Concert final à Salon

CRITIQUE, concert, Salon, le 5 Aout 2023, Granados, Farrenc, Debussy, Spohr, Pahud, Mayer, Braley, Lomeiko, Leleux, Tourret.

Un Final en fête pour la trentième édition du Festival

Pas de doute pour terminer en beauté la trentième édition c’est le nombre qui a été le mot d’ordre. Le plus de musiciens amis possible sur scène dans des œuvres originales et rares. Quelle fête du beau son, de l’émotion et du style ! Le quintette de Granados avec piano et cordes est une œuvre solaire, et heureuse. Elle ouvre le concert avec audace.

Franck Braley au piano est certes masqué (quelque méchant virus ?) mais en pleine forme et son piano sera généreux, vif et ingénieux. Le violon de Natalia Lomeiko est une force qui avance toujours avec panache. Lilli Maijala à l’alto est souveraine du beau son. Marie Viard au violoncelle a le regard partout pour soutenir un collège, chanter à tue-tête, ou dialoguer avec exactitude. En deuxième violon Yuri Zhislin ne s’en laisse pas conter et est très présent.    Le premier mouvement d’une énergie débordante avance avec une force commune épatante, le mouvement lent avec le violon en sourdine pour commencer a toute la magie requise en ce moment de lumière qui descend. C’est un moment très beau sous le ciel provençal. Le final avec ses variations qui mettent en valeur chaque musicien a une allure de galop dansant endiablé. Les cinq musiciens sont applaudis de belle manière.

Une autre équipe de corde set tous les vents se retrouvent pour le Nonette de Louise Farrenc. Œuvre absolument géniale qui est une sorte de petite symphonie pleine d’esprit. Pour mémoire c’est cette composition qui a décidé la direction du Conservatoire de Paris de lui donner le même salaire que ses collègues hommes, comme professeur de piano ! Le charme de cette œuvre est sans égal, c’est élégant, bien charpenté et plein de délicieuses trouvailles. Chaque musicien a son moment de gloire et l’ensemble est plein de force. Le charme des bois français est élégant. Emmanuel Pahud, François Leleux et Paul Meyer sont des complices qui savent trouver une harmonie parfaite. Lisa Batiashivili a un violon lumineux qui survole aisément les phrases.

L’alto de Gareth Lubbe met une chaleur bienvenue dans l’ensemble et le violoncelle de Claude Bohorquez semble plein de bonheur. Gilbert Audin au basson soutient les autres bois ou les cordes avec le même bonheur et dans ses solos nous livre une qualité de son peu commune. La contrebasse d’Olivier Thiery donne toute sa solidité à l’ensemble avec un vrai bonheur.

Le plaisir des musiciens se lit dans leurs attitudes et le public charmé fait une ovation aux 9 musiciens. Voilà assurément une œuvre qui mérite de prendre plus de places dans les concerts.

En deuxième partie l’installation de la harpe, à la nuit tombée, apporte un peu de magie et suscite les interrogations du public. Entendre de la harpe à Salon c’est inhabituel. Les Danse sacrée et profane pour harpe de Debussy peuvent être accompagnée par plusieurs formations. Le quatuor à cordes est choisi ce soir. L’effet est magique, hors du temps et de l’espace. La harpe subtile d’Ananëlle Tourret a un charme indéfinissable et le soutient des cordes est à la fois chaleureux, discret et réconfortant. C’est un très bel équilibre qui est construit devant nous et le public complètement sous le charme applaudit avec joie à cette partition si originale et si agréablement présentée.

En final du final le Nonette de Spohr est un moment de partage de bonheur irrésistible. On peut compter sur la fine équipe du festival pour nous faire exulter. Cette musique charmante, entrainante et si bien écrite est une bénédiction et nos musiciens sont si heureux de la jouer ensemble qu’ils se dépassent et nous enchantent. Un vrai bonheur en musique ! Belle fin pour cette belle édition du Festival du Salon de Provence , oui les meilleurs solistes du monde étaient là ! Bravo aux artistes et à un public nombreux ce soir !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. 30 ième Festival de Salon de Provence, Château de l’Empéri, le 5 Aout 2023 ; Enrique Granados (1867-1916) : Quintette en sol mineur op.59 ; Louise Farrenc (1804-1875) : Nonette en mi bémol majeur, op.38 ; Claude Debussy (1862-1918) : Deux danses. Danse sacrée et dans et danse profane ; Louis Spohr (1784-1859) : Nonette en fa majeur ; Natalia Lomeiko, Yuri Zhilslin et Lisa Batiashvili, violon ; Lilli Maijala et Gareth Lubbe, alto ; marie Viard et Claude Bohorquez, violoncelle ; Olivier Thiery, contrebasse ; Emmanuel Pahud, flûte ; François Leleux, hautbois ; Paul Meyer, clarinette ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Anaëlle Tourret, harpe ; Franck Braley, piano.

