeur et un musicien à travers les siècles. Une entente  comme il y en a peu car basée sur un partage de la même sensibilité et de la même poésie du monde entre joies et peines. Adam Laloum est le Schubertien dont on rêve depuis Rudolf Serkin et plus loin encore, Arthur Schnabel. Le deuxième mouvement «  Andantino » à chaque fois me transporte. C’est si beau, si puissant émotionnellement et la proximité du piano permet de rentrer dans le son si riche d’Adam Laloum comme jamais dans une vaste salle de concert. Tant dans le suave de ses pianissimi que dans la puissance émotionnelle de ses forte. La tempête centrale est dévastatrice, mais la tendresse qui suit est une consolation aimante qui fait tout oublier.

  1. La troisième sonate de Brahms en fa mineur op.5 (37’)

Cette œuvre nous la devons au confinement. Elle convient parfaitement aux moyens actuels du pianiste nous l’avons dit lors de sa venue à La Roque cet été. Il domine complètement la puissance de cette œuvre, la plus épanouie en terme lyrique et émotionnelle. Pouvoir l’écouter de si près permet de se rendre compte de l’ampleur phénoménale des nuances. C’est parfois presque trop intime de voir Adam Laloum donner tant dans son jeu. Il part quelque part et nous entraine avec lui. Il utilise ses recherches sur les sonorités du piano. Il colore, il sculpte le son et met tout cela au service d’une émotion irrésistible. Le jeu est émotionnel certes, mais également très maitrisé avec une constante lisibilité des plans, des structures et de la construction générale. Que ses graves ont beaux, chauds, profonds ! Et les aigus peuvent s’envoler avec légèreté ! Dans le deuxième mouvement « Andante espressivo » Adam Laloum sembler nager, comme flotter dans l’harmonie à la manière d’un poisson dans l’eau. Il semble nous amener à traverser la texture harmonique pour nous en délecter autant que lui.

Adam Laloum
  1. Schumann Kreisleriana op.16 (33’)

J’aime ce recueil et ce que nous offre Laloum ne ressemble à rien de ce que je connais. Il sait donner une sorte d’évidence à ce kaléidoscope émotionnel et pianistique. Tout est là sans heurts sans violences dans des oppositions et des contrastes qui se répondent plus qu’ils ne s’opposent. Des nuances incroyablement creusées, des couleurs innombrables et des traits précis, phrasés avec une sorte de largesse pleine de générosité toute schumanienne. Du beau piano mais surtout de la très, très belle musique !

  1. Deux sonates pour violon et piano de Brahms op.100 et op.108. Avec la délicieuse Mi-Sa Yang.

L’amie violoniste n’est pas arrivée comme prévu le mercredi 2 Septembre retenue par des exigences Covid…. Nous craignions le pire pour elle espérant toutefois qu’elle pourrait venir. Avec vaillance Adam Laloum a repris son programme soliste et c’est avec un immense plaisir que nous avons pu entendre une nouvelle fois la troisième Sonate de Brahms dans une interprétation peut être encore plus passionnée voire hallucinée.  Mais le lendemain elle est arrivée… Et tous les deux en fusion comme nous le savons ils se sont lancés dans ces deux extraordinaires sonates de Brahms. Bien évidement l’op.108 avec son lyrisme débordant restera dans les mémoires. Ces deux artistes qui font de la musique ensemble depuis leurs études partagent la même vision poétique, la même fine musicalité qui va droit à l’expression sans se soucier de la virtuosité autrement que comme moyen. Aimez-vous Brahms ? Il est difficile de ne pas adhérer totalement à cette musique avec des interprètes si doués.

Adam Laloum avec ces trois compositeurs, Schubert, Schumann et Brahms est au cœur de son répertoire, c’est un grand romantique dont l’évolution est passionnante. Aussi à l’aise seul qu‘ en musique de chambre et si dieu veut nous le retrouverons avec l’Orchestre du Capitole à la Halle-aux-Grain le 7 Janvier 2021 dans le concerto de Schumann ! Justement le concerto le plus chambriste du répertoire….

