Intégrale des concertos de Rachmaninov à La Roque : Fulgurant !

CRITIQUE, concerts, LA ROQUE D‘ANTHERON, les 7 et 8 Août 2023, Intégrale Cto. Piano Rachmaninov, KANTOROW, GOUIN, MALOFEEV, SINFONIA VARSOVIA, SCHOKHAKIMOV.

Une intégrale des concertos de Rachmaninov contrastée et

toujours virtuose !

Nous avons pu assister aux deux premiers concerts de l’intégrale des concertos de piano composés par Rachmaninov. Il est passionnant d’entendre trois concertos ou équivalent par trois pianistes aux styles si différents. Alexandre Kantorow tout auréolé du succès de sa carte blanche fait salle comble une nouvelle fois. Le premier concerto lui va comme un gant. Avec une assurance confondante il en assume toute la virtuosité en rajoutant continuellement une dimension musicale qui rend son interprétation absolument passionnante. Car Rachmaninov a souffert un temps d’une image de pur technicien aux effets faciles pour le public. Si les thèmes sont toujours immédiatement repérables et sembler faciles il n’en est rien ; ce concerto est très habilement construit. Dès le début le thème très romantique donne beaucoup de profondeur au propos. Alexandre Kantorow s’en empare et avance vers toujours plus de finesse interprétative. Son piano est extrêmement nuancé, toujours plein de couleurs variées et la puissance se mêle à la poésie de la plus belle manière. Le Sinfonia Varsovia dans les divers solos est très impliqué et offre de beaux moments chambristes au pianiste. Le chef ouzbèke Aziz Shokhakimov a une conception de l’orchestre particulière basée sur la puissance et même une certaine violence dans sa manière de diriger. Les effets orchestraux sont toujours tirés vers le spectaculaire. Il n’est pas du tout certain que c’est le partenaire le plus à même de dialoguer avec le piano si sensible de Kantorow. Dans les forte orchestraux un peu brutaux Alexandre Kantorow tient le choc sans siller mais finalement pourquoi tant de bruit ? La musique de Rachmaninov en sort-t-elle grandie ?

A Kantorow 23 © Valentine Chauvin 2023 Copie

La cadence du premier mouvement permet au tempérament romantique et poétique de Kantorow de s’épanouir enfin. Le deuxième mouvement est le plus réussi, l’orchestre plus subtil dialogue amicalement avec le pianiste rasséréné. C’est très beau de sentir le pianiste heureux et autorisé à nuancer finement, de phraser délicatement et de colorer subtilement son piano. Il chante à cœur ouvert et l’orchestre lui répond.  Le final reprend un ton martial du côté de l’orchestre et le pianiste se raidit un peu.  La virtuosité explose de toute part. C’est très brillant.  Puis la partie centrale s’apaise et la course poursuite finale est jubilatoire. Le public exulte et fête Alexandre Kantorow en prince du piano. Un public aussi enthousiaste dans une salle archi pleine en est le signe. Deux bis vont enchanter le public une valse triste de Vecsey arrangée par Cziffra, pour un moment très romantiquement échevelé et de Mompou la chanson et danse n°6 d’une délicate mélancolie.

Le lendemain c’est Nathanaël Gouin qui s’empare des variations rhapsodiques sur un thème de Paganini. On peut dire que c’est le dernier concerto de Rachmaninov. Le pianiste français progresse régulièrement et sa carrière internationale s’intensifie. Ses derniers enregistrements sont plébiscités. De Rachmaninov il a enregistré le premier concerto et les variations Paganini.  Il propose donc au public une version murie par des recherches approfondies. Son jeu est analytique, très pur et sa lecture éclaire d’un jour intéressant la vaste partition. La virtuosité ne le met pas en difficulté et une poésie distanciée va bien à cette musique. Le hiatus vient de la direction du chef qui reste dans sa vision de recherche de puissance dès qu’il le peut. Le soliste et le chef restent chacun sur leur planète et ne se rencontrent pas. Les solistes de l’orchestre eux arrivent dans les moments solos à partager la musique avec Nathanaël Gouin. Le beau piano pur et analytique de Nathanaël Gouin trouvera avec un chef plus délicat à approfondir son propos particulièrement intéressant. Dans deux bis intelligents il ravit le public par ce même jeu très élégant. D’abord une paraphrase virtuose de sa main de l’air de Nadir des Pécheurs de Perles de Bizet. Puis un prélude de Rachmaninov très lyrique.

Sinfonia Varsovia Nathanaël Gouin 13 © Valentine Chauvin 2023

Le deuxième concerto de Rachmaninov est un tube qui se retrouve partout au cinéma et dans les publicités. Cela n’enlève rien à sa beauté intrinsèque toujours révélée dans chaque nouvelle interprétation. Ce soir le jeune Alexander Malofeev du haut de ses 22 ans va affronter le monument pianistique !

Aziz Shokhakimov Sinfonia Varsovia Alexander Malofeev 15 © Valentine Chauvin 2023

Ce jeune pianiste russe est en fait un colosse dès qu’il touche un piano. Le début mythique du concerto repose sur un savant crescendo des accords du pianiste. Ce jeune homme semble pouvoir faire un crescendo infini et l’orchestre n’arrivera pas à le faire disparaitre dans son fortissimo, même si Aziz Shokhakimov s’y emploie avec application !  Le reste du concerto sera grandiose, le pianiste russe a des moyens colossaux et au jeu du plus fort le chef perd sans jamais arriver à le couvrir, le combat bon enfant est tout de même assez terrifiant par instants. Heureusement le mouvement lent magique permettra un rêve de paix et de pure beauté. Le piano de Malofeev est incroyablement large et le son est plein y compris dans les pianissimi, c’est un piano de première grandeur. Les longues phrases se déplient lyriques et pleines, les nuances sont incroyablement creusées.  La virtuosité est sidérante, la solidité rythmique quasi surhumaine. Avec l’expérience de rencontres musicales au sommet, qu’il mérite de faire, ce jeune artiste va devenir un des plus grands pianistes de sa génération.

Lors des bis et c’est un signe les musiciens du Varsovia restent sans bouger comme ils l’avaient fait pour Kantorow. Ces deux bis sont aussi spectaculaires que la prestation dans le concerto. Une main gauche d’acier exulte dans le prélude pour la main gauche de Scriabine puis dans une toccata absolument diabolique de Prokofiev le jeu staccato et roboratif d’Alexander Malofeev fait merveille.

En deux soirs nous avons bénéficié de trois concertos avec des pianistes aux personnalités très différents, la Roque propose des moments pianistiques vraiment très stimulants ! Coté chef c’est autre chose …

Hubert Stoecklin

Critique. Concerts. La Roque d’Anthéron. Parc du Château Florans les 7 et 8 Aout 2023. Intégrale des concertos pour piano de Rachmaninov soirées 1 et 2. Sergeï Rachmaninov (1873-1943) ; Concerto pour piano n°1 en fa dièse mineur op.1 ; Concerto pour piano n°2 en ut mineur op.18 ; Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 42 ; Grazyna Bacewicz (1909-1969) : Ouverture pour orchestre symphonique ; Nicola Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade suite symphonique op.35 ; Alexandre Kantorow, Nathanaël Gouin et Alexander Malofeev : piano ; Sinfonia Vasovia ; Aziz Shokhakimov, direction.

Photos : Valentine Chauvin

Lien vers Kantorow cto n°1

Lien Kantorow cto n° 2

Nathanaël Gouin dans la romance de Nadir

Alexander Malofeev dans le deuxième concerto

Alexandre KANTOROW offre une Schubertiade à La Roque d’ Anthéron

CRITIQUE, Concert, La Roque d’Anthéron, Parc du château, le 2 août 2023, Beethoven, Schubert, Kantorow, Petrova, Pascal, Despeyroux, Dobost, Sinfonia Varsovia, Nikolitch.

Carte Blanche à Alexandre Kantorow = Maxi Schubertiade.

Le Trio Kantorow Petrova Pascal en sa complicité 
Photo : Valentive Chauvin La Roque 2023

Ce soir ce n’est pas la réincarnation de Liszt qui est là mais Schubert le compositeur qui avait deux passions : l’amitié autant que la musique. C’est exactement ce qui vient à l’esprit en regardant le programme concocté par Alexandre Kantorow, d’une rare générosité et ne comprenant qu’un morceau en solo.

D’abord Beethoven pour rendre hommage au père bien aimé pour la première partie de la nuit. Le compositeur de la musique du bonheur dans le choix de deux œuvres solaires, heureuses et enthousiasmantes. 

Le trio en mi bémol majeur porte le numéro 1 mais n’est pas le premier… partition accomplie qui permet aux trois interprètes d’offrir le meilleur d’eux même aux collègues comme au public. Cette osmose entre les trois amis est un régal des yeux et des oreilles. En effet Alexandre Kantorow, Liya Petrova et Aurélien Pascal se connaissent depuis longtemps et assurent ensemble la direction artistique des Journées Musicale de Nîmes. Nous les y retrouverons avec plaisir.

Ce trio encore très mozartien est déjà bien rythmé et avec ses quatre mouvements se dégage du modèle classique. Grâce de cette musique, la complicité entre les musiciens et le silence des cigales semblent faire de ces instants un exemple de bonheur sur terre, c’est la preuve que l’amitié et la musique se donnent la main. Le piano d’Alexandre Kantorow cherche constamment l’équilibre parfait avec les cordes. Ses regards attentifs sont éloquents. Aurélien Pascal que nous avions entendu à Salon de Provence il y a quelques années, a beaucoup changé et en affirmant une personnalité musicale plus sure d’elle il donne à son jeu tout en finesse un peu plus d’éloquence. Liya Petrova que nous découvrons a une assurance qui donne à son jeu, lumière et brillant mais sans ostentation. De ce fait l’équilibre entre les trois est constamment parfait. C’est la violoniste qui a la position du centre qui fait avancer les choses. La beauté de chaque instrument, les nuances communes, les phrasés complices, la fusion, tout est pur bonheur. Le public est charmé totalement.

Photo Valentine Chauvin La roque 2023

Puis avec l’entrée du Sinfonia Varsovia dirigé par le premier violon, Gordan Nikolitch, fait sensation. Le violoncelle monte sur une estrade, la violoniste reste debout. D’évidence nous montons d’un cran. Les sonorités se développent afin de créer un bien bel équilibre face à l’orchestre.

Liya Petrova avec un jeu plus extraverti offre des sonorités riches et des nuances subtiles. La beauté des sonorités est un enchantement.

Aurélien Pascal qui dans la composition a un rôle plus moteur s’engage avec panache. La beauté des sonorités, la largeur des phrasés et la variété des nuances sont idéales. Ce n’est pas un violoncelle conquérant, au contraire c’est la voix de l’amitié.

Et Alexandre Kantorow de couver les deux autres solistes du regard et d’ajuster les équilibres sonores amoureusement.  Sourires aux lèvres, il semble vivre un grand moment de bonheur. Il faut dire que cet orchestre est celui avec lequel il a fait ses débuts à 16 ans ! Il est ce soir entouré de vrais amis.

Le public exulte et fait un triomphe à tous les musiciens, solistes comme ceux de l’orchestre. Le Sinfonia Varsovia a été d’une précision admirable.  La grande phrase d’entrée si éloquente a donné le frisson a plus d’un, tant le rythme était souple dans une beauté sonore parfaite.

Pour la deuxième partie entièrement consacrée à Schubert, Alexandre Kantorow a choisi de se présenter seul avec la Wanderer-Fantaisie. Il en offre une version brillante et il obtient des sons orchestraux de son piano. Les rythmes peuvent être d’une précision terrible, les couleurs sont d’une beauté renversante et l’énergie est totalement romantique. Alexandre Kantorow se jette dans cette ballade avec audace osant des nuances extrêmes.

Les plans sonores sont brillamment mis en valeur à chaque instant. C’est limpide, exaltant et enthousiasmant. Le chant éperdu entrecoupé des moments très rythmés sont opposés de manière sensationnelle. C’est vraiment un piano élégant et audacieux à la fois.

L’adagio permet à une émotion délicate de diffuser dans un récitatif éloquent et un chant émouvant. Les coulées perlées sont de la magie pure avec Alexandre le bien heureux. On sent combien il aime cette partition et s’en délecte. Le Presto et le Final sont des moments de pur bonheur sous des doigts si inspirés et virtuoses. La fugue est construite avec puissance et rigueur. Les moyens phénoménaux d’Alexandre Kantorow donnent une dimension démiurgique à ce final. Le public exulte, un piano si riche avec une puissance quasi orchestrale c’est beau et rare. Le public fin connaisseur de La Roque le fait savoir avec reconnaissance.

La Truite de Schubert c’est le bonheur sur terre !

Après ce moment d’émotions l’installation des musiciens du Quintette apportent de la diversion. L’altiste et la contrebasse trouvent leur place au sein du trio et la magie de « La Truite » peut se dérouler. Cette œuvre, la plus jubilatoire de Schubert, apporte toujours une joie particulière partagée par les musiciens et le public.

Les amis d’Alexandre ce soir sont partout sur scène et dans le parc. Le pianiste épatant est aux anges et semble particulièrement apprécier les interventions de ses collègues, le violoncelle heureux d’Aurelien Pascal, le violon si beau de Liya Petrova, l’alto moelleux de Violaine Despeyroux , la contrebasse goguenarde de Yann Dubost. 

On ne peut plus parler simplement de complicité entre eux ou d’admiration réciproque, ce sont l’amitié et la joie de faire de la si belle musique ensemble qui s’incarnent sous les yeux du public réellement aux anges. Que de joie partagée sous le ciel provençal et les arbres augustes. Cette magie de la Roque prend une dimension universelle avec de tels musiciens en fête. Bien évidemment le temps passe trop vite alors que le concert a duré près de trois heures !