Photos : Aurelien Gaillard

Liya Petrova au Festival de Salon de Provence

CRITIQUE, concert, Salon de Pce, le 5 Août 2023, Schumann, Prokofiev, Debussy, PETROVA, LE SAGE.

Liya Petrova est une violoniste flamboyante

Le Festival de Salon de Provence propose des concerts toute la journée cela permet de proposer jusqu’à 23 concerts sur cette 30 ième édition. Le concert de Midi dans la petite église de Ste Croix au sein d’une superbe Abbaye convertie en hôtel de charme, est toujours un moment rare.  Si le public est certes peu nombreux, il bénéficie toutefois d’une grande proximité avec les artistes et d’une acoustique idéale qui permet une écoute extrêmement précise. Le duo en sonate violon et piano semble bénéficier ici du lieu idéal avec cette acoustique généreuse et précise à la fois.

Le duo formé par Liya Petrova et Éric Lesage fonctionne bien. Les deux artistes étaient la veille avec le même programme au Festival de Menton.

Dès le début de la sonate de Schumann, l’énergie de la violoniste galvanise le pianiste. Cette interprétation sera très engagée, virtuose et romantique. La colère du début se transforme petit à petit en de belles nuances du violon. Les sonorités chaudes de Liya Petrova sur les cordes graves sont absolument superbes, le geste est large et la plainte devient celle d’une souveraine.  Puis le caractère plus populaire du deuxième mouvement, allège le ton avec de belles envolées dans l’aigu nourri de la violoniste. Le final caracole et sous les doigts de Liya Petrova les envolées du violon deviennent grâcieuses en leur alacrité. Les changements d’humeur rapides, les nuances creusées et l’énergie toujours renouvelée sont d’un Schumann bien rendu par des artistes fins connaisseurs. Cette vibrante interprétation est applaudie vigoureusement.

La sonate de Prokofiev débute de manière très dramatique sur un mouvement lent. Liya Petrova met beaucoup de poids sur son archet pour donner le caractère dramatique à ce début très inhabituel. A nouveau nous pouvons admirer l’opulence de sonorités graves qu’elle obtient de son violon.  L’allegro allège l’ambiance et la violoniste éclaire son jeu. Cela devient brillant et dans le final la virtuosité assumée permet d’admirer un art du violon complet. C’est vraiment très beau. Éric Le Sage est un partenaire réactif qui amplifie les intentions de la violoniste, il semble vraiment tirer le meilleur de la généreuse énergie de Liya Petrova. La sonate de Prokofiev scelle un duo qui fonctionne admirablement.

En fin de concert la Sonate de Debussy devait offrir un contraste qui n’a pas été au rendez-vous. Si Liya Petrova joue plus clair et dans des phrasés plus subtiles, le piano d’Éric Le Sage reste droit et forte sans chercher les subtilités debussystes. Le violon reste un peu seul pour cette sonate et l’accord avec le pianiste ne se trouve pas. Je reste un peu sur ma faim quand d’habitue cette sonate m’apporte plus d’originalité avec des éléments très diaphanes, des rythmes surprenants. Certes la beauté du violon de Liya Petrova, la grande subtilité des notes suraiguës pianissimo, les longues phrases sinueuses nous enchantent mais à elle seule elle ne peut porter toute la sonate, le poids constant du piano de Le sage restera un mystère, comment a-t-il pu rester insensible aux propositions de la violoniste ?

Le concert a permis de déguster le jeu vibrant de Liya Petrova, son engagement généreux et la beauté de sonorités sur toute la tessiture. Le romantisme partagé avec Éric Le Sage dans Schumann restera le moment le plus abouti du concert.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. 30 iéme Festival de Salon de Provence. Abbaye de Ste Croix, chapelle, le 5 aout 2023. Robert Schumann (1810-1856) : Sonate n°1 pour violon et piano en la mineur, op.105 ; Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Sonate pour violon et piano n°1 en fa mineur, op.80 ; Claude Debussy (1862-1918) : Sonate pour violon et piano. Liya Petrova, violon ; Éric Le Sage, piano.

Photo : DR

Photos : DR

Les somptueuse soirées de Salon de Provence

CRITIQUE, concert, SALON DE PROVENCE, le 3 Août 2023, Prokofiev, Flament, Verdi, Dohnanyi, MEYER, PAHUD, LE SAGE, LOMEIKO.