Hubert Stoecklin

Théâtre Garonne saison à Bas Bruit

Adam Laloum et Maxim Emelyanitchev en osmose

Compte rendu Concert. Toulouse, le 8 Janvier 2021. Halle-Aux-Grains. Robert Schumann (1810-1856) : Ouverture de Genoveva ; Concerto pour piano et orchestre en la mineur, op. 54 ; Symphonie n°4 en ré mineur, op. 120 ; Adam Laloum, piano ; Orchestre National du Capitole de Toulouse ; Maxim Emelyanychev, direction.

Schumann comme épuré

Onct 7 Janvier 2020

Ce concert est exceptionnel sur bien des plans.  Déjouant le sort qui semble vouloir tuer la culture vivante, les organisateurs ont convié les journalistes. Ainsi une poignée de chroniqueurs a pu, en ordre dispersé, assister à un concert filmé par Médici TV avec la mission d’en faire un retour. Car les journalistes artistiques eux aussi sont contraints au silence par manque de concerts.

C’est donc ma plume joyeuse qui retrouve le clavier !

Quoi qu’il en soit, l’Orchestre du Capitole a su développer une politique volontaire depuis le début de la fermeture de la Halle-Aux-Grains. Les concerts ont eu lieu et ont été filmés et diffusés en direct sur les réseaux sociaux. Ils sont ensuite disponibles à la revoyure (pour être vus et revus) et peut être qu’au final leur audience dépassera le public habituel de la Halle avec ses 2000 places. Peut-être qu’au final aussi un nouveau public viendra écouter l’Orchestre en concert.

L’équipe vidéo de l’Orchestre a ainsi pu prendre du galon et nous constatons de captations en captations les progrès. Mais ce soir c’est la Rolls de la vidéo musicale qui se charge du film, tous dans cette équipe de Medici TV sont des artistes magiques dirigés par Jean-Pierre Loisil. Chaque instrument soliste est vu au bon moment, les regards sont complices, les gestes du chefs enthousiastes et le jeu du pianiste d’une sensibilité rare. Et ce programme tout Schumann quelle belle idée !

Emelyanychev Maxim Jeune Maestro Il Pomo Doro

L’ouverture de Genoveva est une grande et belle pièce de concert qui développe une théâtralité passionnée sous la direction d’un Maxim Emelyanitchev particulièrement inspiré. Le final est enthousiaste et plein d’une passion délirante.

Puis l’arrivée du soliste est toujours un moment émouvant, la lente et élégante installation du piano d’abord puis les deux jeunes musiciens entrent en scène dans un même élan. Emelyanitchev dans une énergie elfique et Laloum comme un Giacometti vivant. Le concerto de Schumann est une œuvre à la fois très inspirée et homogène dans sa qualité constante. Le premier mouvement composé d’abord comme une pièce indépendante s’intègre à la perfection dans ce concerto en trois mouvements, tous fondus entre eux. Dès les premiers instants nous percevons que l’entente entre les deux musiciens est totale. Les regards, les égards, tout est recherche de partage et d’harmonie. La manière dont les nuances piano sont construites ensemble, puis le délicat crescendo permet de déguster comme rarement la finesse d’écriture de Schumann. La délicatesse du toucher d’Adam Laloum quasiment mozartien trouve un écrin élégant dans l’orchestre dirigé par Emelyanitchev. Le premier mouvement permet un dialogue d’amour entre musiciens qui renouvelle complètement la notion de concerto. Il n’y a jamais rien de démonstratif mais rien que du partage, de l’écoute comme une communion. Comment le hautbois et le piano se répondent, comment la clarinette et le basson colorent le propos et comment le piano se moule dans leurs sonorités veloutées, vous pouvez le retrouver dans le vidéo. Dans le deuxième mouvement c’est le beau chant des violoncelles qui émeut et le final est d‘une flamboyance rare. Un concerto de Schumann comme dégraissé est rendu à un naturel de pureté. Schumann y offre à sa chère Clara un dialogue digne de la musique de chambre, y associant une virtuosité toujours musicalement justifiée. L’amour de la musique, rien que de l’amour jamais de combat ou d’opposition.