Photo DR

Le thème de La Truite si jubilatoire est bissé par les artistes, puis c’est la remise des fleurs et afin de ne pas se quitter tout de suite il se passe un moment de pure magie. L’amitié s’invite avec évidence lorsque Liya et Violaine s’asseyent serrées l’une contre l’autre sur un tabouret, qu’Aurélien s’alanguit sur un autre tabouret et que Yann prend le troisième tout proche du piano. Et Alexandre de chercher dans sa tablette une pièce à jouer à la demande de ses amis qui veulent l’écouter !

Photo : DR

Le vrai amitié pour le bis offert par Alexandre Kantorow

Il choisit l’Intermezzo à la mélancolie si douce de la troisième sonate de Brahms. Cela diffuse un grand moment d’émotion que chacun déguste et les musiciens sur scène ne le cachent pas. Oui de vrais amis ont fait de la musique ensemble et pour nous. Le bonheur est total je vous l’assure !

Ce concert enregistré par France Musique sera diffusé ne le ratez pas, il est certain que cet amour passera les ondes ! Et cette musique est si belle !!

Merci à René Martin qui dans une confiance visionnaire a reconnu en Alexandre le Grand qu’il est et de lui donner Carte Blanche qu’il a si bien employée ce soir.

Hubert Stoecklin

Toutes les Photos : Valentine Chauvin La Roque 2023

sauf les deux avant-dernières : DR

Critique. Concert. 43 ième Festival de la Roque d’Anthéron ; Parc du Château de Florans, le 2 Aout 2023.  Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Trio pour piano et cordes n°1 en mi bémol majeur, op.1 n°1 ; Triple concerto pour piano, violon et violoncelle en ut majeur, op.56 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Wanderer-Fantaisie, op. 15 D. 760 ; Quintette pour piano et cordes en la majeur, op.114 D.667 « La Truite » ; Alexandre Kantorow, piano ; Liya Petrova, violon ; Violanie Despeyroux, alto ; Aurélien Pascal, violoncelle ; Yann Dubost, contrebasse ; Sinfonia Varsovia ; Direction, Gordan Nikolich.

Quleques video disponibles sur le net :

Petrova Kantorow C. Franck

Trio Brahms Trio Kantorow Petrova Pascal

La Roque d’ Anthéron 2023 : Fréquentation du public inouïe !

CRITIQUE, Concert, LA ROQUE d’ANTHERON, le 27 juillet 2023, Rameau, Grieg, Tharaud, Beethoven, Alexandre THARAUD, piano. 

Le piano lumineux d’Alexandre Tharaud à La Roque

 Dans ce parc aux arbres centenaires le plaisir est toujours grand de revenir l’été. Notre premier récital de la 43 ième édition ne déroge pas aux attentes. Le plaisir est grand de retrouver Alexandre Tharaud au jeu si élégant et que le monde entier acclame. Dans un programme original et défendu avec panache le pianiste français apparemment très détendu semble beaucoup prendre de plaisir à partager son art avec le public.

En débutant avec des extraits de la suite de danse en La de Rameau, il aborde son récital avec brio. Le jeu droit et très articulé permet à la musique de Rameau de briller de mille feux. C’est joyeux, beau et festif. Puis dans les pièces lyriques de Grieg le jeu se fait plus nuancé et plus sensible, tout en conservant une grande clarté de lignes. L’élégance est constante et tout semble couler avec facilité des doigts virtuoses du pianiste. La dernière pièce « Jour de Noces » retrouve en le développant le caractère festif si présent chez Rameau. La première partie du concert se termine sur des applaudissements nourris.

Après l’entracte l’interprète nous joue quelques pièces de sa composition. Petites pièces écrites au gré de ses voyages qui mettent en scène tout ce que des doigts et des mains virtuoses peuvent faire sur les touches du piano. C’est brillant et plein de surprises.

Pour finir son récital particulièrement généreux Alexandre Tharaud offre sa vision de la dernière sonate de Beethoven. Cette œuvre si particulière est à la fois un testament, un enterrement de la forme et une ouverture vers la musique de l’avenir. Elle peut sonner très différente selon les choix interprétatifs sans que jamais une version définitive ne puisse en dominer la forme et encore moins le fond. Ce soir sur le piano Yamaha choisi par l’interprète le son est particulièrement éclatant. Alexandre Tharaud dès les premiers accords joue large et met en valeur tous les plans avec une lumière presque crue. Ce Beethoven est assez surprenant par la seule utilisation de moyens pianistiques pour l’aborder. Alexandre Tharaud semble éviter toute recherche de sentiments, de recherche philosophique ou même de doutes. Il joue dans des tempi vifs sans s’appesantir sur les silences mettant en évidence toute la puissance, la virtuosité  et la force de la partition. Les moyens du pianiste sont considérables. La force de la partition exulte. D’autres mettent en évidence la recherche, les doutes, les questions posées par Beethoven, notre interprète lui aborde en musicien cette partition inouïe et fonce tout droit. Le jeu limpide, les équilibres exacts entre les plans donnent une grande force constante et inattendue à cette sonate si particulière. Il n’y aura pas de dimension cosmique, de questions métaphysiques mais une puissance créatrice magnifiée par un art du piano peu commun. Le public de la Roque acclame l’interprète validant ainsi ses choix musicaux si originaux.

En bis Alexandre Tharaud retrouve sa joie d’un piano solaire avec une sonate de Scarlatti brillantissime. Puis reprenant un extrait de son dernier enregistrement Cinéma il nous touche avec une interprétation sensible du thème de la Liste de Schindler de John Williams.Alexandre Tharaud est un artiste qui sait nouer avec le public un lien particulier avec son jeu élégant et séduisant. Ce soir il est apparu particulièrement lumineux.

Hubert Stoecklin 

Critique. Concert. La Roque d’Anthéron 43 ième édition. Parc du château de Florans, le 27 juillet 2023. Récital de piano. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Suite en La, ext. ; Edvard Grieg (1843-1907) : Pièces lyriques, ext. ; Alexandre Tharaud (né en 1968) : Corpus volubilis, ext. ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur op.111. Alexandre Tharaud, piano.

Photo : Pierre Morales

Mes trois derniers concerts à La Roque de 2022

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Photo de Valentine Chauvin

Mes trois derniers concerts à La Roque d’ Anthéron pour cette 42 deuxième édition prouvent la variété des propositions. Trois concerts on ne peut plus différents. Le récital plein de charme et un jeu très sensuel du pianiste espagnol Luis Fernando Pérez, bien connu des Toulousains. Marc-André Hamelin qui va venir à Piano Jacobins mérite toute notre attention par un jeu précis et une intelligence sidérante. Cela dit c’est un peu au dépend de l’émotion toutefois.

Et en Concert Final, l’Orchestre de Chambre de Lausanne en majesté et la découverte d’un pianiste au timbre ensorceleur et au jeu chaud et incarné : Jorge GONZALES BUAJASAN. Renaud Capuçon artiste médiatisé à outrance est un partenaire au violon du meilleur niveau mais se révèle un bien piètre chef d’orchestre…

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Récital Luis Fernando PEREZ, piano. BACH. MONPOU. GRANADOS.

Luis Fernando Pérez toute l’élégance du piano hispanique

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Photo Christophe Grémiot 2019

Pour ce concert de 11 h la salle est bien pleine et la rencontre entre le public et le pianiste dès son entrée en scène est très franche. Dans un français délicieux, il explique un léger changement de programme et son besoin de la partition tant la composition de Mompou est complexe. Nous voulons bien le croire mais son jeu est si élégant tout du long qu’aucune difficulté ne semble le limiter. Il est souverain dans cette partition complexe aux harmoniques improbables et aux rythmes déstructurés. La modernité de l’œuvre rend le thème méconnaissable bien souvent, mais le retrouver même devenu grotesque est un jeu intéressant. Puis il se lance dans la Grande Chaconne de Bach revue par Busoni. C’est un grand moment de piano dans lequel virtuosité et beauté se donnent la main. Avec un art très serein Pérez en donne une interprétation précise et d’une grande profondeur. La virtuosité est assumée dans cette élégance suprême qui caractérise le jeu de cet artiste.

Pour terminer son récital Luis Fernando Pérez choisit une œuvre qu’il connaît particulièrement bien et qui met en valeur toutes ses qualités : les Escenas Romanticas de Granados.  Sans rien y mettre de folklorique il en rend toute l’hispanité avec une évidence de chaque instant. Ce piano est fluide, nuancé et chaloupé. Les couleurs sont innombrables et toujours l’attention est stimulée par la variété du jeu. La douceur de certains phrasés est une délectation et les rythmes bien charpentés sont tonifiants. La douce mélancolie de certains moments, la douleur d’autres et la gaité parfois, tout se suit comme dans la vie. Le naturel avec lequel ce musicien interprète ces pièces nous fait penser qu’il les connaît comme si c’était lui qui les avait composées. L’appropriation est d’une évidence sidérante. Il est chez lui dans cette musique et nous invite avec la noblesse et la simplicité d’un grand seigneur.

Le succès est grand et le public plébiscite un artiste qu’il apprécie toujours énormément. Avec beaucoup de gentillesse il nous offre un bis, qu’il a choisi pour La Roque : Mamboco, une Danse précolombienne. Cet air populaire prend sous ses doigts une grande élégance et devient une musique délicieuse. Le musicien quitte son public bien aimé dans un large sourire. Le bonheur était partout dans la salle et chez l’artiste. Très beau concert à 11 h avec un artiste très attachant.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Auditorium Centre Marcel Pagnol. Récital de Luis Fernando PEREZ, piano. Jean-Sébastien BACH (1685-1750) / F. BUSONI (1686-1924) : Chaconne de la partita pour violon n°2 BWV 1004 ; Federico MONPOU (1893-1987) : Variations sur un thème de Chopin ; Enrique Granados (1867-1916) : Escenas Romanticas. Crédit photo : Christophe  Gremiot 2019.

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Récital de Marc-André HAMELIN, piano. BACH. HAMELIN. BEETHOVEN. 

Le pianiste canadien sensationnel à connaître!

Marc André Hamelin 14 © Valentine Chauvin 2022
Photo : valentine-chauvin-2022

Venu du Canada Marc-André Hamelin fait l’actualité au disque avec un enregistrement mémorable de Sonates de Carl-Philipe Emmanuel Bach, encensé par la critique.  La sonate Württembourgeoise qui ouvre son récital est une œuvre magnifique originale et qui fait un beau portrait de ce fils Bach si doué. Une certaine modernité, un chant éperdu dans l’andante et une virtuosité assumée. Marc-André Hamelin est parfait. Style impeccable, son généreux et legato supérieur. Il semble très à l’ais avec ce compositeur dont il rend les beautés très désirables.

Puis Le compositeur-interprète se révèle. Avec beaucoup de délicatesse il nous offre sa dernière œuvre, une suite de danse à l’ancienne qui semble sœur de Ravel et Debussy lorsqu’ils se livrent à des hommages au style ancien. La fraicheur de l’invention et la virtuosité sont très intéressantes. Ce jeu impeccable, ces nuances subtiles et ces couleurs variées sont des qualités très remarquable. Hamelin interprète rend très vivante la composition de Hamelin compositeur. Il renoue avec tous ces virtuoses-compositeurs avec talent.

Pour finir son récital le pianiste Canadien se lance dans une interprétation très originale de la sonate « Hammerklavier » de Beethoven que je n’ai jamais entendu sonner ainsi. C’est comme si Hamelin la jouait en compositeur qui en apprécie toute la construction. Il nous la rend limpide, joue droit et certains tempi sont très rapides. Cette virtuosité impeccable a quelque chose d’un peu froid, il n’y a rien d’expressif dans ce jeu, rien de romantique. Tout est mis en perspective absolument tout. Il n’y a jamais d’ombres, tout est lumineux. Cette lecture analytique et parfaite déroute, elle fait redécouvrir l’œuvre.

L’effet sur le public est électrisant. Ce n’est pas tous les jours qu’un tel chef d’œuvre nous est révélé autrement.

Le succès considérable de l’artiste réchauffe l’ambiance et il offre trois bis à son public conquis.

Sa lecture d’Images, Reflets dans l’eau de Debussy est tout aussi iconoclaste, révélant la modernité de l’œuvre plus que sa poésie. Cet artiste a une énorme culture pianistique entre Europe et Amériques. Il propose deux œuvres très rares de William Bolcom, compositeur américain avec  deux Rag plein de vie.

Marc-Antoine Hamelin est un artiste original et attachant que la Roque nous a fait découvrir ce soir, un grand merci !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Récital de Marc-André HAMELIN, piano. Carl Philippe Emmanuel BACH (1714-1788) : Sonate Württembourgeoise en la bémol majeur Wq 49/2 ; Marc-André HAMELIN (né en 1961) : Suite à l’ancienne ; Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827) : Sonate pour piano n°29 « Hammerklavier » Op.106.

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 20 août 2022. Concert. Jorge GONZALES BUAJASAN, piano. Orchestre de Chambre de Lausanne. Renaud CAPUCON. MENDELSSOHN.

Concert de clôture festif pour la 42ième édition du Festival de La Roque d’Anthéron.