Le Festival de Salon de Provence offre des découvertes sensationnelles

Le Festival de Salon de Provence fête cette année ses 30 ans ! Les trois amis qui l’ont créé n’ont rien perdu de leur complicité bien au contraire Emmanuel Pahud à la flûte, Éric Le Sage au piano et Paul Meyer à la clarinette se renouvellent sans cesse. Les amis qu’ils invitent sont tout aussi fidèles et chaque année de jeunes talents les rejoignent. Sur une semaine environ les concerts s’enchainent et ne se ressemblent pas. Le rituel du soir permet de commencer le concert avec la lumière du jour pour se terminer en pleine nuit. C’est absolument magique sous le ciel provençal cette lente descente du soleil et ce lever de lune durant un concert.

Ce soir concert surprise ! Aucune œuvre proposée ne m’était connue ou du moins dans la forme proposée.

Le Quintette de Prokofiev est une véritable farce musicale, une pocharde. De cette commande purement alimentaire pour un ballet Prokofiev a décidé de tirer une partie purement musicale. Il n’y a donc aucune dramaturgie, aucune direction à cette composition. Si elle n’était si peu harmonieuse on pourrait parler de musique pure. En fait c’est tout à fait désopilant tant la difficulté technique de la partition est fulgurante afin que chacun joue exactement faux et tienne un rythme complètement instable et surtout donne l’impression de jouer que pour lui alors que la connexion aux autres est vitale. Avec les mimiques d’Olivier Thiery à la contrebasse ou de Gareth Lubbe à l’alto le spectacle dans le spectacle construit une mise en abyme hilarante. Bravo à tous ces musiciens qui tiennent bon dans cette cacophonie savante.

Le Quatuor de Verdi est une œuvre de désœuvré. En panne avant la création d’Aïda  Verdi en dilettante écrit ce quatuor qui restera sa seule œuvre de musique de chambre. L’adaptation pour quintette de vents est d’un grand bassoniste et arrangeur : Mordechai Rechtman. Je dois dire que la métamorphose du quatuor le rend plus verdien ! En effet je dois reconnaitre y avoir d’avantage entendu des éléments verdiens appartenant à des ensembles, des couleurs connues dans ses opéras car il a toujours su utiliser les bois avec art. Et je dois dire combien la séduction de ce Verdi décalé a fonctionné avec des moments me rappelant souvent le Bal Masqué. Nos musiciens ont su avec art donner toute une dramaturgie à ces pages musicales très richement colorées.

Après l’entracte deux compositeurs inconnus sont proposés. Le talentueux Édouard Flamant a écrit un Septet extrêmement riche et beau. Le seul regret est qu’il soit si court et que les véritables trouvailles de thèmes ou d’associations d’instruments, les rythmes originaux ne donnent pas lieu à des développements. D’autres compositeurs auraient su en tirer près d’une heure de musique tant il y a de richesse qui passent sans revenir dans cette pièce fulgurante (moins de 10 minutes).

En final c’est le septuor pour piano, cordes clarinette et cor qui est une découverte inouïe. Comment une si belel écriture a pu tomber dans l’oubli ? Une si belle construction, des mélodies si fines, des utilisations de timbre si surprenantes ? Cette œuvre tient du chef d’œuvre inconnu et Ernö Dohnanyi est un compositeur hongrois à découvrir d’urgence.

Merci aux artistes généreux et si doués chacun pour leur instrument d’avoir su nous offrir avec cette amitié évidente ces œuvres si belles et variées. Je voudrais tous les citer ils sont tous impeccables et souverains, la liste est en bas ci-dessous.

Hubert Stoecklin  

Photos : © Aurélien Gaillard

Critique. Concert. Festival de Salon. Château de l’Empéri, le 3 Aout 2023. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Quintette op.39 ; Giuseppe Verdi (1813-1901) : Quatuor en mi, arrangement pour quintette à vent de Mordechai Rechtman ( 1926-2023) ; Édouard Flament (1880-1958) : Septet fantasia con fuga op28 ; Ernö Dohnanyi ( 1877-1960) : Sextuor en ut majeur op.37 ;   François Meyer, hautbois, cor anglais ; Paul Meyer, clarinette ; Maja Avramovic et Natalia Lomeiko, violon ; Gareth Lubbe et Lilli Maijala , alto ; Olivier Thiery , contrebasse ; Emmanuel Pahud, flûte ; François Laleux, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Astrid Siranossian, violoncelle ; Éric Le sage, piano.

Salon de Provence la magie de la nuit provençale

CRITIQUE. Concert. 30ème FESTIVAL DE SALON. SALON DE PROVENCE. CHATEAU DE L’EMPERI. Le 30 Juillet 2022. N. RIMSKY-KORSAKOV. F. POULENC. R. IMBERT. E. PAHUD. E. LESAGE. P. MEYER. F. MEYER. B. DE BARSONY.  G. AUDIN.  R. IMBERT.  P.F. BLANCHARD.