Adam Laloum©Harald Hoffman

La jeunesse de cette partition rendue à sa pureté par l’osmose entre le chef et le soliste est un moment béni. Laloum est dans son répertoire de prédilection et son sens du phrasé, sa compréhension de toutes les facettes de l’œuvre, font de son interprétation la plus éloquente que j’ai jamais entendue. Emelyanitchev dirige comme par magie avec des gestes doux et jamais violents. Il obtient avec cette douceur plus de feu et d’âme que bien d’autres chefs. Et les musiciens de l’orchestre partagent avec joie cette vision lumineuse et joyeuse. C’est un véritable enchantement qui lie ainsi ces artistes. Quel dommage que le public n’aie pu, après avoir partagé ce moment, manifester avec reconnaissance sa joie dans des applaudissements généreux.

La dernière œuvre du concert est la quatrième symphonie de Schumann, celle que le compositeur voulait la plus expérimentale en liant sans silence les mouvements.  Œuvre qui coule, qui avance et exprime le plaisir de vivre. La passion de la vie dont regorge cette belle partition trouve en Emelyanitchev un chef qui en comprend toute la profondeur. Il obtient des musiciens de l’orchestre un jeu vibrant et plein de vie à chaque instant, jamais rien de lourd même dans les moments où la puissance se développe. Il y a vraiment quelque chose d’inspiré et de magique dans la direction de ce jeune chef. L’enthousiasme est communicatif mais sans précipitation. Il sait déguster la beauté de la musique et nous la rend limpide. Chaque musicien mérite d’être cité. Ils ont tous été merveilleux. Chacun a semblé donner ce qu’il peut de mieux et que le résultat est beau !

Un mot encore sur le plaisir des oreilles dans la vaste Halle-Aux-Grains silencieuse. Le son est pur, précis et l’équilibre sonore est absolument sidérant. La distance entre les musiciens, leur disposition germanique avec les contrebasses de face au fond, les violons 1 et 2 de part et d’autre du chef et la timbale au niveau des bois créent une ambiance merveilleuse. Cela fonctionne parfaitement et la précision de la direction, la finesse du jeu du pianiste trouvent ici un écrin parfait. La joie d’entendre un orchestre en liberté même si en période de disette, les enregistrements écoutés au salon sont un vrai bonheur tout de même … ce soir c’est un rappel à la vie !

Hubert Stoecklin

la sincérité du jeu d’Adam Laloum subjugue le public de La Roque

Compte-rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans. Auditorium, le 18 Août 2020.  Frantz Schubert (1797-1828) : Sonates pour piano D.0959 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate n°3 en fa mineur op.5. Adam Laloum, piano.

Adam Laloum clôt avec de belles émotions

le Quarantième Festival de Piano

de La Roque d’Anthéron.

Laloum C Christophe GREMIOT 21082020 4
Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Ce Quarantième Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron restera dans les mémoires comme celui du courage, de la détermination et de l’émotion. La crainte qu’il n’ait pas lieu a été levée, le plaisir d’écouter de la musique vivante côté public a mis les larmes aux yeux de plus d’un, mais également les artistes étaient émus de retrouver la scène, le rapport avec le public et entre eux, nous l’avons déjà décrit. Comme ce confinement aura été cruel pour tous mais très particulièrement pour les artistes isolés et bâillonnés et encore dans une grande incertitude.

Adam Laloum, frêle silhouette, dégage une sensation de grâce et de mélancolie discrète. Il débute son récital par la sublime sonate D.959 de Schubert. Nous l’avons entendue sous ses doigts à deux reprises à Piano Jacobin l’an dernier et au Théâtre des Champs Élysées en février 2020, un de nos derniers concerts mémorables avant l’abominable confinement.

