KANTOROW LOZAKOVICH un duo de génies : C’est Génial !

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-grains le 12 avril 2023. FRANCK : sonate violon ; BRAHMS : sonate violon ; SCHUMANN : Sonate violon. D Lozakovich, violon/A Kantorow, piano

La valeur n’attend pas le nombre des années.

Daniel Lozakovich (22 ans) au violon et Alexandre Kantorow (25 ans ) au piano sont deux jeunes musiciens hyperdoués qui en s’associant forment un duo de rêve. Il ne s’agit pas de l’association de deux virtuoses ou de deux amis. C’est bien davantage : une symbiose musicale, une mutualisation du génie. Les Grands Interprètes ont ainsi permis d’offrir aux toulousains la plus belle musique de chambre qui puisse exister. Leurs qualités de virtuoses sont comme mises en second par une intelligence musicale extraordinaire.

Alexandre Kantorow à La Roque d'Anthéron par Valentine Chauvin en 2021

Le programme va nous permettre d’évoluer en ardeur et la virtuosité va culminer dans la Sonate de Schumann si difficile. J’ai beaucoup d’admiration pour les concerts si savamment construits qui proposent au public un voyage balisé. Trois sonates et trois pays que les deux artistes nous commentent pour un voyage quasi magique. La sonate de Franck débute tout en douceur et en délicatesse. La nuance piano du violon et celle du piano sont comme un murmure qui va évoluer vers plus de lyrisme, tout en gardant toujours une certaine maitrise. Cette sonate si belle est rattachée à l’école française avec un parti pris de retenue et d’élégance. La richesse des coloris et de nuances variées est l’occasion d’un dialogue d’une grande subtilité laissant imaginer une longue complicité entre les deux musiciens… Le final est abordé avec beaucoup de panache, il entraine le public à applaudir généreusement. L’entracte permet de se remémorer un si beau nuancier de couleurs et une incroyable palette de nuances, comme il est rare d’entendre et surtout cette entente si magnifique entre les deux jeunes musiciens.

Daniel LOZAKOVICH

Pour la deuxième partie du concert les deux artistes enchainent la sonate de Brahms et celle de Schumann. La deuxième sonate de Brahms a un côté impromptu comme une succession de ballades ou de lieder. Le public est complètement sous le charme de cette interprétation subtile et comme improvisée. Les couleurs se développent encore et les nuances s’enrichissent. Cette succession de tableaux si beaux et si variés aurait pu continuer sans fin. C’est ainsi qu’il faut comprendre l’absence d’applaudissements après le troisième mouvement :  un charme que personne n’a osé rompre. Avec la première sonate de Schumann le feu du jeu de Daniel Lozakovich fait décoller le piano généreux d’Alexandre Kantorow. La flamme passionnée s’élève et la virtuosité flamboyante illumine leur jeu. C’est grand, puissamment phrasé. Le piano devient orchestre, le violon âme qui chante. Et tout le programme prend son sens avec cette projection amenée vers cette passion romantique si extrême. Car cette sonate de Schumann est une œuvre tardive, le compositeur déjà malade ne cherche plus à maitriser son art, il laisse l’inspiration commander et les deux instruments sont poussés au-delà des limites du genre sonate. Chaque compositeur a fait évoluer le genre, Schumann le fait éclater. Les deux artistes galvanisés par leurs moyens techniques phénoménaux et leur entente subliminale se lâchent et trouvent un accord parfait avec cette incroyable sonate de Schumann. Le public exulte et fait une véritable triomphe aux deux musiciens radieux. Ils offrent deux bis le premier d’une infinie tendresse avec une pièce de Tchaïkovski et ensuite un diabolique scherzo de Brahms.

Les Grands Interprètes ont vraiment invité deux immenses musiciens qui forment un duo inoubliable. A quand des enregistrements pour offrir du bonheur à un public le plus vaste possible. Ces deux jeunes génies le méritent !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Récital. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 12 avril 2023. César Franck (1822-1890) : Sonate pour violon et piano en la majeur FWV 8 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violon et piano n°2 en la majeur, Op 100 ; Robert Schumann (1810-1856) : Sonate pour violon et piano n°1 en la mineur, Op 105 ; Daniel Lozakovich, violon ; Alexandre Kantorow, piano.

Sensationnel Budapest festival orchestra !

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 4 avril 2023. DOHNANYI : Symphonic minutes. BARTOK: Cto. Violon n°1. STRAUSS : 3 Poèmes symphoniques. R Capuçon. Budapest Festival Orchestra. I Fischer.