30 ans : Age magique pour le Festival de Salon De Provence.

Concert d’ouverture magique ce soir dans la sublime acoustique de la cour du Château de l’Empéri.

Rien, pas même le coronavirus, n’avait pu freiner l’enthousiasme qui caractérise ce festival de Musique de Chambre. Mais ce soir sans masque, sans pass sanitaire et sans jauge limitée, le public a pu s’installer bien confortablement. La chaleur de la journée cédant, un léger vent offrait une température proche de l’idéal.  Les trois musiciens fondateurs, Emmanuel Pahud, Paul Meyer et Éric Lesage, sont entrés entourés de leurs fidèles amis Benoit De Barsony et Gilbert Audin pour le Quintette de Rimsky-Korsakov.

Élégance, précision et admiration mutuelle leur ont permis de défendre cette partition mal connue avec un panache tout à fait extraordinaire. Certes il ne s’agit pas de la partition la plus typique de Rimsky-Korsakov. Seule une forme de mélancolie dans le mouvement lent entrouvrait la porte vers l’âme russe du compositeur, mais l’écriture de cette pièce est brillante, sensible et de bonne facture. Rien ne justifie le quasi oubli dans lequel elle s’installerait sans des interprétations si stimulantes, nous rappelant ces beautés. Les cinq musiciens ont chacun apporté le plus grand soin et la plus belle énergie dans cette fulgurante interprétation. Chacun avait des moments d’ouverture ou de virtuosité, c’est toutefois la flûte d’Emmanuel Pahud qui a apporté une touche remarquable par son élégance.

Le hautboïste François Meyer les a rejoints pour offrir au public une interprétation anthologique du sextuor de Poulenc. Avec une complicité de chaque instant, une précision absolue, et chic fou, ils ont su mettre dans cette pièce si contrastée toute une gouaille, si chère au Poulenc de la belle époque. Cette virtuosité de notes et de ton a fait souffler un vent de fraîcheur incroyable. Le public a fait une véritable ovation à cette fête musicale si réussie.

Pour la deuxième partie de concert, le contraste a été savamment préparé. Le saxophoniste Raphaël Imbert et le pianiste Pierre-François Blanchard sont entrés en scène dans une attitude intrigante. D’aucuns ne savaient qu’il s’agissait de musiciens de jazz. Peu importe une fois la surprise passée c’est le charme absolu de leur poésie faite musique qui a opéré. Le temps s’est suspendu, le chant a volé haut, le rythme du piano a transfiguré espace et temps.

Les présentations précises et pleines d’humour de Raphael Imbert nous permettaient de revenir un peu sur terre avant le prochain voyage. Ces deux musiciens, improvisateurs d’exception, nous ont offert des instants de poésie absolument magiques. Le « chant de l’étoile » de Richard Wagner et « A la musique » de Frantz Schubert avec de tels passeurs deviennent de vrais standards de jazz s’envolant sans limite sous le ciel étoilé de Provence. Le temps et l’espace abolis, n’est-pas cela le cœur de la poésie et de la musique ?

Quelle ouverture les amis pour ce festival qui vit sa trentième édition dans une plénitude jubilatoire.

A très vite la suite…

Hubert Stoecklin

 Critique. Concert. 30ème Festival International de Salon-de-Provence. Château de l’Empéri, le 30 juillet 2022. Nikolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908) : Quintette en si bémol majeur ; Francis Poulenc (1899-1963) : Sextuor ; Raphaël Imbert (né en 1974) : Improvisations. Emmanuel Pahud, flûte ; Paul Meyer, clarinette ; François Meyer, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Éric Lesage piano. Raphaël Imbert : saxophone et clarinette basse ; Pierre-François Blanchard, piano.

A Salon des musiciens au sommet

XXVIII iéme édition du Festival de SALON DE PROVENCE. Lundi 3 Août 2020. Salon de Provence, Château de l’EMPERI. Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Sonate pour deux pianos en ré majeur KV 448/375a ; Frantz SCHUBERT (1797-1828) : Fantaisie pour quatre mains en fa mineur ; Bohuslav MARTINU (1890-1959) : Quatuor H.139 ; Ralph Vaughan WILLIAMS ( 1872-1958) : Quintette fantaisie ; Nino Rota (1911-1979) : Piccola Offerta Musicale ; Albert GUINOVART (né en 1962) : Les Aventures de monsieur Jules Vernes ; Natalia Lomeiko et Daishin Kashimoto, violon ; Joachim Riquelme Garcia et Yuri Zhislin, alto ; Claudio Bohorquez et Aurélien Pascal, violoncelle ; Emmanuel Pahud, flûte ; Paul Meyer, clarinette ; François Meyer, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Emmanuel Curt, caisse claire ; Éric Lesage, Marie-Josèphe Jude et Albert Guinovart, piano.