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©VALENTINE CHAUVIN 2022

Il y a deux jours nous avons pu voir le chef charismatique qui avait eu en charge l’Orchestre de Chambre de Lausanne de 2000 à 2013. Christian Zacharias a laissé une forte empreinte à ce bel orchestre. Ce soir l’orchestre est dirigé par un chef récemment installé à sa tête : Renaud Capuçon qui s’improvise ainsi chef d’orchestre. Il ne nous a pas convaincus un instant. Il n’a aucune qualité pour cela et semble même perdu lorsqu’il joue et doit reprendre la direction de l’orchestre. C’est étrange comme ce violoniste de talent peut se fourvoyer ainsi. Cela n’a pas eu de conséquences car l’orchestre sait jouer seul avec des regards constants entre les quatre chefs de pupitres du quatuor à cordes. Ce programme tout Mendelssohn rend hommage à ce très grand compositeur bien trop négligé. Le concerto pour piano et violon est très bien écrit proposant des moments originaux entre le passage d’une forme sonate à des moments d’orchestre avec instruments obligés. C’est très souple, la virtuosité est musicalement agréable et les mouvements s’enchaînent avec facilité. Le jeu de pianiste cubain Jorge Gonzales Buajasan est très intéressant. Une belle pâte avec une noblesse de ton et une souplesse admirable. Les couleurs sont belles, les nuances subtiles et les doigts du musicien sont très agiles. Voilà un pianiste aux qualités remarquables, nous le retrouverons avec plaisir.

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©VALENTINE CHAUVIN 2022

Renaud Capuçon est un violoniste impeccable qui est un partenaire sûr et dont le jeu est à la hauteur des exigences de la partition. Il s’agit d’un bien beau concerto qui aurait sa place plus régulièrement dans la programmation des salles de concerts. Pour la deuxième partie la joyeuse symphonie Ecossaise de Mendelssohn est une bonne idée pour finir en beauté un festival heureux qui après deux années terribles a retrouvé son large public. Oui c’était la fête à La Roque car le pari de René Martin est gagné ; sa détermination et son organisation parfaite ont ravi le public venu très nombreux et également ce soir pour fêter la Musique.  Cette symphonie avec les belles couleurs de l’Orchestre de Chambre de Lausanne est un enchantement. Précision, nuances et élégants phrasés, rien ne manque à l’orchestre. Heureusement Renaud Capuçon les a laissé jouer, se contentant de gestes généraux sans rien leur demander en particulier. Ils avaient tout le plaisir du monde à jouer et ne s’en sont pas privé. Nous avons entendu une symphonie magnifiquement sonore avec un final enthousiasmant. Rarement à la Roque d’Anthéron les derniers sons n’auront pas été ceux d’un piano solo ; ce soir ce sont les cors qui resteront en mémoire comme une joyeuse expression de liberté. Vive la Musique et la liberté ! Le public enthousiaste a obtenu le bis du deuxième mouvement de la symphonie. Pour ma part je serai bien resté avec le son si joyeux des cors dans le final de la symphonie comme un hymne.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 20 aout 2022. Auditorium du Parc. Concert Jorge GONZALES BUAJASAN, piano. Renaud CAPUCON, violon et direction. Orchestre de Chambre de Lausanne. Félix MENDELSSOHN (1809-1847) : Concerto pour piano, violon et cordes en ré majeur ; Symphonie N°3 en la mineur Op.56 « Ecossaise ». Photo : © Valentine Chauvin.

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Ces trois critiques ont été rédigées pour CLASSIQUENEWS.COM

Christian ZACHARIAS l’Homme Musique !

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 18 août 2022. Récital Christian ZACHARIAS, piano et direction. Orchestre National d’Auvergne. MOZART. HAYDN.

Christian ZACHARIAS l’Homme Musique !

Enfin nous l’avons eu l’orchestre digne de la délicatesse de Mozart et de Haydn. Après beaucoup de difficultés avec le Sinfonia Varsovia dirigé par Aziz Shokhakimov (concerts des 5, 8 et surtout 11 août) cela a fait l’effet d’un véritable réconfort pour une bonne partie du public. Dès les toutes premières mesures de la délicieuse symphonie n°43 de HAYDN la grâce a inondé le parc du Château. La nuit n’avait pas le caractère apaisant des autres soirs mais un coté magique plus inquiétant avec un orage tout proche. Christian Zacharias n’est pas un simple chef d’orchestre, c’est un fabricant de Musique. Sa gestuelle est des plus personnelles, il n’y a pas de battue métronomique, il n’utilise pas de baguettes, mais au contraire des gestes gracieux construisant dans l’espace la musique à naître que le son des instrumentistes concrétise concomitamment. Cette magie est fascinante et apporte une sérénité inouïe. L’Orchestre National d’Auvergne se révèle être d’une précision horlogère, d’une pureté de sonorité rarissime et d’une souplesse admirable. Haydn est un artisan de l’orchestre des plus soigneux et sait profiter de chaque instrument. Deux hautbois, deux cors et un basson en plus des cordes pour ce soir. Christian Zacharias sait mettre en lumière chaque niveau d’écriture, chaque phrasé, chaque nuance avec un art de chaque instant. Tout est magnifique, avance et raconte quelque chose de la beauté du monde. Le final de cette symphonie, qui lui a donné son nom (Mercure), fuse et explose de joie. Un monde de joie et de beauté nous a été offert par ces artistes magnifiques.

Christian Zacharias, Orchestre National D Auvergne 7 © Valentine Chauvin 2022

Le temps d’installer le piano et voici Christian Zacharias dos au public pour diriger l’orchestre et jouer. Ce concerto « Jeune homme » de MOZART est une merveille en tout point. L’interprétation de ce soir est à marquer d’une pierre blanche tant la perfection est partout. Orchestre de vif argent, de douceur et de pureté toujours impeccable en tout et le piano si inventif et juste de Christian Zacharias. Il met tout son art du toucher en forme et toute son inventivité dans de nombreuses cadences et abellimenti comme un chanteur d’opéra.

Christian Zacharias, Orchestre National D Auvergne 21 © Valentine Chauvin 2022

C’est absolument divin. Un moment le danger de l’orage s’est matérialisé et a interrompu pour un court instant la fête du final du concerto. En étant de dos, ne voyant pas exactement ce qui se passait (des trombes d’eau sur le public) et entendant un bruit grandissant Christian Zacharias avec sa sensibilité en effervescence a dû s’arrêter n’arrivant plus à se concentrer sur son piano, le jeu de l’orchestre et la conduite à bon port de ses cadences. Après un court instant, sur les conseils en coulisse de Richard Martin, il a repris et tout s’est terminé dans une allégresse totale. Nous étions mouillés mais pas trempés car protégés par les capes distribuées en début de concert.  Ah que ce festival est bien organisé, comme les bénévoles savent être attentifs et prévenants !

Christian Zacharias, Orchestre National D Auvergne 17 © Valentine Chauvin 2022

Chacun rassuré sur le passage de l’orage, le concert a pu reprendre avec la symphonie des adieux qui commence sur une énergie si noble et digne. Un Orchestre qui sonne n’a pas besoin du nombre car l’allure obtenue par Christian Zacharias est magnifique de carrure et de noblesse. Les plans s’articulent avec naturel, les nuance sont somptueuses, les attaques hyper précises, et les chants éperdus. Cet orchestre est absolument magnifique. Que ne l’avons eu plus tôt ! Son travail avec Christian Zacharias ne date que d’une année mais on devine un partage de musique au sommet. En discutant avec des instrumentistes après le concert ils sont unanimes Zacharias est un musicien d’exception et tout à fait enthousiasmant. Quand on sait que d’abord il a eu une carrière de pianiste si riche avec des enregistrements de références dans Schubert en particulier (ses sonates !) et que sa carrière de chef est déjà si riche il est bien plus qu’un pianiste et un chef. A 72 ans il a une vivacité, un allant, une souplesse de tout jeune homme. Longue vie à cet artiste entièrement fait de musique qui sait si bien la partager. Nous le retrouverons en soliste musicien à Toulouse à Piano Jacobins et justement dans Schubert…

Le concert se termine dans l’allégresse avec deux bis. D’abord Zacharias au piano dans un délicieux Rondo en ré majeur de Mozart, frais et irradiant. Puis avec l’orchestre un extrait de la Petite Musique de Nuit de Mozart. Une élégance totale, une précision enthousiasmante et une jubilation souveraine. Un véritable enchantement avec une œuvre archi connue qui sous les doigts de ses musiciens de grand talent et ainsi dirigée revit plus belle que jamais.

Ce concert restera exceptionnel a plus d’un titre pour la beauté de l’orchestre, la richesse de l’interaction chef, pianiste, l’orchestre si sublime et cet orage spectaculaire et si peu grave, protégé que nous étions par les prévenances des bénévoles de l’association. La vie est belle à La Roque d’Anthéron !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 18 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Concert.  Joseph HAYDN (1732-1809) : Symphonie n°43 en mi bémol majeur « Mercure », Symphonie n°45 en fa dièse mineur « Les adieux » ; Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Concerto pour piano n°9 en mi bémol majeur K.271 « Jeunehomme » ; Orchestre national d’Auvergne ; Christian Zacharias, piano et direction. Photos Valentine Chauvin.

Critique rédigée pour Classiquenews.com

Somptueux hommage à Radu Lupu par Nelson Goerner

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 13 août 2022. Récital Nelson GOERNER, piano. CHOPIN.SCHUMANN.

Nelson Goerner le plus grand pianiste-musicien ?

Oui certainement ce soir à La Roque d’Anthéron !

Le programme d’une grande cohérence fait se suivre 4 Ballades de Chopin puis les Études Symphoniques de Schumann. Programme athlétique s’il en est !  Sinon jumeaux de 1810 du moins amis partageant une admiration réciproque, Chopin et Schumann, ont chacun été des compositeurs inoubliables pour le piano. Chopin avec son côté exclusif a écrit des pages parmi les plus géniales pour le piano. Schumann a su ouvrir à d’autres instruments sa muse mais au début de sa vie il s’est tout entier abandonné au piano. Sa folie de l’excès l’a conduit à s’imposer une attelle en cuir et métal en voulant des doigts trop obéissants pour la virtuosité, il en a résulté une blessure digitale définitive qui lui a interdit la carrière de pianiste.

Le piano des Ballades et des Études Symphoniques se ressemblent par une forme d’absolu que partagent leurs compositeurs.

Nelson Goerner 2 © Valentine Chauvin 2022

Les quatre Ballades sont des pièces autonomes, libres et superbement construites dans leurs allures insaisissables. En débutant par celle en sol mineur Nelson Goerner savait que les deux musiciens admiraient cette œuvre, Chopin aurait dit à Schumann que c’était sa composition préférée. Nelson Goerner s’y engage avec toute son âme en faisant presque son propre portrait pianistique : largeur de ton, ampleur des sonorités, couleurs irisées, nuances infinies. Ce piano vit toutes les émotions et la technique sublime se met au service de cette musique sublime. C’est immense ! Quelle puissance digitale !

Nelson Goerner 9 © Valentine Chauvin 2022

Les trois autres Ballades soulignent tel ou tel aspect, développent des directions diverses mais tout était déjà évoqué dans la première ballade. Leur enchainement nous fait vivre un moment qui nous fait perdre le souffle tant la beauté de ce piano nous envoûte et la subtilité du musicien nous fait fondre. Comment ce diable de Nelson, que pourtant je connais bien, arrive-t-il ce soir à gravir encore plus haut l’échelle vers la perfection ? Est-il galvanisé par l’hommage qu’il veut rendre à son ami Radu Lupu ? C’est probable.

Après une courte pause Nelson Goerner va en véritable athlète nous faire entendre les Études Symphoniques de Schumann dans leur intégralité et dans un même geste interprétatif. La musique sublime de Schumann rencontre en Nelson Goerner un interprète idéal. Il a tout, la vaillance et l’héroïsme, la force des forte semblant dévastatrice et la délicatesse des piani est à la limite de l’audible, toujours avec une incroyable richesse en harmoniques. Les couleurs qu’il trouve sur tout l’ambitus du clavier sont ahurissantes. Tant de richesse, tant de puissance et avec cette simplicité, cette évidence… Nelson Goerner a des moyens phénoménaux tant pianistiques que musicaux, il nous offre un programme idéal de beauté interprété dans une dimension apollinienne. Après son concert Nelson Goerner a pu dire quelques mots sur l’hommage qu’il a souhaité rendre à son ami et ce génie du piano. Il a semblé être soulagé, souriant, heureux. Ce bonheur il l’a partagé avec un public enthousiaste applaudissant sans fin qui a obtenu quatre bis inénarrables. Humour, vélocité, sensibilité, puissance, il a tout osé. Jugez : Intermezzo en la majeur de Brahms comme Radu Lupu (à pleurer de tendresse), l’étude le torrent de Chopin (dans un tempo d’enfer), L’andante de la sonate en la majeur de Schubert (dans un toucher exquis) et pour achever la soirée sur un exploit plus fou encore, La Rhapsodie Hongroise N°6 de Liszt dans laquelle semblent se trouver toutes les difficultés inimaginables. Nelson Goerner atteint une plénitude de moyens artistiques qui en font ce soir un Apollon du piano venu apporter par la beauté une consolation aux auditeurs du Parc Florans. Merci !

Hubert Stoecklin

Nelson Goerner 18 © Valentine Chauvin 2022

 CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 13 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Récital de piano de Nelson Goerner en hommage à Radu Lupu. Frédéric CHOPIN (1810-1849) : Ballades n°1 en sol mineur Op.23, n°2 en fa majeur Op.38, n°3 en la bémol majeur Op.47, n°4 en fa mineur Op.52 ; Robert Schumann (1810-1856) : Études Symphoniques Op.13.

Critique rédigée pour Classiquenews.com

Marie-Ange Gnuci artiste rare

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON 42ième édition , le 12 août 2022.

Récital Marie-Ange NGUCI, piano.

RACHMANINOV, SCRIABINE, PROKOFIEV.

