Les 40 ans du festival de la Roque d’ Anthéron

Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 7 Août 2020.

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Intégrale des 32 sonates de L. V. BEETHOVEN (1770-1827).

Premier concert Auditorium du Parc 10 h. Sonates 1 ; 2 ; 3 ; 4 ; 5. Kojiro Okada. Nicholas Angelich. Jean-Efflam  Bavouzet. Claire Désert.

Le virtuose compose : les cinq premières sonates.

Le jeune pianiste Kojiro Okada né à Bordeaux ouvre donc ce marathon qui va nous permettre d’écouter sur deux jours en 6 concerts les 32 sonates de Beethoven. Ce qui est particulier dans cette intégrale c’est que chaque sonate est interprétée par un pianiste différent. Bien des « grands spécialistes » de Beethoven sont présents et ils vont jouer plusieurs sonates. Chaque « grand » a proposé un jeune pianiste de sa connaissance, un de ses élèves, pour participer à ce challenge. Je crois qu’il y a 20 ans le même challenge avait été proposé ici avec en plus Franck Braley. Et le « jeunes » se seraient  partagé les sonates de ce pianiste absent.

Notre écoute sera donc passionnante. Découvrir le mouvement dans lequel Beethoven, tout au long de sa vie, a composé pour l’instrument en construction passant du clavicorde, pour aller vers le piano-forte et le début du piano actuel. Il est peu de dire que Beethoven dans ses sonates a anticipé les possibilités de cet instrument roi. Nous allons pouvoir aussi comparer les choix interprétatifs, le son propre à chaque pianiste. Car l’instrument est le même et a été choisi pour tous. Un match à égalité en somme. Même acoustique, même instrument, à armes égales pour des interprétations très contrastées. Il fallait donc du cran à ce jeune homme pour se lancer dans l’ouverture de ce marathon avec la sonate numéro un qui n’est pas la plus facile pour faire état de ses talents. Le jeune pianiste de 21 ans s’en sort admirablement ; il a bien des qualités pianistiques et il est passionnant de se dire que ce jeune homme nous donne envie de l’entendre et dans d’autres programmes et dans d’autres sonates de Beethoven. Il a un toucher franc, une grande lisibilité au niveau de la structure et un très bel équilibrage du son, une belle rondeur et de belles nuances. Il sait admirablement développer les phrasés et nuancer son propos afin de nous faire découvrir les beautés de cette première sonate de Beethoven.

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K. Okado © C. GREMIOT

Pour la sonate numéro deux c’est le grand Nicholas Angelich qui est venu nous régaler car dans un équilibre parfait des dons du ciel il peut à la fois être d’une grande délicatesse et d’une grande puissance sans jamais utiliser ce que je nommerai ailleurs de la force. C’est cela la puissance interprétative : avoir la capacité à nous émouvoir par des moments de grande délicatesse des doigts qui provoque un véritable perlé de notes, ou une force de démiurge qui peut nous impressionner. Mais toujours avec une grande souplesse et une science des équilibres, des phrasés développés largement et une conscience de la structure de la sonate entière comme de chaque mouvement. Nicholas Angelich ou l’équilibre parfait des dons du piano. Nous avons déjà eu deux sonates ce jour la deux et la cinq et aurons d’autres fois l’occasion de commenter le jeu de ce géant de délicatesse.

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N. Angelich © C. GREMIOT

Le troisième pianiste ce matin est Jean-Efflam Bavouzet. Il nous a ouvert un autre monde, a présenté un autre visage de Beethoven. Il a un jeu puissamment théâtral fait de contrastes marqués, parfois abrupts en termes de nuance et même de phrasé. Le son est magnifique, les nuances extrêmes. C’est du grand et beau piano mais cela convient-il à la troisième sonate ? Voilà un parti pris authentique et réalisé avec des moyens conséquents. Jean-Efflam Bavouzet va certainement nous révéler d’autres aspects dans les sonates plus tardives.

Claire Désert est à l’opposé toute de délicatesse et de subtilité. Son jeu est intériorisé, habité. Elle respecte la partition, en révèle bien des beautés sans vouloir la pousser vers ce que donneront les inventions de Beethoven plus tard dans les prochaines sonates. La fragilité assumée est un atout. La quête et le sens de la rhétorique installent un beau dialogue avec l’auditeur qui se laisse entraîner dans cette poésie musicale. C’est avec plaisir que nous écouterons d’autres sonates par Claire Désert. Pour ce premier concert dans l’auditorium petit à petit dardé de soleil, les conditions « extrêmes » pour le public sont un peu particulières. Mais il est passionnant d’écouter ces premières sonates souvent dédaignées. Elles sont d’un Beethoven qui développe une virtuosité importante dès la deuxième sonate. Il était à l’époque lui-même un virtuose admiré, explorant les possibilités digitales de l’interprète et sonores de l’instrument.

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C. Désert © C. GREMIOT

Hubert Stoecklin

Pour le détail des sonates je propose de lire sur le site du festival pour les indications exactes. Je garderai le numéro tout simplement, pour la lisibilité du texte.