Hommage à Maria Curcio

Les grands artistes ne cachent pas ce qu’ils doivent à de grands maitres. Leur rendre hommage est un acte à la fois de fierté et de modestie. Avoir été accompagné par Maria Curcio n’est pas donné à tout le monde et rester humble par rapport à cette grande musicienne permet à son tour de donner à la génération suivante quelque chose de cet héritage. Ce quelque chose d’unique serait la détermination et de ne rien lâcher sur la recherche de beauté. Ce sont peut-être les qualités premières qu’elle a transmises. Son maitre à elle dès l’enfance a été l’immense Arthur Schnabel et parmi ses élèves Radu Lupu est le plus inclassable génie. Nos trois pianistes de ce soir ont également été ses élèves et savent ce qu’ils lui doivent en organisant ce très bel hommage.

Nous avons donc pu nous délecter de duos de piano sublimes pour débuter ce programme.

Marie-Josèphe Jude et Éric Lesage dans la somptueuse sonate pour deux pianos de Mozart ont phrasé admirablement, dans une délicatesse de toucher ravissante. La douceur de Marie-Josèphe Jude a été contagieuse et le jeu des deux pianistes c’est complètement harmonisé.

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Puis Éric Lesage et Albert Guinovart à quatre mains se sont lancés dans la Fantaisie en fa mineur de Schubert. Rien que ces deux œuvres ouvrent les portes de la félicité. D’ailleurs le CD qui reprend ce Mozart à deux pianos et ce Schubert à quatre mains avec Radu Lupu et Murray Perahia est un de mes disques de chevet. Toute interprétation met en lumière un aspect de cette sublime fantaisie. Éric Lesage et Albert Guinovart ont choisi la douceur et l’élégance. Plus de caractère me convainc d’avantage, mais les deux pianistes ont su préserver à chaque moment une beauté de son et une délicatesse des plus rares.

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Le quatuor de Martinu qui rassemble clarinette, violoncelle, cor et caisse claire change complètement l’ambiance. Ce ne sont pas seulement les siècles mais tout une vision qui sépare ces mondes musicaux. La beauté des pianos reste dans nos oreilles quand la caisse claire fait un effet à la fois vaguement inquiétant et grotesque. Rapidement la virtuosité impressionne ainsi que la charge émotionnelle violente que dégage cette partition. Même l’andante est porteur de peur sans apporter de vrai répit. Le final devient presque féroce. Les musiciens très engagés ont offert une interprétation saisissante. Le fort mistral, qui ce soir ne décolérait pas, a ajouté comme de l’inquiétude à cette musique si particulière.

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Le Quintette fantaisie de Ralph Vaughan Williams avec deux altos est une page pleine de profondeur parfois douloureuse. L’alto avec sa voix chaude le débute et aura encore de beaux moments mais c’est le premier violon qui plane haut et atteint au sublime. Il faut reconnaitre bien des qualités rares à la violoniste russe.  Natalia Lomeiko a un son très élégant, d’une grande beauté. Les aigus dans un pianissimo riche et chaud sont particulièrement émouvants. Et son tempérament de feu donne beaucoup d’énergie autours d’elle. Cette fantaisie est habilement construite et la variété des ambiances, la répartition des instruments, le choix de faire taire le violoncelle puis de lui donner des phrases en solo, cet ensemble subtilement agencé, créée une œuvre qui passe sans notion de temps. Nous avons été emportés dans un voyage sans repères. Un beau moment suspendu.

La délicate Piccola  Offerta Musicale de Nino Rota en forme d’hommage à son professeur nous permet de retrouver la flûte magique d’Emmanuel Pahud et son extraordinaire partage avec ses camarades souffleurs. L’esprit est partout, dans chaque note, chaque respiration. Un véritable délice, une sorte de bonbon délicatement acidulé.

Pour finir le concert le pianiste-compositeur catalan Albert Guinovart revient et avec un ensemble de vents et tous interprètent trois extraits de sa composition « Les Aventures de Monsieur Jules vernes ». Cette orchestration pour le Festival met en valeur chacun mais le piano se taille la part du lion. Cette musique est vive, facile, évocatrice elle plait beaucoup au public qui pour la première fois cette année demande et obtient un bis. Ça y est le public ose redevenir exubérant. Il a fallu toutes ces magnifiques énergies musicales, toute cette générosité des instrumentistes pour retrouver l’exubérance de la joie de la musique partagée. Longue vie au festival de salon !