Depuis 2020 le Festival International de La Roque d’Anthéron a expérimenté des concerts le matin à 11h. Le soleil se levant sur le grand amphithéâtre ne permettait pas au public venu en nombre d’être à son aise. Et en cet été de canicule cela aurait été tout à fait impossible. L’auditorium Marcel Pagnol dans les hauteurs de La Roque, à la place de l’ancienne piscine (regrets ?), est un lieu idéal. Frais et confortable le public était nombreux pour le récital de la pianiste albano-française Marie-Ange Nguci (prononcer Gucci). Cette toute jeune femme hyper douée et très diplômée fera parler d’elle, c’est certain. Nous l’avions découverte bouleversée et bouleversante, il y a quelques jours, lors de la soirée d’hommage à Nicholas Angelich / soirée spéciale “Les amis de Nicholas”, 10 août 2022.

Magnifique récital de Marie-Ange NGUCI

marie-ange-nguci-piano-la-roque-aout-concert-2022-critique-classiquenews

Admise dans sa classe à 13 ans, elle a bénéficié de son enseignement une année. Visiblement elle en a beaucoup appris. Comme lui, elle fait avant tout de la musique en se servant de son instrument, le piano, cherchant toute la musique cachée jusque dans la virtuosité la plus folle. Comme lui elle a un toucher capable de légèreté elfique. Son récital d’œuvres rares et belles est somptueux. Avec une maîtrise technique absolue, elle interprète chaque pièce avec une délicatesse inouïe, cherchant tout de la construction de l’œuvre afin de la rendre limpide.

Marie Ange Nguci, Hommage À Nicholas Angelich 3 © Valentine Chauvin


Car si les Variations d’après Chopin de Rachmaninov gardent du thème choisi une certaine séduction, on ne peut pas dire que la Sonate de Scriabine ou celle de Prokofiev sont des œuvres faciles pour le public. Rachmaninov sonne avec des couleurs qui peuvent être éclatantes mais surtout les clairs-obscurs sont délicieusement mis en valeur. Quelles beautés dans la variété de la palette sonore de son piano !
La 5ème sonate de Scriabine est redoutablement complexe. Marie-Ange Nguci nous la rend limpide. Elle sait en tirer toute la musique cachée sous les méandres de tonalités fugaces, les rythmes variés. Quel staccato, quel toucher délicat, quelle puissance. La richesse de son toucher est vertigineuse.

Marie Ange Nguci, Hommage À Nicholas Angelich 8 © Valentine Chauvin


Dans la Sonate n°6 de Prokofiev, la pianiste rajoute la noirceur, la méchanceté et la cruauté de la guerre comme le sarcasme propre à la musique de Prokofiev. Mais là également la musique règne et jusqu’à la toute dernière goutte, la musique de ces pages vertigineuses est débusquée par cette interprète incroyablement perspicace.
Marie- Ange Nguci a 24 ans. Elle est une musicienne accomplie, son jeu est d’une richesse incroyable. Nous la suivrons et vous entendrez parler d’elle, c’est certain, Marie-Ange Nguci voici un nom à retenir !

Critique rédigée pour Classiquenews.com

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHÉRON, le 12 août 2022. Auditorium Centre Marcel Pagnol. Récital Marie-Ange NGUCI, piano. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Variations sur un thème de Chopin Op.22 ; Alexandre Scriabine (1872-1915) : Sonate n° 5 en fa dièse majeur Op.53 ; Serge Prokofiev (1891-1953) : Sonate n°6 en la majeur Op.82.  Photo : © Valentine Chauvin

Le concerto de Clara Schumann redécouvert grâce à David Kadouch

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 11 août 2022. Concert David KADOUCH. Tanguy de WILLIENCOURT, piano. SINFONIA VARSOVIA. Azis SHOKHAKIMOV. SCHUMAAN. WIECK-SCHUMANN.

Le Premier Concerto de Clara enfin révélé : il est magnifique !

L’an dernier ici même David Kadouch nous avait fait découvrir son travail original autour d’Emma Bovary et des compositrices romantiques empêchées de s’exprimer pleinement pour des raisons socio-familiales, mais ayant composé de magnifiques œuvres. Son dernier CD est d’ailleurs en vente depuis peu reprenant  ce programme avec des compositions de Fanny Mendelssohn et de Clara Schumann en particulier. Il est tout naturel qu’il vienne défendre le premier concerto de Clara Wieck-Schumann. L’œuvre est magnifique. Pas juste intéressante, mais magnifique. D’une patte originale mais peut-être plus proche de Chopin que de Schumann, si je peux me permettre cette idée un peu réductrice. Les mouvements sont enchaînés.  Son premier mouvement a de l’allure et permet un dialogue franc entre le piano et l’orchestre avec des moments de très grande virtuosité. Le deuxième mouvement débute sans se faire remarquer comme l’émanation d’une immense cadence, l’effet est très original. Ce mouvement est plein de délicates volutes, de demi teintes et de couleurs diaphanes et offre un magnifique duo avec le violoncelle. Le final joyeux a des allures de polonaise. Le charme indéniable de cette œuvre mérite de renter au répertoire des salles de concerts. La virtuosité est toujours musicale et les effets de doigts ou de manches ne sont pas là pour satisfaire les pianistes narcissiques. Venant d’une grande virtuose comme l’était Clara Wieck la suprématie de la musique sur la technique enchante.  Le seul regret est que ce concerto ne dure pas 20 minutes, mais est-ce si important ?  Le jeu de David Kadouch est un enchantement. Le toucher est exquis, les nuances subtiles et les couleurs irisées. Son jeu mieux que virtuose est lumineux, plein d’élégance et semble facile. La gourmandise des phrasés rend vraiment justice à l’œuvre de Clara Wieck-Schumann. L’orchestre est un peu abrupt parfois mais le chef semble prendre plaisir à cette œuvre jusque-là inconnue. Les instrumentistes sont très engagés surtout le violoncelle solo qui se révèle admirable : le dialogue amoureux entre le piano et le violoncelle est très émouvant. C’est vraiment la découverte et la parfaite interprétation du concerto de Clara qui fait tout le prix de ce concert.

David Kadouch, Tanguy De Williencourt Avec L Orchestre Sinfonia Varsovia Sous La Direction D Aziz Shokhakimov 20 © Valentine Chauvin
David Kadouch sous le charme de la musique de Clara

Car l’orchestre avait débuté en « massacrant » l’ouverture Op. 42 de Robert Schumann.  Est-ce dû à un manque de cohésion ou à la fatigue, ce que laissent supposer les quelques soucis de justesse.

David Kadouch, Tanguy De Williencourt Avec L Orchestre Sinfonia Varsovia Sous La Direction D Aziz Shokhakimov 16 © Valentine Chauvin
Tanguy De Williencourt et Aziz Shokhakimov tonitruants

Je n’ai pas envie de détailler non plus le concerto de Robert Schumann joué par Tanguy de Williencourt. Le choix d’un piano brillant et le jeu « tutta forza » du jeune homme, soutenu par le chef comme pour réveiller son orchestre, ne sont pas de nature à mettre en valeur les subtiles humeurs du concerto de Robert Schumann, ses nuances, ses moments chambristes, ses couleurs… Son concerto ce soir a sonné comme n’importe quel concerto brillant, sous des doigts virtuoses…  No comment !

Ah comme Clara et David Kadouch en fin de concert ont su nous transporter !

Les bis de David Kadouch également avec une mélodie magnifique de Fanny Mendelssohn puis en partageant son succès, un duo à quatre mains de Dvorak, offrant à Tanguy de Williencourt l’occasion de faire un peu de musique ce soir.

David Kadouch, Tanguy De Williencourt Avec L Orchestre Sinfonia Varsovia Sous La Direction D Aziz Shokhakimov 34 © Valentine Chauvin
Tanguy de Williencourt et David Kadouch

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 11 août 2022. Auditorium du Parc. Concert. David KADOUCH et Tanguy de WILLIENCOURT, piano. Sinfonia Varsovia. Direction : Azis SHOKHAKIMOV. Robert Schumann (1810-1856) : Ouverture, scherzo et finale Op.42 ; Concerto pour piano et orchestre en la mineur Op.54 ; Clara Wieck-Schumann (1819-1896) : Concerto pour piano et orchestre n°1 en la mineur Op.7 ; Photo : © Valentine Chauvin

Critique rédigée pour classiquenews.com

Très émouvant hommage à NICHOLAS ANGELICH

CHRONIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 10 août 2022. Récital en hommage à NICHOLAS ANGELICH. Gabriele CARCANO. Violaine DEVEBER. Jean-Baptiste FONLUPT. François-Frédéric GUY. Etsuko HIROSE. Marie-Ange NGNUCI. Bruno RIGUTTO.

Le concert des amis de Nicholas      

                            

Soirée très particulière marquée par une émotion forte autant sur scène que dans le public. En tant que témoin critique j’ai fait partie des plus émus. Je ne souhaite donc par rédiger une critique habituelle. Ce soir ce terme est tout à fait inconvenant. Je veux simplement témoigner de ce qui s’est passé sur scène ce soir. Nicholas Angelich est mort le 18 avril 2022 à 51 ans. L’âge de la plénitude artistique où l’équilibre entre force de virtuosité et délicatesse d’interprétation s’épousent pour ne cesser de s’épanouir. Le dernier concert auquel je l’ai entendu m’avait marqué par une sorte de transe dans laquelle je le voyais nous offrir la musique de Beethoven comme jamais il ne l’avait fait auparavant. Même ses collègues l’avaient félicité pour ce qu’il avait fait d’inouï dans la dernière sonate de Beethoven lors du marathon de l’année 2020 à La Roque. Donc ce concert hommage a eu lieu pour beaucoup là-même où ils avaient entendu Nicholas pour la dernière fois !  Car le grand artiste avait été très rare sur scène ensuite. Il a fallu beaucoup du courage à la jeune Violaine Debever pour débuter ce concert dans cette ambiance si particulière. Scarlatti était un choix idéal. Sans enjeux affectif sa musique pure a permis de débuter ce qui allait être une aventure périlleuse pour les artistes.

Violaine Debever, Hommage À Nicholas Angelich 4 © Valentine Chauvin
Violaine Debever

N’oublions pas que ce qui les lie est cette recherche constante d’équilibre entre perfection instrumentale et émotion partagée. Ce soir les attitudes et les mimiques, le jeu même, étaient souvent significatifs de cet équilibre sur le point de se perdre mais jamais lâché. Quel courage et quelle maîtrise sont les leurs ! La deuxième musicienne courageuse a été Etsuko Hirose. Cheveux cachant son visage au début, elle s’est lancée crânement dans un Brahms au romantisme éperdu. Puis c’est le jeune Gabriele Carcano qui avec un legato suprême chantait Schubert revu par Liszt. La plus vulnérable a certainement été Marie-Ange Nguci qui a joué du Rachmaninov magnifiquement, comme sur un fil, c’était tout à fait bouleversant. Chaque artiste a lutté à sa manière pour accepter cette émotion sans la laisser diriger leur jeu. Ainsi ce qui était particulièrement touchant sont les œuvres interprétées à plusieurs claviers à 2, 3 ou 4 sur un ou deux pianos. Même les plus aguerris comme Bruno Rigutto et François-Frédéric Guy ont d’abord joué à deux pianos. Ainsi Bruno Rigutto a-t-il débuté avec Jean-Baptiste Fontlup dans deux Rachmaninov sensibles et pudiques.

Bruno Rigutto, Jean Baptiste Fonlupt, Hommage À Nicholas Angelich 2 © Valentine Chauvin
Bruno Rigutto, Jean Baptiste Fonlup

Bruno Rigutto nous a ensuite émus avec un Nocturne de Chopin en ut mineur avec cette alternance de tension puis de relâchement dont il a le secret. François-Frédéric Guy lui n’a joué qu’en deuxième partie. D’abord avec Marie-Ange Nguci dans un soutien mutuel visible et touchant.

Il faut dire qu’il a eu la merveilleuse idée ensuite de jouer le deuxième mouvement de la sonate Op.111 de Beethoven : celle-là même que Nicholas Angelich avait jouée pour son dernier concert à La Roque ! Très certainement cela aura été très coûteux pour lui et très bouleversant pour nous de l’entndre jouer les même dernières notes que Nicolas Angelich ici même en l’été 2020. Jean-Baptiste Fontlup a proposé « La vallée d’Obermann » de Liszt dans des sonorités riches, des lignes puissamment charpentées et une belle virtuosité. Chacun a donné ce qu’il pouvait faire de mieux en solo en un soir pareil, mais ce sont les ensembles qui ont vraiment montré cette fraternité musicale qui les unit, qui les renforce y compris dans la danse macabre de Saint-Saëns à 4 sur deux pianos !

Gabriele Carcano, Etsuko Hirose, Hommage À Nicholas Angelich © Valentine Chauvin
Gabriele Carcano, Etsuko Hirose

Et quel final ce Rachmaninov à six mains ! Les yeux au ciel, la main tendue vers le ciel en cette nuit de lune, tous saluent à leur manière l’âme musicale de Nicholas, musicien si délicat, prince si aimé et parti trop tôt, avant de devenir roi alors qu’il en avait tous les moyens.  Un bouquet de fleur en fond de scène représentait cette âme musicale de Nicholas Angelich aujourd’hui devenue ange.

