Michael Spyres le Tenorississimo !

CRITIQUE.CD. CONTRA-TENOR.MICHAEL SPYRES. IL POMO D’OR. FRANCESCO CORTI. 1CD ERATO durée : 72’54 ’’.

Michael Spyres TENORISSISSIMO nous offre un enregistrement orgiaque

Michael Spyres est un artiste unique qui se pose des questions sur sa voix, le répertoire, la technique vocale et l’histoire de l’opéra. Il a une tessiture exceptionnelle et l’explore sans cesse. Son précédent enregistrement intitulé Barytenor est bluffant, sidérant mais ne nous a pas totalement convaincu. Il a certes un medium sonore et des graves exceptionnels mais il manque une sorte de grain, de moelleux que nos chers barytons utilisent avec art. C’est un peu ce qui me manque même chez Placido Domingo qui fait une carrière de baryton enviable. Ce qui est certain c’est que Michael Spyres pousse l’auditeur dans ses retranchements et le critique également. Pour bien apprécier cet enregistrement de CONTRA-TENOR je me suis plongé dans mes « archives » afin de me demander quels ténors peuvent avoir été des précurseurs. Je dois dire que les qualités de Michael Spyres sont telles que je rends les armes. Il me faut faire appel à plusieurs immenses ténors pour couvrir cette vaste tessiture, ces vocalises inouïes, ces phrasés subtiles, cette adéquation stylistique parfaite et un chant dans chaque langue sans accent.

Nicolaï Gedda a eu probablement la versatilité, la perfection stylistique, l’aisance dans les langues et l’ampleur de la tessiture qui peuvent se rapprocher de Spyres.

Dans Lully et Rameau Spyres égale vocalement un Howard Crook pourtant idéal et le dépasse en adéquation stylistique.

Rockwell Black dans Vivaldi et Rossini est capable des mêmes vocalises les plus folles mais n’a pas la beauté vocale ni l’homogénéité de Spyres.

Ces exceptionnels ténors doivent s’agiter en entendant ce récital de Michael Spyres car il va plus loin que chacun d’eux…

Une chose est certaine, Michael Spyres est un vrai ténor, il en a les aigus faciles, clairs et irradiants, le grain serré du timbre, sa capacité de mixer les voix de tête et de poitrine est absolument parfaite et il fait ce qu’il veut de sa voix. Son medium et son grave sont idéalement placés et dans les immenses vocalises sur plus de trois octaves l’homogénéité du timbre est exceptionelle. Car même si nous critiquons un enregistrement je trouve important de savoir l’effet physique d’une voix pour la connaître vraiment. Dans Idoménée à Aix-en-Provence cet été j’avais été totalement convaincu et pour dire subjugué par l’interprétation de Michael Spyres.

Avec un air pour chaque compositeur les choix sont absolument enthousiasmants. De nombreux compositeurs sont totalement inconnus et ne nombreux airs tout simplement inédits. Chacun pourra se laisser séduire, pour ma part les airs de Domenico Sarro, Baldassare Galuppi et Gaetano Latilla m’ont particulièrement plus. Avec tant de virtuosité ainsi exécutée, je dois avouer que je les apprécie autant que les airs virtuoses pour soprano.

Sur une tessiture si vaste je ne connais qu’une chanteuse. C’est Yma Sumac capable de suraigus et de notes de contralto sur 4 octaves. Mais elle n’a pas abordé l’opéra en intégrale et restera un phénomène vocal unique. Rien de cela chez notre ténor assolutissimo.  Il semble pouvoir tout chanter à l’opéra !

C’est la musicalité de Michael Spyres qui me paraît la plus admirable.  Ainsi c’est dans l’air sobre d’Orphée de Gluck qu’il me touche le plus. Un français parfait, des phrasés subtils et des nuances délicieuses et jusqu’à une fragilité émouvante ont complétement renouvelé mon amour pour cet air sublime sans doute beaucoup trop entendu. Il n’y a pas que la voix qui est exceptionnelle chez Michael Spyres c’est sa musicalité, son extraordinaire connaissance stylistique. A ce titre il faut saluer le même niveau d’excellence d’Il Pomo d’Or et de la direction de Francesco Corti. Aussi caméléons que le ténor l’orchestre et le chef sont parfaits dans tous les styles, absolument tous, y compris dans Lully et Rameau. Ils donnent un coup de vieux aux enregistrements historiques de référence.

L’enregistrement est très précis à la fois proche de la voix caméléon et des instrumentistes dans une acoustique aérée. C’est très agréable et très beau. C’est donc une réussite totale et absolue !

Voici un enregistrement qui fait partie des merveilles vocales absolues, que tout amateur de voix chérira et placera au pinacle.

Critique. Enregistrement 1 CD ERATO 5054197293467. CONTRA-TENOR. Michael Spyres, ténor. Il Pomo d’Or Direction : Francesco Corti.  Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : « Cessons de redouter » et Passacaille extraits de Persée. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : « E il soffrirete … Empio per farti guerra » extrait de Tamerlano. Antonio Vivaldi (1678-1741) : « Cada pur sul capo audace » extrait de Artabano, re de’ Parti. Leonardo Vinci (1690-1730) : « Si sgomenti alle sue pene » extrait de Catone in Utica. Nicola Porpora (1686-1768) : « Nocchier, che mai non vide » extrait de Germanico in Germania. Domenico Sarro (1679-1744) : « Fra l’ombre un lampo solo » extrait de Achille in Sciro. Baldassare Galuppi (1706-1785) : « Vil trofeo d’un alma imbelle » extrait de Alessandro nell’Indie. Gaetano Latilla (1711-1768) : « Se il mio paterno amore » extrait de Siroe, re di Persia. Johann Adolf Hasse (1699-1783) : « Solcar pensa un mar sicuro » extrait de Arminio. Jean-Philippe Rameau (1683-1764) : « Cessez de ravager la Terre » extrait de Naïs. Antonio Maria Mazzoni (1717-1785) : « Tu m’involasti un regno » extrait de Antigono. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : « J’ai perdu mon Eurydice » extrait de Orphée et Eurydice. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : « Se di lauri » extrait de Mitridate, re di Ponto. Niccolò Piccinni (1728-1800) : « En butte aux fureurs de l’orage » extrait de Roland. Michael Spyres, ténor ; Il Pomo d’oro, direction : Francesco Corti. 1 CD Erato. Enregistré du 15 au 22 septembre 2020 à la Villa San Fermo de Lonigo (Italie). Notice de présentation en anglais, français et allemand. Durée : 72:54.