CRITIQUE, Concert, LA ROQUE d’ANTHERON, le 27 juillet 2023, Rameau, Grieg, Tharaud, Beethoven, Alexandre THARAUD, piano.
Le piano lumineux d’Alexandre Tharaud à La Roque
Dans ce parc aux arbres centenaires le plaisir est toujours grand de revenir l’été. Notre premier récital de la 43 ième édition ne déroge pas aux attentes. Le plaisir est grand de retrouver Alexandre Tharaud au jeu si élégant et que le monde entier acclame. Dans un programme original et défendu avec panache le pianiste français apparemment très détendu semble beaucoup prendre de plaisir à partager son art avec le public.
En débutant avec des extraits de la suite de danse en La de Rameau, il aborde son récital avec brio. Le jeu droit et très articulé permet à la musique de Rameau de briller de mille feux. C’est joyeux, beau et festif. Puis dans les pièces lyriques de Grieg le jeu se fait plus nuancé et plus sensible, tout en conservant une grande clarté de lignes. L’élégance est constante et tout semble couler avec facilité des doigts virtuoses du pianiste. La dernière pièce « Jour de Noces » retrouve en le développant le caractère festif si présent chez Rameau. La première partie du concert se termine sur des applaudissements nourris.
Après l’entracte l’interprète nous joue quelques pièces de sa composition. Petites pièces écrites au gré de ses voyages qui mettent en scène tout ce que des doigts et des mains virtuoses peuvent faire sur les touches du piano. C’est brillant et plein de surprises.
Pour finir son récital particulièrement généreux Alexandre Tharaud offre sa vision de la dernière sonate de Beethoven. Cette œuvre si particulière est à la fois un testament, un enterrement de la forme et une ouverture vers la musique de l’avenir. Elle peut sonner très différente selon les choix interprétatifs sans que jamais une version définitive ne puisse en dominer la forme et encore moins le fond. Ce soir sur le piano Yamaha choisi par l’interprète le son est particulièrement éclatant. Alexandre Tharaud dès les premiers accords joue large et met en valeur tous les plans avec une lumière presque crue. Ce Beethoven est assez surprenant par la seule utilisation de moyens pianistiques pour l’aborder. Alexandre Tharaud semble éviter toute recherche de sentiments, de recherche philosophique ou même de doutes. Il joue dans des tempi vifs sans s’appesantir sur les silences mettant en évidence toute la puissance, la virtuosité et la force de la partition. Les moyens du pianiste sont considérables. La force de la partition exulte. D’autres mettent en évidence la recherche, les doutes, les questions posées par Beethoven, notre interprète lui aborde en musicien cette partition inouïe et fonce tout droit. Le jeu limpide, les équilibres exacts entre les plans donnent une grande force constante et inattendue à cette sonate si particulière. Il n’y aura pas de dimension cosmique, de questions métaphysiques mais une puissance créatrice magnifiée par un art du piano peu commun. Le public de la Roque acclame l’interprète validant ainsi ses choix musicaux si originaux.
En bis Alexandre Tharaud retrouve sa joie d’un piano solaire avec une sonate de Scarlatti brillantissime. Puis reprenant un extrait de son dernier enregistrement Cinéma il nous touche avec une interprétation sensible du thème de la Liste de Schindler de John Williams.Alexandre Tharaud est un artiste qui sait nouer avec le public un lien particulier avec son jeu élégant et séduisant. Ce soir il est apparu particulièrement lumineux.
Hubert Stoecklin
Critique. Concert. La Roque d’Anthéron 43 ième édition. Parc du château de Florans, le 27 juillet 2023. Récital de piano. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : Suite en La, ext. ; Edvard Grieg (1843-1907) : Pièces lyriques, ext. ; Alexandre Tharaud (né en 1968) : Corpus volubilis, ext. ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n°32 en ut mineur op.111. Alexandre Tharaud, piano.
Photo : Pierre Morales