 Au Top 10 mondial le Budapest festival orchestra

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Les Grands Interprètes invitent régulièrement le Budapest Festival Orchestra. Ces musiciens composent l’un des meilleurs orchestres du monde. Il est souvent primé dans le top 10 des orchestres. Ivan Fischer qui l’a créé en 1983 le dirige ce soir à Toulouse.  Ce sont les trois poèmes symphoniques de Richard Strauss qui mettent le mieux en valeur les qualités de l’orchestre comme du chef. Don Juan débute avec une énergie sidérante. Le dynamisme de la direction d’Ivan Fischer est total et l’orchestre sonne comme en transe. C’est absolument grandiose. Puis le thème lyrique dans une atmosphère mystérieuse nous envoute. Ce son de violon plein et nuancé réjoui l’oreille. Guy Braunstein avec une générosité réconfortante va nous envouter tout le long du concert en tant que violon solo. Il y a également les cors qui avec une solidité et une fermeté admirable illustrent le désir toujours renaissant du héros. Quel choc de les entendre si puissants et lyriques dans la partie centrale ! Les violons si engagés semblent de vif argent. L’orchestration riche et subtile de cette partition met en valeur la quantité illimitée de couleurs et de nuances dont cet orchestre est capable. La direction d’Ivan Fischer est solide et élégante. Tout est lisible et mis en perspective. La fin pleine d’une dimension spirituelle voir mystique a un côté magique.

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Ivan Fischer Sonja Werner

Puis les danses des sept voiles extraits de Salomé offrent une couleur plus orientale et une puissance rythmique tellurique. C’est très épicé et chaloupé. Le rubato est savamment utilisé par Ivan Fischer et l’orchestre semble en redemander !   La direction d’Ivan Fischer est toute de souplesse et donne une grande liberté dans les moments solistes. Le tempo endiablé donne une puissance érotique somptueuse à ces danses faites pour faire chavirer le beau-père de Salomé. Nous avons tous été embarqué dans ce voyage orientalisant ce soir. La dernière œuvre est le sensationnel et dramatique épisode qui raconte les tribulations et la mise à mort de Till Eulenspiegel. Dès le premier thème si déroutant Ivan Fischer installe un tempo rapide. Le ton général sera très humoristique même les moments dramatiques comme le roulement de tambour ont une distanciation pleine d’esprit. Toute une dramaturgie se déroule, les gags du héros sont illustrés par une orchestration pleine de surprises. Ce sont les bois qui ont les parties les plus originales et semblent ce soir particulièrement facétieux. Les solos de violons sont également très beaux et farceurs. Quelle élégance dans ces audaces ! L’orchestration sensationnelle de Richard Strauss semble insatiable. Comme si l’humour du sujet avait particulièrement inspiré le compositeur, puis les interprètes. En début de concert les minutes symphoniques d’Ernö Dohnanyi ont été comme un hors d’œuvre succulent. Œuvre rare est surprenante elle stimule l’écoute par des surprises dans une ambiance faussement facile. Il n’est guère que le premier concerto de Bartók pour violon qui a paru terne et en retrait en milieu de concert. Probablement en raison de jeu générique et peu engagé de Renaud Capuçon. Heureusement il a été ranimé par le violon solo de l’orchestre dans deux bis. Car dans leurs duos de violon de Bartók Renaud Capuçon s’est un peu plus engagé. Il a un peu réveillé son violon Guarneri dont le son n’avait jusque-là rien à voir avec le son plein et vibrant qu’Isaac Stern obtenait de cet instrument historique.

La fin du concert a prouvé que les musiciens de cet orchestre particulièrement chaleureux aiment tant la musique sous toutes ses formes. Pour les deux bis, deux groupes de musiciens ont tour à tour, à quatre, puis trois joué des sortes d’improvisations de Jazz à la Grapelli. Des violons babillards et des instruments graves (contrebasses tout particulièrement) dans une complicité totale ont été absolument jouissifs. Même Ivan Fischer s’est assis l’air réjoui de voir et d’entendre ses musiciens si heureux de partager ainsi une musique si vivante avec un public conquis. Le charme dégagé par ces musiciens est irrésistible.

Les Grands Interprètes peuvent se féliciter d’apporter la joie de la musique au public dans une qualité superlative. Dans notre société si angoissée et triste c’est presque miraculeux.

Hubert Stoecklin

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Critique. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 4 avril 2023. Ernö Dohnanyi (1877-1960) : Symphonic minutes, op.36 ; Béla Bartók (1891-1945) : Concerto pour violon et orchestre n°1, sz.36 ; Richard Strauss (1864-1949) : Don Juan, op 20 ; Danse des sept voiles ( Salomé) ; Till Eulenspiegel, op.28 ; Renaud Capuçon, violon. Budapest festival orchestra. Ivan Fischer, direction.

photos : DR

Le Caravansérail magnifie Scarlatti

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 28 mars 2023. SCARLATTI : œuvres sacrées. Le Caravansérail/ B Cuiller.

