KANTOROW LOZAKOVICH un duo de génies : C’est Génial !

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-grains le 12 avril 2023. FRANCK : sonate violon ; BRAHMS : sonate violon ; SCHUMANN : Sonate violon. D Lozakovich, violon/A Kantorow, piano

La valeur n’attend pas le nombre des années.

Daniel Lozakovich (22 ans) au violon et Alexandre Kantorow (25 ans ) au piano sont deux jeunes musiciens hyperdoués qui en s’associant forment un duo de rêve. Il ne s’agit pas de l’association de deux virtuoses ou de deux amis. C’est bien davantage : une symbiose musicale, une mutualisation du génie. Les Grands Interprètes ont ainsi permis d’offrir aux toulousains la plus belle musique de chambre qui puisse exister. Leurs qualités de virtuoses sont comme mises en second par une intelligence musicale extraordinaire.

Alexandre Kantorow à La Roque d'Anthéron par Valentine Chauvin en 2021

Le programme va nous permettre d’évoluer en ardeur et la virtuosité va culminer dans la Sonate de Schumann si difficile. J’ai beaucoup d’admiration pour les concerts si savamment construits qui proposent au public un voyage balisé. Trois sonates et trois pays que les deux artistes nous commentent pour un voyage quasi magique. La sonate de Franck débute tout en douceur et en délicatesse. La nuance piano du violon et celle du piano sont comme un murmure qui va évoluer vers plus de lyrisme, tout en gardant toujours une certaine maitrise. Cette sonate si belle est rattachée à l’école française avec un parti pris de retenue et d’élégance. La richesse des coloris et de nuances variées est l’occasion d’un dialogue d’une grande subtilité laissant imaginer une longue complicité entre les deux musiciens… Le final est abordé avec beaucoup de panache, il entraine le public à applaudir généreusement. L’entracte permet de se remémorer un si beau nuancier de couleurs et une incroyable palette de nuances, comme il est rare d’entendre et surtout cette entente si magnifique entre les deux jeunes musiciens.

Daniel LOZAKOVICH

Pour la deuxième partie du concert les deux artistes enchainent la sonate de Brahms et celle de Schumann. La deuxième sonate de Brahms a un côté impromptu comme une succession de ballades ou de lieder. Le public est complètement sous le charme de cette interprétation subtile et comme improvisée. Les couleurs se développent encore et les nuances s’enrichissent. Cette succession de tableaux si beaux et si variés aurait pu continuer sans fin. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’absence d’applaudissements après le troisième mouvement :  un charme que personne n’a osé rompre. Avec la première sonate de Schumann le feu du jeu de Daniel Lozakovich fait décoller le piano généreux d’Alexandre Kantorow. La flamme passionnée s’élève et la virtuosité flamboyante illumine leur jeu. C’est grand, puissamment phrasé. Le piano devient orchestre, le violon âme qui chante. Et tout le programme prend son sens avec cette projection amenée vers cette passion romantique si extrême. Car cette sonate de Schumann est une œuvre tardive, le compositeur déjà malade ne cherche plus à maitriser son art, il laisse l’inspiration commander et les deux instruments sont poussés au-delà des limites du genre sonate. Chaque compositeur a fait évoluer le genre, Schumann le fait éclater. Les deux artistes galvanisés par leurs moyens techniques phénoménaux et leur entente subliminale se lâchent et trouvent un accord parfait avec cette incroyable sonate de Schumann. Le public exulte et fait une véritable triomphe aux deux musiciens radieux. Ils offrent deux bis le premier d’une infinie tendresse avec une pièce de Tchaïkovski et ensuite un diabolique scherzo de Brahms.

Les Grands Interprètes ont vraiment invité deux immenses musiciens qui forment un duo inoubliable. A quand des enregistrements pour offrir du bonheur à un public le plus vaste possible. Ces deux jeunes génies le méritent !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Récital. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 12 avril 2023. César Franck (1822-1890) : Sonate pour violon et piano en la majeur FWV 8 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violon et piano n°2 en la majeur, Op 100 ; Robert Schumann (1810-1856) : Sonate pour violon et piano n°1 en la mineur, Op 105 ; Daniel Lozakovich, violon ; Alexandre Kantorow, piano.