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Hubert Stoecklin

Quelle belle énergie à salon

XXVIII iéme édition du Festival de SALON DE PROVENCE. Dimanche 2 Août 2020. Salon de Provence, Château de l ‘EMPERI.  Nino Rota (1911-1979) : Trio pour clarinette, violoncelle et piano ; Leo SMIT (1900-1943) : Sextuor ; Witold LUTOSLAWSKI (1913-1994) : Variations sur un thème de Paganini pour deux pianos ; Karol BEFFA né en 1973 : Double REED Loop, création ; Camille SAINT SAENS (1835-1921) : Le Carnaval des Animaux, Grande fresque zoologique, texte de Francis Blanche. Natacha Reignier, récitante ;   Daishin Kashimoto, Maja Avramovic, violon ; Emmanuel Pahud, flûte ; Paul Meyer, clarinette ; François Meyer, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Claudio Bohorquez et Aurélien Pascal, violoncelle ; Olivier Thiery, contrebasse ; Emmanuel Curt, xylophone ; Éric Lesage, Lucille Chang et Alessio Bax, piano ;

L’ Humour en musique dans tous ses états

Le concert de dimanche soir a été coloré par l’humour de bout en bout. Dès le début du trio de Nino Rota son style si impertinent et très aimé par Fellini a fait merveille. C’est surtout Paul Meyer à la Clarinette qui a porté la partition tant dans les moments joyeux que dans la mélancolie inattendue de l’andante. Couleurs variées, nuances généreuses et phrasés éblouissants de verve ou de profondeur, Paul Meyer a été particulièrement inspiré soutenu par des partenaires plus prudents.

Le Sextuor de Leo Smit est une véritable découverte et une vraie merveille sauvée de la guerre et de l’oubli. Sous une apparence de légèreté et même de musique de variété, s‘entend un compositeur très sensible à son époque (Les années 30) avec une vraie personnalité. La solution finale nazie a éliminé un artiste doué et sensible. Éliminé physiquement comme tant d’autres mais immortel par sa musique….  Ce Sextuor de sa période heureuse est un bijou. Un grand merci tant pour cette découverte que pour une interprétation particulièrement brillante. Le gang des vents de Salon de Provence est inénarrable dans cette surenchère d’humour et de perfection instrumentale.

 Le couple glamour au piano comme à la ville : Lucie Chang et Alessio Bax a été totalement éblouissant dans les variations de Lutoslawski sur le thème de Paganini déjà utilisé par Rachmaninov. Cette très rare partition, une des seules sauvées de Lutoslawski, a été ardemment défendue par ce duo énergique et aux moyens phénoménaux.

La création de Karol Beffa pour clarinette et basson est toute pleine d’humour et de saveur délicatement piquante. Paul Meyer et Gilbert Audin ne cachent pas leur plaisir à ce duel d’anches à fleuret moucheté.

Le final avec tous les musiciens, augmentés de la contrebasse et du xylophone va nous entraîner dans un voyage plein d’humour et d’émotions. La partition de Saint-Saëns est virtuose, scintillante, d’une inventivité constante. Le charme de Natacha Reignier a éclairé le texte de Francis Blanche et a participé au succès de ce final. Chacun jouant des possibilités de son instrument brillamment utilisées par Saint-Saëns pour évoquer ces animaux si humains.

Impossible de retenir un moment plus qu’un autre, tout a été absolument parfait. Un bonheur absolu. Oui les meilleurs solistes sont à Salon mais surtout de grands musiciens tous en pleine forme.

Hubert Stoecklin

Salon 2020 : premier concert

XXVIII iéme édition du Festival de SALON DE PROVENCE. Salon de Provence, Samedi premier Août 2020. Château de l ‘EMPERI.  Camille SAINT SAENS (1835-1921) :Tarentelle en la mineur ;  Gioachino Rossini (1792-1868) : Sonata a quattro n°1 en sol majeur (Arrangement pour quatuor à vents) ; Ludwig van Beethoven ( 1770-1827) Trio en sol majeur WoO 37 ; Quintette en mi bémol majeur op.16 ; Johannes Brahms (1822-1897) : Trio op.40 ; Daishin Kashimoto , violon ; Emmanuel Pahud, flûte ; Paul Meyer, clarinette ; François Meyer, hautbois ; Gilbert Audin, basson ; Benoit de Barsony, cor ; Éric Lesage et  Alessio Bax, piano.

Faire fi de l’orage pour la Musique !