Laloum C Christophe GREMIOT 21082020 5
Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Retrouver Adam Laloum avec cette sonate qu’il interprète avec une telle évidence rajoutait une émotion particulière, celle de la mémoire de l’avant, du temps de l’insouciance. Je ne peux que confirmer mon admiration pour cet interprète si proche de Schubert qu’il semble invité à ses côtés quand il joue sa musique. Cette âme si tendre qui dans le malheur et la conscience de sa mort proche donnait tant de belles partitions. Cette sonate D.959 date de moins d’un an avant la mort de Schubert. Elle est pleine d’un bonheur surhumain et pourtant la tristesse est tapie dans l’ombre. Ainsi Adam Laloum sait-il doser parfaitement ces jeux de lumières, cette irisation des couleurs et ces contrastes étonnants. Il sait mettre en valeur tous les niveaux de la partition, et déplier les divers niveaux de sens : la joie sait ce qu’elle doit à la douleur et dans la peine la conscience du bonheur possible est tapie. La main gauche est ferme et ronde, jamais dure, les aigus tintent et sont joie pure. Le deuxième mouvement qui pour moi est irremplaçable est un vrai moment halluciné. L’émotion provoquée par le balancement du rythme de barcarolle triste avance tranquillement. C’est le souvenir d’un bonheur pas si ancien et qui pourrait revenir. La partie centrale orageuse est terrifiante et fantasque sous les doigts d’Adam Laloum dans un élan passionné inégalable. Le Scherzo passe vite, lumineux mais subtilement assombri. Quant au rondo final il ne cesse de nous inviter dans un mouvement joyeux qui va vers ce bonheur tant attendu et qui bien évidement s’échappe pour mieux réapparaitre. Une si belle interprétation nous voudrions l’entendre toujours et que cet instant ne s’arrête pas, aussi est-ce un délice que cette fin qui ne se termine pas… pour s’excuser pianissimo, avant de conclure fortissimo….

Laloum C Christophe GREMIOT 21082020 7
Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Puis nouvelle œuvre à son répertoire, Adam Laloum se lance dans la troisième sonate de Brahms. La fougue et la passion de cette interprétation sont incroyables. C’est une sonorité large, profonde et ronde qui sort des doigts magiques d’Adam Laloum. Nous savions sa compréhension de Brahms dès son plus jeune âge et sa passion pour ses concertos de piano, enregistrés récemment.  Son premier CD, le récital Brahms, a été très bien accueilli et en concerts ce compositeur est régulièrement présent à ses programmes. Mais cette autorité, cet engagement passionné, cette puissance expressive si généreusement offerte, nous ne la connaissions pas. L’interprète a pris de l’assurance et arrive à donner une dimension symphonique large et ronde dans plusieurs moments incroyablement passionnés. La main gauche tout particulièrement a pris du poids et sait être un soutien tellurique incroyablement sûr. Le discours est particulièrement limpide, les plans se déploient avec évidence, la riche harmonie irradie de puissance expressive.

Laloum C Christophe GREMIOT 21082020 1
Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Le public est subjugué et retient son souffle. Adam Laloum a gravi un niveau dans la sûreté et la puissance, cette sonate semble tout à fait proportionnée à ses moyens actuels. La tendresse du deuxième mouvement est traversée de phrasés incroyablement creusés et de nuances poussées à l’extrême de la douceur comme de la force. Et toujours dans un legato d’une beauté rare. Le final est également d’un très beau lyrisme exprimant une ascension jubilatoire. Le public émerveillé a fait quasiment une standing-ovation au jeune homme. Quel contraste entre sa silhouette et sa puissance expressive !