Hommage À Nicholas Angelich 1 © Valentine Chauvin

Un lien pour voir et entendre Nicholas Angelich parler de La Roque d’Anthéron

Hommage À Nicholas Angelich 2 © Valentine Chauvin

Hubert Stoecklin

CHRONIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 10 août 2022. Auditorium du Parc. Récital en hommage à Nicholas Angelich. Jean-Baptiste FONLUPT ; Marie-Ange NGNUCI ; François-Frédéric GUY ; Etsuko HIROSE ; Bruno RIGUTTO ; Gabriele CARCANO ; Violaine DEVEBER, piano. Domenico Scarlatti (1685-1757) : Sonate en ré mineur K. 213; Jean-Sébastien Bach (1685-1750) : Concerto pour deux pianos en ut majeur BWV1061, 2ème mouvement; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur opus 111, 2ème mouvement ; Frantz Schubert (1797-1828) : Der Müller und der Bach” extrait de La Belle meunière D. 795, “ Gretchen am Spinnrade”  D. 118; Frédéric Chopin (1810-1849) : Nocturne en ut mineur opus 48 n°1 ; Frantz Liszt (1811-1886) : Vallée d’Obermann, extrait des Années de pèlerinage ;  Johannes Brahms( 1833-1897) : Thème et variations en ré mineur d’après le Sextuor à cordes opus 18, Sonate pour deux pianos en fa mineur opus 34b, 1er mouvement; Camille Saint-Saëns (1835-1921) : Danse macabre ; Serge Rachmaninov (1873-1943) : Variations sur un thème de Chopin opus 22, Suite n°1 pour deux pianos opus 5 “Fantaisie-tableaux”, 1er et 2ème 3ème et 4ème mvts, Romance en la majeur pour piano à six mains ; Maurice Ravel (1875-1937) : Ma Mère l’Oye.  Photo : © Valentine Chauvin

Et ici Nicholas Angelich nous console

MOZART est chez lui à La Roque !

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 8 aout 2022. Concert Anne Queffélec, piano. SINFONIA VARSOVIA. Aziz SCHOKHAKIMOV. MOZART. DVORAC.

Concert enthousiasmant coté piano comme orchestre

Anne Queffélec fidèle parmi les fidèles revient à La Roque avec Mozart pour un concert donné à guichet fermé. Son Mozart est si merveilleusement évident que le charme a complètement envoûté le public. Le concerto offert ce soir est le 27ième, le dernier composé par Mozart et semble-t-il celui qui lui permît sa dernière apparition publique. Il est porteur d’une certaine gravité et d’un côté sérieux, moins séduisant que d’autres. Pourtant on y trouve de très belles mélodies et un tricotage, orchestre-piano serré. Anne Queffélec a toutes les qualités de probité et de modestie pour donner sa noblesse et ses couleurs à ce concerto. Ses mouvements de tête lorsque l’orchestre joue seul, montrent bien comment elle est habitée par cette belle musique et fait corps avec toute la partition. Jeu perlé, équilibre exact entre les plans, tout est merveilleux et la musique coule sans entrave. L’orchestre est un partenaire attentif et prudent. Les instruments solistes dialoguent amoureusement avec la pianiste. Le chef, Aziz Shokhakimov sait garder le bon équilibre tout du long. Que dire de plus ?  C’est le bonheur parfait : Mozart en plein air sous les frondaisons, même les cigales se sont tues.

M Tassou, A Queffélec, Sinfonia Varsovia, A Shokhakimov 13 © Valentine Chauvin

En début de programme la soprano Marion Tassou s’était  lancée dans le magnifique air de concert « ch’io mi scordi di te » dans lequel Mozart s’est écrit une partie de piano obligé comme une déclaration d’amour. Ce soir c’est cette déclaration, magnifiquement phrasée par Anne Queffélec qui nous enchante. La voix peu séduisante de la soprano ne peut vraiment s’imposer.

La deuxième partie de programme sera comme une toile à l’huile après un pastel subtil. La symphonie du nouveau monde de Dvorac est une partition brillante qui permet à tout orchestre de montrer ses qualités et au chef de s’exprimer. Le bonheur y est partout même dans le deuxième mouvement où la délicate cantilène du cor anglais se pare de mélancolie un temps avant que les autres bois n’éclairent l’horizon. Le Sinfonia Varsovia montre toutes les qualités de ses solistes et surtout sa capacité à suivre l’énergie bouillonnante demandée par le chef. Aziz Shokhakimov avec une gestuelle singulière et expressive semble habité par cette musique des grands espaces qui sous sa direction exulte de joie. Les tutti des cuivres sont puissants, les cordes se galvanisent pour phraser large, les bois sont expressifs et les cors apportent une belle couleur. Les violoncelles et surtout son soliste phrasent admirablement leurs moments lyriques avec de belles couleurs ombrées. Tous les musiciens participent très activement à cette fête même le plus modeste triangle !

M Tassou, A Queffélec, Sinfonia Varsovia, A Shokhakimov 19 © Valentine Chauvin

Cet orchestre en résidence qui joue presque chaque soir est comme galvanisé et déchargé de toute fatigue accumulée. Car la chaleur en journée est épuisante pour chacun et les soirs sous les projecteurs sont également porteur de fatigue inévitable. Le bonheur à voir saluer Aziz et son orchestre et l’exaltation du public ont balayé tout cela. Le vrai bonheur c’est le partage de la musique dans cette belle nuit provençale.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 8 aout 2022. Auditorium du Parc. Concert Anne QUEFFELEC, piano. Marion TASSOU, soprano. SINFONIA VARSOVIA. Direction, Aziz SHOKHAKIMOV. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791 : Air de concert, «Ch’io mi scordi di te ? » K.505 ; Concerto pour piano et orchestre, n°27 en si bémol majeur K.595. Anton Dvorak (1841-1904) : Symphonie n°9 en mineur, Op.95 « Du nouveau monde ».

Photo : © Valentine Chauvin.

Alexandre le Grand à La Roque !

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 5 août 2022. Concert Alexandre KANTOROW, piano. SINFONIA VARSOVIA. Aziz SCHOKHAKIMOV. TCHAÏKOVKI. LISZT.

ALEXANDRE KANTOROW SUPER-HEROS A LA ROQUE

Alexandre Kantorow Sinfonia Varsovia 2 © Valentine Chauvin

Jeune, fringant et courageux Alexandre Kantorow a ce soir subjugué le public en interprétant d’affilée sans ciller deux concertos hyper virtuoses. Son partenaire le Sinfonia Varsovia dirigé par Aziz Shokhakimov ne l’a pas ménagé. Dès la première intervention de l’orchestre fortissimo, le ton était donné. Le deuxième concerto de Tchaïkovski n’est pas le plus réussi et ne sonne pas vraiment comme du Tchaïkovski et ce soir moins que jamais. Disons-le clairement le côté « pompier » et tonitruant de cet orchestre n’était pas de nature à déranger un Alexandre Kantorow aux moyens souverains, mais cela a nui à sa recherche constante de musicalité. Ce concerto est celui avec lequel le tout jeune Alexandre a remporté le concours Tchaïkovski. Il en maîtrise absolument toutes les difficultés et arrive à nuancer de fort belle manière dès qu’il en la possibilité. Les échanges avec la flûte solo dans le premier mouvement, les échanges avec le violon et le violoncelle en solo dans le deuxième mouvement sont des oasis de beauté et de délicatesse. Le reste du temps le combat entre l’orchestre et le chef ne laisse aucun vainqueur et peut sembler vain à des oreilles délicates. Les traits de Kantorow peuvent être fulgurants, les battues d’une puissance athlétique et la liberté dans les moments rhapsodiques caractérisent son jeu de super héros qui ne lâche rien.

Alexandre Kantorow Sinfonia Varsovia Direction Aziz Shokhakimov 22 © Valentine Chauvin

Aziz Shokhakimov jeune chef de 34 ans demande toute sa force au Sinfonia Varsovia et l’obtient dans des tutti supersoniques. Nous avions découvert Alexandre Kantorow dans ce concerto à Toulouse dirigé par un chef bien plus convaincant avec un résultat tout différent. Car ce soir hélas l’ensemble sonne au final « assez pompier ». Après une infime pause Alexandre Kantorow avec un panache souverain s’engage dans le deuxième concerto de Liszt qui heureusement sera bien plus nuancé du côté de l’orchestre. Le prodigieux jeune homme se permet des nuances subtiles et des phrasés chantants tout en habillant les plus terribles traits de toute la grâce possible. Les moyens techniques d’Alexandre Kantorow semblent infinis. Tout lui semble facile et pourtant quelle folie contenue dans ce concerto ! Les moments chambristes du concerto sont joués avec une gourmandise adorable par le pianiste. On devine un vrai amour pour le dialogue musical.

Alexandre Kantorow Sinfonia Varsovia Direction Aziz Shokhakimov 4 © Valentine Chauvin

Aziz Shokhakimov garde en général une attention particulière au brillant et à la puissance qu’il obtient de l’orchestre mais arrive à ménager des moments de détente dans lesquels la musique peut s’épanouir plus sereinement. En comparant avec son enregistrement de 2015 réalisé par le tout jeune Alexandre dans lequel son père dirige subtilement le Tapiola Sinfonietta, l’équilibre orchestre-piano y est plus naturel et le dialogue bien plus musical. Notons toutefois que le jeune pianiste a gagné une force et une aisance remarquables. Cette version a quelque chose de sauvage et d’indomptable. Indiscutablement peu de si jeunes pianistes sont capables de venir à bout de deux concertos si virtuoses et Alexandre Kantorow est probablement le plus intéressant du moment. Est-ce vraiment ce que nous pouvons demander de mieux à ce musicien exceptionnel ? La réponse il la donne dans son premier bis. En rendant hommage à Nelson Freire, dont c’était le bis favori, il offre au public une interprétation bouleversante des ombres heureuses de l’Orphée de Gluck, mélodie arrangée pour le piano par Sgambati. Hommage à Nelson Freire avec encore davantage de tendresse si c’est possible ! Puis un Sonnet de Pétrarque offert comme un véritable opéra chanté, avec un chant éperdu comme suspendu.  Le final de l’oiseau de feu sera brillant mais moins réussi que d’autre fois. C’est dans ces trois bis que le talent le plus rare d’Alexandre Kantorow se révèle, de l’avis d’aucuns il est à lui tout seul un orchestre. Alexandre Kantorow a fini ravi et comme régénéré par la force du partage musical, ce concert marathonien avec sprint final, dans une chaleur particulièrement étouffante. Il a assurément tout donné à son public ! Un héros vous dis-je !

Alexandre Kantorow Sinfonia Varsovia Direction Aziz Shokhakimov 15 © Valentine Chauvin

France Musique était là pour garder mémoire de ce concert donné à guichet fermé ce soir à la Roque.  Il est possible de le réécouter durant les six prochains mois.

 CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 5 août 2022. Auditorium du Parc. Concert Alexandre KANTOROW, piano. SINFONIA VARSOVIA. Direction, Aziz Shokhakimov. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour piano et orchestre n°2, en sol majeur Op.44 ; Frantz Liszt (1811-1886) : Concerto pour piano et orchestre n°2, en la majeur. Photo : © Valentine Chauvin.

Critique écrite pour Classiquenews.com

Benjamin Grosvenor retrouve La Roque

CRITIQUE. Concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 31 juillet 2022. C. FRANCK. I. ALBENIZ.  A. GINASTERA.  M.RAVEL.  B. GROSVENOR.

Benjamin Grosvenor souverain parfaitement serein

Cela fait la troisième année que je retrouve Benjamin Grosvenor à La Roque d’Anthéron et je me réjouissais beaucoup. A mon grand damne je dois reconnaître que je n’ai pas retrouvé cet émerveillement vécu lors du concert de 2019. Le programme n’est peut-être pas aussi séduisant et reste un peu décousu et sans charme particulier. Certes le final est grandiose avec une Valse de Ravel éblouissante mais il n’y a pas de construction d’ensemble ni de véritable progression. Le prélude, choral et fugue de César Franck ouvre le récital. Nous connaissons la rigueur, la précision et la grande clarté de l’interprétation de Benjamin Grosvenor depuis le concert de l’an dernier et surtout son enregistrement de 2016. La précision avec laquelle il détaille tous les plans est sensationnelle et rien ne vient entraver son jeu absolument souverain. Le déroulé est implacable avec une certaine maîtrise des divagations que d’autres peuvent jouer avec davantage de méditation. Puis le livre premier d’Iberia d’Albéniz n’aura aucune « couleur locale » et sous les doigts imperturbables de Benjamin Grosvenor la musique pure prend beaucoup de hauteur. C’est un piano précis, impeccablement nuancé et phrasé mais sans aucune chaleur. Le bel canto dont le pianiste anglais est capable sera idéal dans le Corpus Christi en Sevilla. Le chant du choral se déploie avec une élégance bouleversante.

Pour la suite du programme le piano sera changé : Il n’y a qu’à La Roque que j’ai vu cela. Il faut dire que c’est le luxe unique qui prévaut ici : un choix est offert aux artistes parmi de nombreux pianos à queue, tous présents sur site dès le début du Festival.

Benjamin Grosvenor 26 © Valentine Chauvin
© Valentine Chauvin

Avec cet autre instrument, le jeu de Benjamin Grosvenor reste avant tout maîtrisé et les Danses Argentines de Ginasteras n’iront certainement pas s’encanailler sous ces doigts si pudiques. Le jeu est souverain, puissant, charpenté, l’apparente facilité avec laquelle Benjamin Grosvenor joue cette musique complexe est en soi un exploit des plus rares.

C’est avec les deux pièces de Ravel que les moyens pianistiques trouvent un épanouissement complet avec une musicalité délicate qui anime constamment le propos. Les Jeux d’eau trouvent des échos liquides et évaporés sous les doigts subtils de Benjamin Grosvenor, les trouvailles du jeune pianiste sont des pépites. Dans la valse il trouve le déséquilibre parfait qui fait chavire l’auditeur. Quelle aisance avec ce rythme diabolique, quelle noirceur dans certains retours du thème, quel humour avec ce rythme comme décalé par moments. La valse ainsi interprétée devient dangereuse et fascinante. Ce grand moment de musique en fin de programme nous a rappelé comment cet artiste peut nous ravir. Il est envisageable d’accepter qu’à ce stade de sa carrière le jeune prodige, plus mature, joue pour lui, pour ses recherches et nous prépare de futures merveilles. La maîtrise technique absolue reste très impressionnante, c’est l’émotion qui cède la place ce soir. Il faut signaler une touffeur inhabituelle dans le parc avec un côté un peu oppressant et étonnamment un public clairsemé. Les applaudissements nourris ont obtenu deux bis de l’artiste : Dany Boy en arrangement d’après le folklore anglais et le chant du soir op.85 n°12 de Schumann.