Pour son ouverture en grand dans la cour du Château de l’Empéri, le Festival de Salon a montré sa détermination et sa confiance dans l’avenir. Comme annoncé, en maintenant le projet du Festival aux pires heures de confusion en disant tout simplement : les Artistes seront là !

Et les autorisations sont arrivées permettant à la programmation, presque identique aux prévisions, de trouver son public. Hélas la peur excessive autant que le manque de vacanciers ne permet pas de faire le plein de la cour du Château de l’Empéri à chaque concert. C’est bien dommage car la programmation est de grande qualité et les artistes tous survoltés.

Ce concert d’ouverture en grand a été menacé par un orage qui a tourné autour de Salon mais personne n’a rien lâché et le concert a pu se dérouler avec cette sensation d’urgence sublimée par des interprétations très engagées. Ordre du programme parfait qui a été en progression constante vers un final éblouissant avec le trio pour cor, violon et piano de Brahms, musique nocturne sublime. Une interprétation plus tonique et moins embrumée que celle qui fait référence dans ma discothèque. Alessio Bax est au piano très présent, phrasant large et capable de nuances très subtiles.  Un toucher franc qui met en lumière sa partie et offre un très beau support tant au violon qu’au cor. Le cor de Benoît de Barsony est lui aussi large et puissant, plus affirmé et lumineux que d’habitude. Au violon Daishin Kashimoto tient sa partie afin de suivre sur leurs hauteurs ses deux collègues.

Ce point d’orgue du concert ne saura pas nous faire oublier le reste du programme. La grande souplesse et l’amabilité, la beauté des lignes et la richesse des accords de sonorités prodiguées par les vents dans cette adaptation de la sonate n°1. de Rossini ont fait merveille. La recherche du même velours par la flûte d’Emmanuel Pahud et la clarinette de Paul Meyer est d’une grande subtilité. La présence chaude du basson de Gilbert Audin et la rondeur de son du Cor de Benoît de Barsony rendent cette interprétation particulièrement savoureuse. L’œuvre qui a donné son titre à la soirée est « la tarentelle pour flûte, clarinette et piano », œuvre rare et pleine de charme. Le piano d’Éric Lesage tient un tempo inflexible sur lequel les deux bois rivalisent de charme. Très belle œuvre, pleine de bonheur, que les trois fondateurs du festival ont su faire briller de mille feux. Le plaisir de faire de la musique ensemble reste intact après 28 années de Festival ! Le Trio en sol majeur de Beethoven, œuvre de jeunesse, rend hommage à Mozart jusque dans le choix des instruments. Emmanuel Pahud est mozartien jusqu’au bout des doigts, Alessio Bax a un jeu très clair et précis et Gilbert Audin au basson apporte des touches d’humour irrésistibles. Le quintette de Beethoven pour clarinette, hautbois, basson, cor et piano, est un hommage à Mozart, qui a écrit pour la même formation mais assurément le ton est beethovenien. La complicité entre les musiciens est totale, pour une interprétation passionnante.

Ce concert gagné contre les menaces de pluie et contre la peur du Coronavirus, a été très applaudi par un public ému d’être, après une trop longue « diète », en présence d’artistes si doués et généreux.

Hubert Stoecklin

Le Festival de salon renaît

XXVIII iéme édition du Festival de SALON DE PROVENCE. Vendredi 31 JUILLET 2020. Abbaye de Sainte Croix.  Camille SAINT SAENS (1835-1921) : Odelette op.162 ; Romance op. 37 ; César CUI (1835-1918) : 5 petites pièces op.56 ; Frantz SCHUBERT (1797-1828) : Sonate pour arpeggione et piano en la mineur D. 821  (arrangement Emmanuel Pahud)  ; Maja Avramovic, violon ; Emmanuel Pahud, flûte ; Alessio Bax, piano.

Le retour à la VRAIE VIE

Ça y est l’été a enfin débuté. Comment imaginer un été sans musique et sans festival ? La Provence sans musique en été ça n’existe pas. C’est pourtant ce que l’épidémie de coronavirus a failli obtenir…  Car sans le festival d’Avignon et sans les Chorégies d’Orange le début d’été a été bien triste. Et sans bien d’autres  festivals ou  concerts, tous annulés. C’est conscient de cette fatalité désolante pour les artistes réduits au silence et le public privé de spectacle vivant, que l’émotion m’a gagné en arrivant dans la délicate Chapelle de Sainte-Croix à Salon de Provence. Tout nous prête à la prise de hauteur en ce lieu majestueux. Le promontoire d’où peuvent se contempler les cultures en verger et la nature encore préservée de la plaine de Salon, le soleil qui y cogne dure partout et ici ce sable blanc qui avec détermination nous enfarine les chaussures. La délicate chapelle accueille ce jour un public très réduit et la porte est  restée grande ouverte durant le concert invitant le chant rythmé des sympathiques cigales. Les consignes sanitaires sont ainsi respectées, le masque est porté par tout le public et les distances permettent de limiter les contacts.  Happy few, but very happy, sous nos masques…