Laloum C Christophe GREMIOT 21082020 9
Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Ce dernier rendez-vous restera dans les mémoires comme un des plus émouvants. Adam Laloum offre quatre bis au public de La Roque, tous les quatre offerts avec naturel et bienveillance. Comme si Adam Laloum prenait plaisir à s’attarder en ce lieu magique, sous la frondaison sombre des platanes dans la belle nuit étoilée de Provence. C’est ainsi qu’il reste fidèle à Brahms trois Intermezzi extraits des op.116, 117 et 118 et à Schubert avec l’andante de la sonate D.664.

Rien que de la musique apaisante et incroyablement belle !  Il s’agit là d’un choix d’artiste sensible en non de pianiste voulant briller. En mettant ainsi l’émotion à un si haut niveau pour la terminer, « cette édition si particulière » a une fin tout à fait admirable. Elle restera dans les mémoires comme précieuse entre toutes parmi tous ces beaux moments volés à la peur et à la folie qu’elle engendre dans le monde. Quelle belle édition 2020 du Festival International de la Roque d’Anthéron !!!

Hubert Stoecklin

Le Schubert absolu d’ Adam Laloum

COMPTE-RENDU, Concert. PARIS, THEATRE DES CHAMPS ELYSEES, le 5 fév. 2020. SCHUBERT. LALOUM.



Adam Laloum est un immense schubertien 

Adam Laloum, longue silhouette fragile avec son allure de statue de Giacometti, se glisse vers le piano sur la large scène du Théâtre des Champs Elysées dans une lumière tamisée avec derrière lui l’or chaud du rideau de scène. Il ne faut pas se fier à la vue car la puissance du pianiste n’est pas un vain mot quand on pense au programme titanesque qui attend le jeune musicien trentenaire. En effet les trois dernières sonates de Schubert dans un programme de plus de deux heures mettent à nue l’interprète.

Adam Laloum © Harald Hoffmann
Adam Laloum © Harald Hoffmann

D’autres pianistes s’y sont risqués, techniquement impeccables mais malhabiles à tenir sur toute cette longueur la richesse des images de Schubert, son besoin d’émotions perpétuellement changeantes et une capacité à tenir en haleine le public sur un temps si long. Adam Laloum ce soir a gravi plusieurs marches, non seulement celle de la qualité pianistique d’un jeu résistant mais surtout celle d’un interprète d’une poésie rare et d’une profondeur insondable. La sonate D. 958 je l’avais déjà entendue sous ses doigts à La Roque d’Anthéron en 2017. L’évolution de son interprétation dans ce vaste cycle va vers davantage de contrastes et des nuances plus subtiles encore. Les grands emportements sont maitrisés et la fantasmagorie par moment inquiétante n’est pas tragique, l’humour pointe son nez dans le scherzo et surtout dans le final qui malgré sa longueur passe trop vite dans un étourdissement délicieux. Ainsi la sonate en do mineur ouvre déjà un pan entier de romantisme passant de la violence à la tendresse la plus émue. Mais c’est dans la D.959 que le musicien avance encore vers davantage d’émotions. Cette extraordinaire capacité à habiter les silences émeut, il ose varier des tempi mouvants comme la vie.