Benjamin Grosvenor 25 © Valentine Chauvin
© Valentine Chauvin

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc, le 31 Juillet 2022. César Franck (1822-1890) : Prélude, choral et fugue ; Isaac Albéniz (1860-1909) : Iberia, livre 1.  Alberto Ginastera (1916-1983) : Danses Argentines ; Maurice Ravel (1875-1937) : Jeux d’eau, la Valse ; Benjamin Grosvenor, piano.

Article écrite pour classiquenews.com

Benjamin Grosvenor en parfait gentleman musicien

CRITIQUE. Concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 11 Août 2021. LISZT. A. GINASTERA. M.RAVEL. B. GROSVENOR.

 

Benjamin Grosvenor est la perfection digitale.

Découvert ici même en 2019 Benjamin Grosvenor nous avait conquis. Cf Chronique. Sa discographie a toutes les faveurs de la rédaction de Classique news. Ce récital reprend pour moitié le dernier CD qu’il a enregistré pour Decca, sobrement intitulé : Liszt.

Dès les premières notes des sonnets de Pétrarque le ton est donné, celui d’une lecture châtiée, élégante et d’une précision incroyable. La virtuosité intrinsèque chez Liszt trouve en Benjamin Grosvenor un interprète idéal qui rend musical tout trait, même le plus virtuose. D’autres mettent davantage le chant en avant, car ces sonnets sont premièrement des lieder. Ici le parti pris peut sembler plus intellectuel que sensuel et permet une mise en valeur de la grande complexité des partitions.  Puis la sonate en si mineur si expérimentale prend sous les doigts de Benjamin Grosvenor une dimension quasi cosmique. Les tempi sont élastiques, les nuances hyper creusées, les couleurs infiniment chatoyantes ; cela permet de mettre en lumière des aspects incroyablement variés de cette partition tout à fait inclassable. C’est bien cette dimension de totale liberté, reposant sur une technique superlative faisant penser que « tout, absolument tout est possible » à cet artiste qui fait de cette interprétation une référence qui fera date. La maturité acquise par ce jeune homme de 29 ans laisse pantois.

Benjamin Grosvenor 4 © Valentine Chauvin 2021
Photo : Valentine Chauvin

Une courte pause, mais sans entracte (interdiction préfectorale) et voilà notre artiste qui nous entraîne avec cette précision diabolique dans l’univers peu contrôlé de Ginastera et ses « danzas argentinas ». Des doigts qui semblent se démultiplier, des bras qui semblent s’allonger chez le pianiste, un piano qui semble développer des sonorités nouvelles.  Un incroyable mélange de brillant et de virtuosité nous est offert dans ces partitions complexes sans aller jusqu’à la folie latine.

Ravel et son si difficile « Gaspard de la nuit » va constituer l’apothéose de ce concert virtuose.

Gaspard de la nuit, spécialité de Martha Arguerich, semble trouver en Benjamin Grosvenor un digne héritier de cette virtuosité sidérante faite expression musicale totale. Chez Benjamin Grosvenor Ondine est un piano fait en élément liquide avec le brillant des rayons de lune dans l’eau. C’est incroyablement précis et flou en même temps afin de créer une dimension onirique. Un piano entre rêve et réalité, absolument magique. Le Gibet avec des sonorités d’un froid glacial change totalement le son du piano. Benjamin Grosvenor ose des effets de grande inquiétude. C’est Scarbo qui offre la plus grande virtuosité et exige le plus de mise en scène musicale. Benjamin Grosvenor comme dans ses Liszt garde la tête froide et les doigts souverains. Rien ne lui échappe et la clarté du jeu permet de tout entendre dans cette partition pourtant tout à fait diabolique. Comment est-il possible d’obtenir cette précision à cette vitesse ? Voilà un secret bien gardé par le jeune homme si doué et aussi appliqué dans sa recherche de perfection. Avec peu de sorties de disques, des concerts reprenant un répertoire bien travaillé Benjamin Grosvenor est un sage parmi les jeunes pianistes plus frénétiques.

Benjamin Grosvenor 14 © Valentine Chauvin 2021
Photo : Valentine Chauvin

Le public très enthousiaste obtient deux bis. Liszt avec un diabolique Sherzo, Gnomenreigen, grand cousin de Scarbo.  Ginastera avec une Danza de la moza donoza op.2 n°2 toute de délicatesse.

Voilà un grand musicien virtuose de l’avenir car sa toute jeune maturité ne peut que se développer.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc. Frantz Liszt (1811-1886) : Sonate en si mineur ; Années de pèlerinage, 2 ième année (Italie) Sonnets de Pétrarque 104 et 123 ; Alberto Ginastera ( 1916-1983) : Danzas argentinas op.2 ; Maurice Ravel (1875-1937) : Gaspard de la nuit ; Benjamin Grosvenor, piano.

PHOTOS : Valentine Chavin

Père et fils les Kantorow : quel bonheur !

CRITIQUE. Concert. La ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du Parc, le 7 Août 2021. D. CHOSTAKOVITCH. C. SAINT-SAENS. SINFONIA VARSOVIA. J.J KANTOROW. A. KANTOROW.

Kantorow père et fils sont toute musique !

Concert attendu dans la peur de l’orage qui a su rester à distance fort heureusement. Le ciel est favorable à la musique et le parc après l’orage a vu quelques étoiles briller en fin de soirée.  Le génie musical de Jean-Jacques Kantorow, violoniste et chef d’orchestre à la renommée planétaire reprenait ce soir la baguette d’un orchestre qu’il a dirigé souvent et qu’il connaît bien. Un enregistrement des concertos de Camille Saint-Saëns avec Alexandre Kantorow il y a quelques années est une véritable pépite et prouve le lien qui les unit.

A Kantorow Sinfonia Varsovia JJ Kantorow 8 © Valentine Chauvin 2021
Photo : Valentine Chauvin

Le Sinfonia Varsovia est ce soir présent en formation réduite et jouera deux adaptations de Daniel Walter. Le Quatuor à cordes n°3 de Dimitri Chostakovitch dans sa transcription pour quintette à vent et quintette à cordes est donc proposé dans une formation type orchestre Mozart. Jean-Jacques Kantorow garde une allure dynamique et lorsqu’il dirige semble retrouver toute sa jeunesse. La grande bienveillance qui se dégage de sa direction ne laisse rien passer et obtient une précision parfaite de la part de chaque instrumentiste. L’orchestration est particulièrement réussie qui donne aux vents et au cor toutes les particularités que Chostakovitch leur donne dans ses partitions d’orchestre. La direction de Jean-Jacques Kantorow est précise, claire et très efficace. La partition se développe avec efficacité et l’énergie est constamment renouvelée par le chef. L’osmose entre le chef et l’orchestre est magnifique et la partition de Chostakovitch devient limpide avec de tels interprètes. Un grand moment de musicalité très efficace et émouvant découle de l’écoute de ce quatuor transformé si intelligemment et si habilement joué.

Les qualités instrumentales du Sinfonia Varsovia sont tout à fait excellentes avec des bois particulièrement beaux et des solistes de chaque famille de cordes magnifiques. Insistons sur la qualité du chef et celle de ce magnifique orchestre car lorsque le concerto se déroulera le soliste va par son jeu intense prendre la première place au risque de les éclipser. Il ne faudrait pas penser que l’orchestre va juste accompagner le génie pianistique d’Alexandre Kantorow, bien au contraire le Sinfonia Varsovia est, même dans cette dimension réduite, de tout premier plan et Jean-Jacques Kantorow est un chef extrêmement vigilant à tout ce qui se passe, sans autoritarisme il arrive à obtenir ce qu’il veut de chacun.

A Kantorow Sinfonia Varsovia JJ Kantorow 15 © Valentine Chauvin 2021
Alexandre KANTOROW Photo Valentine Chauvin

L’entrée du jeune Alexandre Kantorow (23 ans) est très émouvante; l’orchestre le regarde avec une bienveillance rare et le chef, son père, l’accompagne sur scène avec une joie non dissimulée. Détendu en apparence mais déjà très concentré, Alexandre se jette dans le début très rhapsodique du terrible deuxième concerto de Camille Saint-Saëns avec une autorité sidérante. Le geste large, des sonorités d’orgue, une maîtrise rythmique toute en souplesse font de cette « prise en main » un moment sidérant. La réponse de l’orchestre dans la même manière donne le frisson. Nous sommes bien devant une rencontre entre génies qui va faire date.  Tout ce qui va suivre va être difficilement analysable tant les interprètes vont toucher à la perfection sur tous les plans. Alexandre Kantorow a acquis une autorité sidérante, la puissance digitale s’est encore affirmée donnant plus de présence à son jeu avec une recherche de sonorités amples et majestueuses admirablement adaptées à ce premier mouvement. L’orchestre participe avec la même ampleur puis le dialogue plus mélancolique se déploie et l’osmose entre tous devient d’une rare évidence. La partition de Saint-Saëns s’en trouve magnifiée. Jean-Jacques Kantorow couve le pianiste du regard et semble avoir l’œil sur chaque musicien de l’orchestre, il est partout et entretient des liens avec chacun. Le résultat est une parfaite connivence musicale qui magnifie le jeu du pianiste comme les solos de l’orchestre.

A Kantorow Sinfonia Varsovia JJ Kantorow 11 © Valentine Chauvin 2021
Valentine Chauvin : Photo

Le deuxième mouvement, sorte de scherzo, permet à Alexandre Kantorow d’alléger son jeu avec une précision incroyable, il invente des notes perlées comme rebondies. La précision est partout dans le moindre trait du pianiste et chaque intervention de l’orchestre. C’est une véritable orfèvrerie suisse. La mécanique est absolument impeccable avec un véritable sens de l’humour partagé. La délicatesse du toucher d’Alexandre Kantorow a quelque chose de féérique. Après le deuxième mouvement le regard du père à son fils semble dire c’était magnifique es-tu vraiment prêt pour le final ? Tous vont s’engager dans la virevoltante tarentelle finale qui caracole à toute vitesse. C’est vertigineux, magnifique, sublime et l’humour des syncopes, rythmes décalés, enchantent les musiciens. Tout tombe à la perfection, cela avance sans prendre de repos, en entrainant le public avec lui dans la joie la plus grande. Ce mouvement final devient absolument jubilatoire avec des interprètes si doués.

A Kantorow Sinfonia Varsovia JJ Kantorow 6 © Valentine Chauvin 2021
L’osmose père fils
merveilleuse photo de Valentine Chauvin

Alexandre Kantorow trouve une ressource incroyable donnant toute son énergie dans ses traits virtuoses incroyables. Ses doigts volent, ses mains s’allongent, rien ne semble pouvoir limiter le jeu du pianiste. La joie explose de toute part sur scène comme dans la salle. Nous venons de vivre un moment exceptionnel et chacun en est bien conscient. Le public en transe obtient d’Alexandre Kantorow très épanoui et heureux trois extraordinaires bis d’une belle générosité.

Le mouvement lent de la troisième sonate de Brahms est d’une beauté à faire fondre les cœurs de pierre les plus durs. La danse finale de l’oiseau de feu atteint sous ses doigts à une puissance orchestrale. La délicatesse et la mélancolie d’une ballade de Brahms permettent de laisser le public partir sur des sentiments plus apaisés. Chacun sait qu’il a vécu un instant magique en sortant du parc. Le Château de Florans, dont le parc est un oasis de bonheur,  a été béni des dieux une fois de plus.

A Kantorow Sinfonia Varsovia JJ Kantorow 14 © Valentine Chauvin 2021
Photo de Valentine Chauvin

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) /Daniel Walter (né en 1958) : Quatuor à cordes n° » en fa majeur op.73, transcription pour quintette à vents et quintette à cordes ; Camille Saint-Saëns (1835-1921) / Daniel Walter (né en 1958) : Concerto pour piano et orchestre n°2 en sol mineur op.22, transcription pour piano et petit orchestre ; Sinfonia Varsovia ; Alexandre Kantorow, piano ; Jean-Jacques Kantorow, direction.

Un GRAND BRAVO à la jeune photographe du Festival : Valentine Chauvin !

A Kantorow Sinfonia Varsovia JJ Kantorow 16 © Valentine Chauvin 2021
Photo Valentine Chauvin

Bruno Rigutto, les Nocturnes de Chopin dans la nuit de la Roque !

Compte-rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans. Auditorium, le 18 Août 2020. Frédéric Chopin (1810-1849) : Intégrale des Nocturnes. Bruno Rigutto, piano.

Bruno Rigutto chante et nous enchante avec les Nocturnes sous le ciel étoilé.

Sur le papier ce concert a tout pour faire rêver. Le lieu, magique autant le jour que la nuit, en tous cas inoubliable de nuit. Le compositeur, Frédéric Chopin qui a dédié sa vie au piano. L’œuvre en particulier : l’intégrale des Nocturnes est sensationnelle. Quand un groupe de Nocturnes peut créer une ambiance spéciale dans un récital et faire se pâmer le public dans un bis quel effet peut faire une telle intégrale ? Et surtout ce soir nous espérons avoir l’interprète idéal :  Bruno Rigutto qui vient d’oser une nouvelle intégrale des Nocturnes au disque, plus intense et à la fois plus fragile que sa première version de 1980.