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Emmanuel Pahud : Crédit photo, Denis Felix

Lorsque Emmanuel Pahud entre sur scène avec son complice Alessio Bax l’émotion est perceptible dans la salle. Oui ce n’est pas un rêve les artistes sont véritablement là, comme promis. Jamais probablement la délicieuse Odellette de Saint-Sains n’a fait un tel effet. Les larmes sont monté aux yeux de plus d’un tant la beauté de cette musique a semblé bouleversante. Emmanuel Pahud détendu, concentré et olympien a trouvé un son d’un velours délicat, tandis que le jeu très présent d’Alessio Bax donne un relief concertant à sa partie, bien loin d’être un simple accompagnateur. Ce jeu partagé, cette écoute admirative de part et d’autre nous offre un duo au sommet de la musicalité. Plus émouvante encore sera la Romance op. 37, pleine de mélancolie et de charmes permettant un délicat équilibre entre le chant éperdu de la flûte et la profondeur harmonique du piano. Nos deux complices rivalisent de finesse et de beauté de sonorité. Dans des phrasés éperdus ils donnent beaucoup de puissance d’évocation à cette trop courte pièce. Entre ces deux belles partitions de Saint-Saëns les cinq petites pièces de César Cui pour violon, flûte et piano sont une totale découverte. César Cui parfait contemporain de Saint-Saëns est connu pour avoir écrite le manifeste du Groupe des cinq. Ces 5 pièces de charme sont agréables et très variées, faussement simples et faciles.  Elles sont très bien écrites en équilibrant très agréablement les trois instruments offrant à chacun des moments dans lesquels briller. Les trois musiciens dans une complicité de chaque instant se régalent et nous régalent. La troisième pièce est peut-être la plus « Russe » avec cette mélodie mélancolique offerte au violon et les commentaires légers de la flûte, tandis que le piano tient dans une danse lente et triste tout l’ensemble. La musicalité et l’écoute des trois musiciens permet d’atteindre un équilibre délicat. Le violon sensible à la sonorité pleine et riche de Maja Avramovic  fait merveille , le piano toujours juste sachant capter chaque variation de caractère d’Alessio Bax donne beaucoup de force à la partition, tandis qu‘Emmanuel Pahud avec une aisance souveraine semble surfer avec une totale liberté, tout heureux de ce partage entre fins musiciens. Le public accueille très chaleureusement ces cinq pièces rares.

Car ce que j’aime aussi beaucoup à Salon c’est la qualité de la programmation avec chaque année son lot de découvertes et de raretés. César Cui sort ainsi des livres d’histoires de la musique et a repris vie ce midi à Salon.

La partition emblématique qui termine le concert vaut à elle seule le déplacement. La sonate arpeggione de Schubert est une véritable merveille et la version à la flûte est particulièrement séduisante.

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Alessio Bax: Crédit photo, Marco Borggreve

La complicité entre Alessio Bax et Emmanuel Pahud nous offre une interprétation très équilibrée entre les deux instruments; très mobile et vivante. La souplesse des tempi apporte beaucoup de vie et même de truculence. Comme souvent la danse s’invite dans le jeu du flutiste et la même capacité se retrouve dans le jeu de Bax. Le final gagne ainsi en vie et en liberté. C’est vraiment ainsi que nous imaginons Schubert, capable d’aimer la vie en toute simplicité dans les moments de détresse, lui qui écrivit cette incroyable partition pour un instrument mort-né : l’arpeggione. La mélancolie la plus délicate rencontre une sorte de liberté simple capable d’humour potache. Les rubati esquissé dans les premiers mouvements sont irrésistibles dans le final. Emmanuel Pahud et Alessio Bax partagent une capacité d’inventions et d’audaces qui fait la vraie originalité des interprètes : par exemple, les phrasés plus profondément creusés, les nuances plus appuyées, la danse plus physiquement présente.  C’est cela qui fait le prix des concerts. Ce sont des rencontres qui permettent de bouger les lignes d’interprétations certes merveilleuses mais figées au disque. La musique vit et nous donne de la vie. Le public plus sage qu’à l’accoutumée, c’est un effet du post confinement je pense, a applaudi copieusement les interprètes. Le festival de Salon démarre bien. L’été est ( enfin) là !

Hubert Stoecklin

FESTIVAL DE SALON