À Piano aux Jacobins cette année il avait déjà joué cette sonate avec des qualités rares, l’évolution est pourtant là et il se rapproche encore davantage de Schubert. Un Schubert qui, à deux mois de sa mort ose une partition de près d’une heure, y dit tout son amour de la vie comme ses angoisses face à la mort. Mais d’une manière que seule Mozart savait, avec une élégance et une politesse d’âme d’enfant. La légèreté des doigts de la main droite d’Adam Laloum évoque des papillons pour la grâce et un colibri pour la précision. Les contrastes sont saisissants et les phrasés amples et plein de profondeur. Le voyage musical est amical, généreux et enthousiasmant. Le deuxième mouvement si extraordinaire devient une ode à la joie de vivre consciente de sa fragilité et menacée par la sauvagerie du moment central. La reprise en est encore plus émouvante dans des nuances toujours plus subtiles. J’avais évoqué le chant pianissimo ineffable de la regrettée Montserrat Caballé avec son extraordinaire plénitude de timbre et c’est à nouveau ce qui m’a ravi. Un chant éploré mais toujours élégant dans une concentration de timbre rare. Par rapport au Cloître des Jacobins il ose dans l’acoustique plus vaste du Théâtre des Champs Elysées des nuances piano encore plus ténues, provoquant chez le public une écoute totale, un silence rare et probablement beaucoup de souffles retenus. L’avancée à travers les paysages de Schubert semble d’une ouverture constante vers des horizons nouveaux et une variété d’états d’âme infinis. On retrouve les qualités des plus grands interprètes de Schubert de tous les temps. La troisième sonate, la D.960 encore plus longue, demande un renouvellement du propos qu’Adam Laloum organise avec une grande intelligence. Le voyage ouvre d’autres espaces, les couleurs sont plus riches et l’harmonie va vers des contrées du futur. La puissance du jeu d’Adam Laloum est de tenir ainsi la public en haleine, de lui révéler Schubert avec un sentiment de proximité rarissime.

La puissance pianistique n’étant qu’un moyen pas un but. Cette émotion au bord des larmes, cet amour de la vie et cette remémoration  consciente du temps  de l’enfance si caractéristique des grands poètes sont de la pure magie. Le pari fou de jouer ainsi les trois dernières sonates de Schubert est gagné haut la main par Adam Laloum, Primus inter pares au firmament des interprètes de Schubert. Un Grand concert dans un cadre prestigieux a révélé de manière incontestable la maturité artistique d’Adam Laloum.  Son dernier CD est dédié à Schubert. Il est de toute beauté avec la D.894 et la D. 958. Toutes ses qualités sont là mais l’émotion du concert, cette capacité à capter l’attention du public, rajoute à la beauté de l’interprétation. Espérons qu’il enregistrera les deux dernières sonates de Schubert avec son nouveau Label car vraiment il s’agit d’un immense interprète de Schubert que le monde entier doit saluer.


Hubert Stoecklin pour Classiquenews.com

Compte-rendu concert. Paris Théâtre des Champs Elysées, le 5 février 2020. Frantz Schubert (1797-1828) : Sonates pour piano n° 21 en ut mineur D.958, n° 22 en la majeur D.959, n° 23 en si bémol majeur D. 960 ; Adam Laloum, piano.

Adam Laloum en poète du piano

Compte-rendu concert. Toulouse. 40iéme Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°28 en la bémol majeur,Op.101 ; Robert Schumann (1810-1856) : Grande Humoresque en si bémol majeur ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°22 en la majeur, D.959 ; Adam Laloum, piano.

Adam Laloum en poète sensible habité par la musique.

Adam Laloum © Harald Hoffmann
Adam Laloum © Harald Hoffmann

Pour ce Quarantième festival de Piano aux Jacobins les grands pianistes se succèdent à un rythme soutenu et même en choisissant avec soin, la splendeur continuellement renouvelée, ( cf. nos quatre chroniques précédentes), semble un miracle de stabilité dans notre monde en folie : une différente sorte d’excellence chaque soir ! De telles soirées aident à supporter les journées ….