Toutefois l’effet d’annonce est dangereux car l’idéal convoqué ne va pas de soi. Écouter des Nocturnes la nuit bien joués ne fait pas obligatoirement le bonheur. Car la structure d’un Nocturne tel que Field l’a plus ou moins inventée et que Chopin a fait sienne est assez répétitive. Souvent une basse plutôt dansante à la main gauche et une main droite qui chante et semble improviser. Le génie de Chopin durant toute sa vie est d’avoir accepté cette simplicité de départ pour en varier les possibilités à l’infini tant en termes de complexité rythmique, de chant éploré et de virtuosité délicate dans des moment parfois théâtraux. Lui qui aimait tant le bel canto et admirait le chant des divas.

Bruno Rigutto est tout acquis à ces Nocturnes qui l’accompagnent régulièrement. Il a un répertoire très vaste mais Chopin est associé spécialement pour moi à cet artiste. Il dit lui-même avoir voulu réenregistrer ces Nocturnes afin de montrer qu’il était devenu plus sensible. C’est cela être artiste, vivre avec les chefs d’œuvres et les interpréter différemment chaque fois, tout en maintenant un cap.

Bruno Rigutto 2 © Christophe Grémiot 2020
Bruno Rigutto © Christophe Grémiot

Ce concert a été marqué par une écoute particulièrement délicate du public. Bruno Rigutto s’est présenté avec les partitions ; en « tourneuse de pages », l’accompagnait son épouse, présence tutélaire apaisante et concentrée, aux gestes élégants et sûrs.

Cet appui sur la partition donnait une sorte de tenue, de sérieux qui a aidé à canaliser l’émotion. Ce qui a paru un peu étrange au début s’est révélé très important. La facilité apparente de ces nocturnes, la forme répétitive dont je parlais, se révèle redoutable en fait. Et justement parce que la plupart des Nocturnes sont connus par cœur par l’auditeur, il faut se méfier de cette apparente facilité. Le respect dont fait preuve Bruno Rigutto est donc visuellement clair et cela met en alerte l’oreille qui peut se délecter de toute la richesse qui se développe sous les doigts experts. Bruno Rigutto évite tous les effets extérieurs qui peuvent polluer ces pages. Il les tient dans une main de fer mais sait les rendre souples avec un velours de sonorité d’une profondeur rare. Le chant se déploie avec élégance et émotion contenue, comme à fleur de doigts. Chaque nocturne est magnifié et apporte sa particularité à cet ensemble considérable.

En somme le cap gardé est celui du respect et du bel canto. Deux des racines de Bruno Rigutto aux origines italiennes en ce qui concerne le rapport au chant et qui a été le seul élève de Samson François en ce qui concerne la hauteur de vue et le respect de la musique. Je rajouterai une manière de rendre limpide la richesse de la partition en tant que compositeur lui-même.

Bruno Rigutto 11 © Christophe Grémiot 2020
Bruno Rigutto © Christophe Grémiot

Le public a été très heureux et l’a manifesté par des applaudissements nourris ; avec gourmandise Bruno Rigutto a offert une délicieuse valse de Schubert et une mélodie Napolitaine de sa composition, joyeuse et dansante à souhait mettant bien en valeur le piano, pour un grand moment de joie partagée.

Ces éléments permettent de comprendre pourquoi ce concert a été marqué du sceau de l’exceptionnel. La magie espérée a été présente. J’ai participé à un grand moment de partage de confiance et de foi en la beauté du monde, en ces temps si incertains qui limitent les plaisirs du partage mais ne les annihilent pas, c’est vital, absolument vital !!!!

Merci au Festival, merci à Chopin et merci à Bruno Rigutto.

Hubert Stoecklin

la sincérité du jeu d’Adam Laloum subjugue le public de La Roque

Compte-rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans. Auditorium, le 18 Août 2020.  Frantz Schubert (1797-1828) : Sonates pour piano D.0959 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate n°3 en fa mineur op.5. Adam Laloum, piano.

Adam Laloum clôt avec de belles émotions

le Quarantième Festival de Piano

de La Roque d’Anthéron.

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Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Ce Quarantième Festival International de Piano de La Roque d’Anthéron restera dans les mémoires comme celui du courage, de la détermination et de l’émotion. La crainte qu’il n’ait pas lieu a été levée, le plaisir d’écouter de la musique vivante côté public a mis les larmes aux yeux de plus d’un, mais également les artistes étaient émus de retrouver la scène, le rapport avec le public et entre eux, nous l’avons déjà décrit. Comme ce confinement aura été cruel pour tous mais très particulièrement pour les artistes isolés et bâillonnés et encore dans une grande incertitude.

Adam Laloum, frêle silhouette, dégage une sensation de grâce et de mélancolie discrète. Il débute son récital par la sublime sonate D.959 de Schubert. Nous l’avons entendue sous ses doigts à deux reprises à Piano Jacobin l’an dernier et au Théâtre des Champs Élysées en février 2020, un de nos derniers concerts mémorables avant l’abominable confinement.

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Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Retrouver Adam Laloum avec cette sonate qu’il interprète avec une telle évidence rajoutait une émotion particulière, celle de la mémoire de l’avant, du temps de l’insouciance. Je ne peux que confirmer mon admiration pour cet interprète si proche de Schubert qu’il semble invité à ses côtés quand il joue sa musique. Cette âme si tendre qui dans le malheur et la conscience de sa mort proche donnait tant de belles partitions. Cette sonate D.959 date de moins d’un an avant la mort de Schubert. Elle est pleine d’un bonheur surhumain et pourtant la tristesse est tapie dans l’ombre. Ainsi Adam Laloum sait-il doser parfaitement ces jeux de lumières, cette irisation des couleurs et ces contrastes étonnants. Il sait mettre en valeur tous les niveaux de la partition, et déplier les divers niveaux de sens : la joie sait ce qu’elle doit à la douleur et dans la peine la conscience du bonheur possible est tapie. La main gauche est ferme et ronde, jamais dure, les aigus tintent et sont joie pure. Le deuxième mouvement qui pour moi est irremplaçable est un vrai moment halluciné. L’émotion provoquée par le balancement du rythme de barcarolle triste avance tranquillement. C’est le souvenir d’un bonheur pas si ancien et qui pourrait revenir. La partie centrale orageuse est terrifiante et fantasque sous les doigts d’Adam Laloum dans un élan passionné inégalable. Le Scherzo passe vite, lumineux mais subtilement assombri. Quant au rondo final il ne cesse de nous inviter dans un mouvement joyeux qui va vers ce bonheur tant attendu et qui bien évidement s’échappe pour mieux réapparaitre. Une si belle interprétation nous voudrions l’entendre toujours et que cet instant ne s’arrête pas, aussi est-ce un délice que cette fin qui ne se termine pas… pour s’excuser pianissimo, avant de conclure fortissimo….

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Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Puis nouvelle œuvre à son répertoire, Adam Laloum se lance dans la troisième sonate de Brahms. La fougue et la passion de cette interprétation sont incroyables. C’est une sonorité large, profonde et ronde qui sort des doigts magiques d’Adam Laloum. Nous savions sa compréhension de Brahms dès son plus jeune âge et sa passion pour ses concertos de piano, enregistrés récemment.  Son premier CD, le récital Brahms, a été très bien accueilli et en concerts ce compositeur est régulièrement présent à ses programmes. Mais cette autorité, cet engagement passionné, cette puissance expressive si généreusement offerte, nous ne la connaissions pas. L’interprète a pris de l’assurance et arrive à donner une dimension symphonique large et ronde dans plusieurs moments incroyablement passionnés. La main gauche tout particulièrement a pris du poids et sait être un soutien tellurique incroyablement sûr. Le discours est particulièrement limpide, les plans se déploient avec évidence, la riche harmonie irradie de puissance expressive.

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Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Le public est subjugué et retient son souffle. Adam Laloum a gravi un niveau dans la sûreté et la puissance, cette sonate semble tout à fait proportionnée à ses moyens actuels. La tendresse du deuxième mouvement est traversée de phrasés incroyablement creusés et de nuances poussées à l’extrême de la douceur comme de la force. Et toujours dans un legato d’une beauté rare. Le final est également d’un très beau lyrisme exprimant une ascension jubilatoire. Le public émerveillé a fait quasiment une standing-ovation au jeune homme. Quel contraste entre sa silhouette et sa puissance expressive !

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Adam Laloum, photo de Christophe GREMIOT

Ce dernier rendez-vous restera dans les mémoires comme un des plus émouvants. Adam Laloum offre quatre bis au public de La Roque, tous les quatre offerts avec naturel et bienveillance. Comme si Adam Laloum prenait plaisir à s’attarder en ce lieu magique, sous la frondaison sombre des platanes dans la belle nuit étoilée de Provence. C’est ainsi qu’il reste fidèle à Brahms trois Intermezzi extraits des op.116, 117 et 118 et à Schubert avec l’andante de la sonate D.664.

Rien que de la musique apaisante et incroyablement belle !  Il s’agit là d’un choix d’artiste sensible en non de pianiste voulant briller. En mettant ainsi l’émotion à un si haut niveau pour la terminer, « cette édition si particulière » a une fin tout à fait admirable. Elle restera dans les mémoires comme précieuse entre toutes parmi tous ces beaux moments volés à la peur et à la folie qu’elle engendre dans le monde. Quelle belle édition 2020 du Festival International de la Roque d’Anthéron !!!

Hubert Stoecklin

Charmes de l’ espace Florans

Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 8 Aout 2020. Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827). Nour Ayadi ; Claire Désert ; Kojiro Okada ; Jean-Efflam Bavouzet ; François-Frédéric Guy.

Quatrième concert : Espace Florans, 17 h.

Sonates 23 ;24 ; 25 ; 26 ;27 ; 28.  Les grandes sonates titrées

A nouveau le public retrouve les charmes de l’Espace Florans avec cette vue si belle sur l’allée de platanes faisant comme une nef. La toute jeune pianiste marocaine de 21ans  se lance dans une très belle interprétation de la sonate « Appassionata ». Le jeu est élégant, la virtuosité assumée et le sentiment d‘urgence du premier mouvement tout à fait intéressant. La tension retombe dans l’apaisement de l’andante et le chant se déploie avec liberté. Le final avec ses salves est énergique à souhait dans une belle maitrise du tempo. Cette jeune pianiste a des choses à dire et sait trouver facilement le contact avec le public.

Nour Ayadi 1 © Christophe Grémiot 2020
Nour Ayadi , photo de C. GREMIOT

Claire Désert va nous transporter dans les univers très différents de deux sonates que nous pourrions évoquer comme plus sentimentales. « A Thérèse » et surtout « Les adieux ». Sonates respectivement numérotées 24 et 26.  Le jeu délicat de Claire Désert est un régal de poésie en musique. La technique est toujours mise au service de l’expression et le voyage dans les humeurs variées beethoveniennes est très prenant. Claire Désert sait dire sa vision de ces sonates si connues et avec sa personnalité sensible sait tenir son public en haleine.

Claire Désert 1 © Christophe Grémiot 2020
Claire Désert, photo de C.GREMIOT

La sonate 25 revient au jeune Kojiro Okada qui l’aborde avec élégance et souplesse. Le « presto alla tedesca » avance avec facilité de manière mozartienne toute en délicatesse et les nuances sont très bien réalisées. La touche de mélancolie de l’andante est très agréablement nuancée par Kojiro Okada. Il sait mettre la technique nécessaire dans le final sans en faire trop, gardant toujours une suprême élégance. C’est bien ce qui caractérise le jeu de ce jeune homme, l’élégance et la mesure.

Kojiro Okada 2 © Christophe Grémiot 2020
Kojiro Okada, photo de C. GREMIOT

La sonate 27 porte les titres des mouvements en allemand et pourrait bien parler d’une histoire d’amour dont la fin ne serait pas malheureuse. François-Frédéric Guy sait nous y entrainer avec un sens aigu de la rhétorique et une noblesse de ton, une musicalité toujours émouvante. La beauté du son, sa profondeur font de ces belles mélodies un vrai bonheur. La toute fin pianissimo et s’évaporant est d’une délicatesse exquise.

La sonate 28 malgré des indications de « ma non troppo », qui reviennent deux fois, deviennent une scène de théâtre pleine d’excès sous les doigts de Jean-Efflam Bavouzet. Est-ce cette pondération, cette élégance et cette noblesse des interprètes précédents qui nous ayant charmé nous gâche les effets de Jean-Efflam Bavouzet ou est-ce vraiment ce jeu extraverti, pourtant efficace, qui ne nous plait pas ?

Jean Efflam Bavouzet 6 © Christophe Grémiot
Jean Efflam Bavouzet, photo de C.GREMIOT

Le cadre noble et émouvant de la cathédrale de platanes est peut-être pour quelque chose dans ce inadéquation ressentie à l’écoute du jeu de Jean-Efflam Bavouzet.  Car le charme de ce coin de parc est très prenant comme un lieu de musique quasi improvisé, propices aux confidences plus qu’aux effusions bruyantes.

Hubert Stoecklin

La Roque : Intégrale Beethoven suite…

Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 8 Août 2020.

Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827).

Claire Désert ; Jean-Efflam Bavouzet ; François-Frédéric Guy ; Nicholas Angelich.

Quatrième concert : Auditorium du Parc 10 h.

Sonates 17 ;18 ;19 ; 20 ; 21 ; 22 : des chefs d’œuvres naissent.

A nouveau au matin l’Auditorium s’ensoleille petit à petit. Le public tient bon devant le risque d‘insolation. Mais cette intégrale est si passionnante, c’est si extraordinaire de pouvoir suivre l’évolution de Beethoven, les pianistes sont si investis que la passion fait tenir la plus grande partie du public même en plein soleil. Beethoven virtuose d’abord, expérimentant les possibilités du pianiste. Puis déplaçant les formes, en inventant de nouvelles, essayant là une fin tonitruante, ici une autre à la pointe des doigts, cherchant des résolutions harmoniques nouvelles, attendues, retardées, déplacées, s’appuyant sur des danses, nobles ou parfois populaires. De deux à cinq mouvements. Il y a tant et tant de choses dans ces sonates au fur et à mesure de l’évolution de son génie ! Au lieu de penser qu’il y a des petites sonates et des grandes nous avons compris hier que chacune est importante, aucune n’est négligeable.