Adam Laloum est peut-être parmi ces immenses artistes celui qui se tient à une place à part, celle du cœur. Du moins pour moi ce concert l’aura été. Je connais bien la musicalité fine de ce pianiste depuis bientôt dix ans et je sais comment chaque fois j’en suis émerveillé. Que ce soit en soliste, en chambriste, en concertiste. Le récent festival de Lagrasse le montre en délicat chambriste, son récent concert de concertos de Mozart à la Roque d’Anthéron en a ébloui plus d’un par sa musicalité mozartienne épanouie, (concert à la réécoute sur France Musique). Ce soir dans l’auguste Cloître des Jacobins après tant de somptueux artistes, Adam Laloum a offert un concert parfaitement construit, dans un répertoire qui lui convient à la perfection. Ce concert est frère de celui de Silvacane en 2017, (voir notre compte rendu) entre Beethoven et Schubert. La sonate n° 28 de Beethoven est une grande sonate, une œuvre de la maturité de toute beauté. Le grand final en forme de fugue est une véritable apothéose. Adam Laloum en domine parfaitement toutes les fulgurances en rajoutant une qualité de nuances et de couleurs d’une infinie variété. Le Beethoven de Laloum a toujours la primauté du sens sans rien lâcher sur la forme. Il cisèle chaque phrase et l’enchâsse dans le mouvement puis dans la sonate entière. Cette conscience de la structure sur tous ces niveaux, la lisibilité qu’il apporte au public, sont des qualités bien rares. À présent la pâte sonore d’Adam Laloum a gagné en richesse. La beauté des sons sur tout l’ambitus est proprement incroyable. La rondeur des graves, leur puissance sans aucune violence fait penser à l’orgue. Après cet hommage au véritable père de la Sonate pour piano, la Grande Humoresque de Schumann ouvre un pan entier au romantisme le plus sublime. Le début dans une nuance piano aérienne nous fait entrer dans la magnifique vie imaginaire de Schumann. Le bonheur, la paix puis la fougue, la passion malheureuse.

Adam Laloum

Pièce rarement jouée en concert, elle met en valeur les extraordinaires qualités d’Adam Laloum. Il en avait déjà offert une belle version au disque mais ce soir l’évolution de l’interprétation est majeure. Capable de nous livrer et la structure quadripartite de l’œuvre et sa fantaisie débridée nécessitant beaucoup d’invention dans le jeu pianistique. Les partis pris du jeune musicien tombent chaque fois à propos avec une beauté à couper le souffle. Un vrai engagement d’interprète et une virtuosité totalement maitrisée rendent l’instant sublime. Mais ce qui va véritablement faire chavirer le public est son interprétation unique de l’avant dernière sonate de Schubert. La D.959 est jouée avec une fougue et une tendresse incroyables. Schubert, qui dans le deuxième mouvement chante le bonheur à porté de main mais qui s’enfuit, trouve dans le jeu d’Adam Laloum une deuxième vie. Les nuances sont subtilement dosées et le cantabile se déploie comme le faisait Montserrat Caballe avec ses phrases de pianissimi sublimes dans Bellini et Donizetti. Car les pianissimi sont d’une couleur suave certes mais surtout d’une plénitude incroyable. Jamais de dureté ou d’acidité. Toujours une onctuosité belcantiste. Ce deuxième mouvement Andantino, l’un des plus beaux de Schubert, avec sa terrible tempête centrale, est un pur moment de magie sous les mains si expertes d’Adam Laloum. Le Scherzo nous entraine dans quelques danses qui deviennent véritablement fougueuses et heureuses à force de tournoyer sur elles même dans des variations que l’on aimerait perpétuelles tant elles sont belles. Le long rondo final n’est que tourbillon de gaieté et d’envie de vivre. Tout coule, avance et les nuances pleinement assumées, les phrasés variés à l’envie en font une vraie musique du bonheur que quelques modulations assombrissent un court instant. Le bonheur de Schubert est aussi vaste que sa mélancolie. Adam Laloum est probablement le plus émouvant interprète de Schubert contemporain. Un vrai compagnon d’âme du Frantz Schubert que ses amis aimaient tant lors des shubertiades.

Dans les rappels du public qui se terminent en standing ovation il revient à Schubert. Un vrai bonheur partagé !

Hubert Stoecklin


Compte-rendu concert. Toulouse. 40iéme Festival Piano aux Jacobins. Cloître des Jacobins, le 19 septembre 2019. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°28 en la bémol majeur,Op.101 ; Robert Schumann (1810-1856) : Grande Humoresque en si bémol majeur ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°22 en la majeur, D.959 ; Adam Laloum, piano.

Hubert Stoecklin pour Classiquenews.com