A présent Claire Désert nous propose sa version de la dix-septième sonate, la sonate « La Tempête ». Débutant délicatement comme à son accoutumée, c’est toute en sensibilité que la musicienne va aborder cette tempête qui sera toute intérieure. Pas de rugissements terribles, rien n’est au premier degré tout est plus subtilement suggéré. Souvent le premier mouvement éclipse les suivants. Il n’en est rien avec Claire Désert, elle nous fait comprendre toute la sonate comme une construction parfaite avec la perception de l’âme au travail avec ses multiples sentiments contradictoires. Les nuances sont subtilement construites sur des pianissimi impalpables. Dans les emportements pianistiques elle sait garder une mesure humaine très émouvante.

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Claire Désert Photo Christophe GREMIOT

Tout est à l’opposé avec Jean-Efflam Bavouzet. Son jeu extraverti attendu lui fait jouer fort, vite et cette dix-huitième sonate a tout d’une chasse à courre royale. On cherchera en vain le gracioso dans le menuet. Par contre le fuoco du presto brûle comme le soleil qui darde, ce final passe en force avec effets de manche et de mèche.

François-Frédéric Guy enchaîne sobrement les deux sonates dix-neuf et vingt chacune en deux mouvements. Le jeu du musicien est élégant et porteur d’une belle capacité de réthorique dans ces deux sonates assez ingrates.

Nicholas Angelich en remplacement d’Emmanuel Strosser qui avait joué la veille au soir nous régale d’une Waldstein d’anthologie. Cette sonate vingt-et-une est magistralement construite et Nicholas Angelich à sa manière la dissèque pour nous la rendre limpide. La beauté du son, la richesse des harmoniques, la subtilité des nuances et une capacité à mobiliser notre imagination sont un pur bonheur. La musique irradie des doigts agiles de Nicholas Angelich, comme en état de grâce. Nous vivons avec lui un très grand moment.

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N.Angelich, photo de C. Gremiot

La pauvre vingt-deuxième sonate semble superfétatoire sous les doigts guerriers de Jean-Efflam Bavouzet après ce grand moment de La Waldstein. C’est le seul moment où le découpage des concerts est discutable.

Le public est heureux mais reste sous l’impression profonde faite par la Waldstein.

Hubert Stoecklin

La nuit magique à La Roque

Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 7 Août 2020.

Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827).

Nicholas Angelich ; Emmanuel Strosser ; Jean-Efflam  Bavouzet.; Yiheng Wang.

Troisième concert Auditorium du Parc 21 h. Sonates 12 ; 13 ; 14 ; 15 ; 16.

L’expérimentation de la forme et du fond.

Le soir la magie de La Roque opère en plein. L’air est doux, les cigales se font plus discrètes, la nuit tombe délicieusement sous les larges frondaisons.

Nicholas Angelich, de sa démarche si particulière entre en scène et calmement, posément se lance dans la douzième sonate qui débute avec un andante et variations. Il semble se délecter de les déplier tour à tour, sans se presser comme s’il expérimentait lui même le procédé. C’est ainsi que devient pour moi l’évidence de cette écoute chronologique des sonates. Beethoven expérimente la forme et s‘autorise des essais très variés. Ainsi de ces variations, mais également la marche funèbre du troisième mouvement. Sonate expérimentale qui semble faire les délices de Nicholas Angelich.

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Nicholas Angelich : photo de Christophe GREMIOT

L’arrivée de Jean-Efflam Bavouzet est bien différente. Le fringant pianiste semble décidé à nous convaincre de sa fougue et se lance dans une interprétation fulgurante de la treizième sonate. C’est spectaculaire, très rapide ou très lent, très fort ou très doux. Il peut tout faire mais c’est la manière qui devient prévisible. Tout sert à démontrer sa virtuosité. Ce jeu brillant plait à une partie du public.

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Jean-Efflam  Bavouzet : Photo de Christophe GREMIOT

L’arrivée du pianiste chinois Yiheng Wang est remarquable. Souple et lourd comme un sumo il prend tout son temps pour saluer et s’installer au piano. Très concentré il débute la fameuse sonate « Au clair de lune » que bien des amateurs peuvent jouer. Le legato est bien conduit, le son est rond, les nuances bien dosées. Tout est bien réalisé. L’allegretto avance avec facilité, le jeu est fluide. Et le final, qu’aucun amateur ne peut jouer, fuse sous ses doigts agiles. Le jeu de ce jeune homme de 24 ans est spectaculaire. L’ expression de  sentiments et l’évocation lunaire, c’est autre chose.

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Yiheng Wang : Photo de Christophe GREMIOT

Emmanuel Strosser n’a pas de mal à nous convaincre qu’il est le plus merveilleux ce soir. Avec la quinzième sonate dite « la pastorale » puis la seizième appelée « la boîteuse » en France, il brosse un portrait complet du génie pianistique de Beethoven. Sérieux et profond puis d’un humour inhabituel mais savoureux. Le jeu est apollinien, il semble faire ce qu’il veut de son instrument, le son est puissant sans dureté. Les couleurs sont variées et toutes superbes. Son jeu est d’une grande évidence. La soirée se termine sur ce délicieux sentiment d’écouter la plus belle interprétation qui soit, dans un lieu idéal.

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Emmanuel STROSSER : Photo de Christophe GREMIOT

Nous sommes en une journée et trois concerts au mitan du marathon.

Hubert Stoecklin

Intégrale Beethoven La Roque deuxième journée

Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’ Anthéron. Parc du château de Florans, le 7 Août 2020.Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827).Deuxième concert. Parc du Château, Espace Florans 17 h .Sonates 6 ; 7 ; 8 ; 9 ; 10 ; 11. La virtuosité se complexifie.Claire Désert. Emmanuel Strosser. François-Frédéric Guy. Manuel Viellard. Jean-Efflam  Bavouzet.Pour se prémunir de la chaleur, le concert de 17 h se déroule au fond du parc dans un espace où le soleil ne darde jamais. Une scène est comme improvisée face à une superbe allée de platanes. Il est difficile de voir le pianiste car il n’y a pas de gradins, une petite sonorisation discrète aide l’oreille pour les spectateurs du fond du parc. L’air est doux, la lumière superbe. Claire Désert avec discrétion et pudeur s’engage dans la sixième sonate, œuvre pas vraiment géniale mais explorant une forme en trois mouvements au lieu de quatre. Les phrasés sont souples, l’élégance est de mise avec cette interprète sensible.Puis Emmanuel Strosser dans la septième sonate nous séduit par un équilibre sonore parfait. Le legato dans le largo est somptueux. La virtuosité du rondo final exulte.C’est François Frédéric Guy qui se lance dans la sonate faisant partie des plus célèbres, la huitième, nommée « Pathétique ».  Et les trois mouvements se déroulent avec beaucoup d’émotion. François-Frédéric Guy vient de graver une intégrale des sonates de Beethoven remarquable et a fait une tournée de concert avec l’intégrale de ces sonates. Il a un sens du discours beethovénien qui semble évident, il donne à cette sonate la dimension exacte, celle du génie mais qui a encore de la marge. Ainsi il est capable de nuances bien organisées, le tempo est mesuré, les couleurs superbes. Il phrase avec générosité, respire et donne à comprendre toute la structure. C’est un piano limpide, franc, généreux et simple.Emmanuel Strosser revient pour la neuvième sonate dans une interprétation équilibrée, sans surprise, confortable. Le temps s’écoule avec facilité en si bonne compagnie.François Frédéric Guy revient pour la dixième sonate, avec sérénité et calme, il pondère une interprétation somptueuse.Terminer le concert revient au jeune Manuel Vieillard avec la onzième sonate. Il joue avec une très belle fluidité et son piano chante. Le bel canto est aussi présent dans le piano de Beethoven ! Ce jeune homme nous le rappelle avec art. Il équilibre parfaitement son interprétation entre virtuosité et sentiment. Il n’est pas évident pour un jeune pianiste de faire sa place si bellement après les trois « grands » de l’après-midi. Il convainc le public qui l’applaudit chaleureusement. Manuel Vieillard est un artiste à suivre assurément !Hubert Stoecklin

Claire Désert 3 © Christophe Grémiot 2020

Claire Désert © Christophe Grémiot 2020

Journe Beethoven P2 C Christophe GREMIOT 07082020 8 F.F. Guy, photo de Christophe GREMIOT

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E. Strosser, photo de Christophe GREMIOT

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Manuel Vieillard, Photo de Christophe GREMIOT

Les 40 ans du festival de la Roque d’ Anthéron

Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 7 Août 2020.

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Intégrale des 32 sonates de L. V. BEETHOVEN (1770-1827).

Premier concert Auditorium du Parc 10 h. Sonates 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5. Kojiro Okada. Nicholas Angelich. Jean-Efflam  Bavouzet. Claire Désert.

Le virtuose compose : les cinq premières sonates.

Le jeune pianiste Kojiro Okada né à Bordeaux ouvre donc ce marathon qui va nous permettre d’écouter sur deux jours en 6 concerts les 32 sonates de Beethoven. Ce qui est particulier dans cette intégrale c’est que chaque sonate est interprétée par un pianiste différent. Bien des « grands spécialistes » de Beethoven sont présents et ils vont jouer plusieurs sonates. Chaque « grand » a proposé un jeune pianiste de sa connaissance, un de ses élèves, pour participer à ce challenge. Je crois qu’il y a 20 ans le même challenge avait été proposé ici avec en plus Franck Braley. Et le « jeunes » se seraient  partagé les sonates de ce pianiste absent.

Notre écoute sera donc passionnante. Découvrir le mouvement dans lequel Beethoven, tout au long de sa vie, a composé pour l’instrument en construction passant du clavicorde, pour aller vers le piano-forte et le début du piano actuel. Il est peu de dire que Beethoven dans ses sonates a anticipé les possibilités de cet instrument roi. Nous allons pouvoir aussi comparer les choix interprétatifs, le son propre à chaque pianiste. Car l’instrument est le même et a été choisi pour tous. Un match à égalité en somme. Même acoustique, même instrument, à armes égales pour des interprétations très contrastées. Il fallait donc du cran à ce jeune homme pour se lancer dans l’ouverture de ce marathon avec la sonate numéro un qui n’est pas la plus facile pour faire état de ses talents. Le jeune pianiste de 21 ans s’en sort admirablement ; il a bien des qualités pianistiques et il est passionnant de se dire que ce jeune homme nous donne envie de l’entendre et dans d’autres programmes et dans d’autres sonates de Beethoven. Il a un toucher franc, une grande lisibilité au niveau de la structure et un très bel équilibrage du son, une belle rondeur et de belles nuances. Il sait admirablement développer les phrasés et nuancer son propos afin de nous faire découvrir les beautés de cette première sonate de Beethoven.

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K. Okado © C. GREMIOT

Pour la sonate numéro deux c’est le grand Nicholas Angelich qui est venu nous régaler car dans un équilibre parfait des dons du ciel il peut à la fois être d’une grande délicatesse et d’une grande puissance sans jamais utiliser ce que je nommerai ailleurs de la force. C’est cela la puissance interprétative : avoir la capacité à nous émouvoir par des moments de grande délicatesse des doigts qui provoque un véritable perlé de notes, ou une force de démiurge qui peut nous impressionner. Mais toujours avec une grande souplesse et une science des équilibres, des phrasés développés largement et une conscience de la structure de la sonate entière comme de chaque mouvement. Nicholas Angelich ou l’équilibre parfait des dons du piano. Nous avons déjà eu deux sonates ce jour la deux et la cinq et aurons d’autres fois l’occasion de commenter le jeu de ce géant de délicatesse.

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N. Angelich © C. GREMIOT

Le troisième pianiste ce matin est Jean-Efflam Bavouzet. Il nous a ouvert un autre monde, a présenté un autre visage de Beethoven. Il a un jeu puissamment théâtral fait de contrastes marqués, parfois abrupts en termes de nuance et même de phrasé. Le son est magnifique, les nuances extrêmes. C’est du grand et beau piano mais cela convient-il à la troisième sonate ? Voilà un parti pris authentique et réalisé avec des moyens conséquents. Jean-Efflam Bavouzet va certainement nous révéler d’autres aspects dans les sonates plus tardives.

Claire Désert est à l’opposé toute de délicatesse et de subtilité. Son jeu est intériorisé, habité. Elle respecte la partition, en révèle bien des beautés sans vouloir la pousser vers ce que donneront les inventions de Beethoven plus tard dans les prochaines sonates. La fragilité assumée est un atout. La quête et le sens de la rhétorique installent un beau dialogue avec l’auditeur qui se laisse entraîner dans cette poésie musicale. C’est avec plaisir que nous écouterons d’autres sonates par Claire Désert. Pour ce premier concert dans l’auditorium petit à petit dardé de soleil, les conditions « extrêmes » pour le public sont un peu particulières. Mais il est passionnant d’écouter ces premières sonates souvent dédaignées. Elles sont d’un Beethoven qui développe une virtuosité importante dès la deuxième sonate. Il était à l’époque lui-même un virtuose admiré, explorant les possibilités digitales de l’interprète et sonores de l’instrument.

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C. Désert © C. GREMIOT

Hubert Stoecklin

Pour le détail des sonates je propose de lire sur le site du festival pour les indications exactes. Je garderai le numéro tout simplement, pour la lisibilité du texte.