Stabat Mater magique et autres chefs d’œuvres sacrés

de Scarlatti le fils

Bertrand Cuiller et son Caravansérail ont enregistré il y un an une superbe version du Stabat Mater à dix voix de Scarlatti. Ce chef d’œuvre doloriste est entouré d’autres œuvres pour le concert de ce soir. A l’invitation des Arts Renaissants Bertrand Cuiller a concocté un programme original et séduisant. Le Caravansérail a une géométrie variable et s’adapte à chaque pièce. En petit effectif vocal le concert débute avec une messe à quatre voix, elle est dite de Madrid car c’est dans cette ville que le manuscrit a été retrouvé. Cette messe sobre et élégante ne contient rien d’audacieux ou même de nouveau. La fluidité des lignes, leur interpénétration est proche du style antique. Les voix choisies par Bertrand Cuiller sont superbes, les timbres se complètent et les harmoniques fusionnent. Le résultat permet de planer avec les voix et de rêver la paix, le calme et la détente comme si le bonheur était à notre portée. Puis la sonate pour clavier jouée à l’orgue a apporté une dimension pure et sereine. Jean-Luc Ho l’a jouée avec beaucoup de sensibilité.

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Le Te Deum en double chœur a vu l’équipe de chanteurs s’étoffer. Le principe du double chœur apporte beaucoup de vie à la musique qui envahi complètement l’espace.  Œuvre brillante et habilement rythmée ce Te Deum est pure joie. Les chanteurs expriment pleinement leurs qualités vocales de beauté de timbre et surtout de précision rythmique. Tout cela est particulièrement vivant. Pour finir le Stabat Mater à dix voix ouvre un espace de spiritualité offert tant aux hommes qu’au ciel. Cette plainte doloriste, en ses lignes d’une subtile sinuosité galbée semble nous faire oublier toute la médiocrité du monde. Cet abandon total qui nous est proposé repose sur une musicalité raffinée et des voix moelleuses aux phrasés subtils.

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Bertrand Cuiller dirige avec pudeur et propose de soutenir le phrasé et d’élargir les lignes plus qu’il n’impose quoi que ce soit. Les instrumentistes sont des partenaires de grand talent qui participent activement à cette fête de musicalité pleine de spiritualité paisible. Le texte du Stabat Mater est illustré par des phrasés variés mais tout reste dans une grande élégance et une maitrise stylistique pure. Rien de violents de provoque une crise, tout est doux et enveloppant. Même l’évocation de la peine et des larmes console plus qu’elle n’inquiète.  Tant de beauté, de pureté et de consolation ne pouvait se terminer ainsi. Le public des Arts Renaissants a fait un grand succès aux interprètes qui devant les applaudissements nourris ont accepté de bisser le début magique du Stabat Mater. La beauté si particulière de cette œuvre subjugue. C’est bien cette œuvre qui reste dans la mémoire apportant tant de subtilité aux auditeurs et qui semble également nourrir les interprètes dont les visages heureux s’illuminent.

Les Arts Renaissants nous ont offerts un bien beau concert d’œuvres sacrées variées et de grande qualité par des interprètes de grand talent.

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Église Saint Jérôme, le 28 mars 2023. Domenico Scarlatti (1685-1757) : Messe de Madrid ; Sonate pour clavier K.30 ; Te Deum à double chœur ; Stabat Mater à 10 voix et basse continue. Le Caravansérail. Direction : Bertrand Cuiller.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 28 mars 2023. SCARLATTI : œuvres sacrées. Caravansérail. Cuiller.

Photo Monique Boutolleau

Tugan Sokhiev et son ex-orchestre sont toujours en phase !

Le grand retour de Tugan Sokhiev vers son public avec  son ex-orchestre

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Moins de 8 jours après le concert historique dans cette même salle avec les Wiener Philharmoniker Tugan Sokhiev récidive dans un nouveau programme entièrement dédié à la musique russe.

A n’en pas douté c’est un acte de foi qui l’anime. Tant blessé par cette guerre, l’ostracisme qui en a suivi vis-à-vis des artistes russes et la menace faite par certain à la culture russe il défend la musique de son pays avec énergie.

Le concert débute avec La Grande Pâques Russe de Rimski-Korsakov. Page colorée, variée et vivante, elle nous offre un voyage vers la Russie éternelle et dans les couleurs rutilantes de l’orchestre. Tugan Sokhiev confiant et heureux semble « revenir à la maison ». Coté salle également il y de la joie et de la nostalgie. Salle bondée comme au bon vieux temps lorsque le chef nous faisait découvrir sa riche programmation et entrainait l’orchestre sur des voies nouvelles. L’alchimie perdure, voici le deuxième des trois concerts de la saison que le chef accorde à l’Orchestre du Capitole. La deuxième œuvre est une création française d’une œuvre de 2022. Crée au Concertgebouw d’Amsterdam pour son hautboïste solo, Alexei Ogrintchouk. Le soliste créateur est là ce soir. L’œuvre est dédiée à la fuite du temps ; thème oh combien éternel… Ce concerto sonne élégant et clair, il n’y a là rien de révolutionnaire, ni rien de convenu non plus. Par moment il y a des passages très beaux et très lyriques. L’orchestre est composé avec soins en petit nombre mais savamment utilisé ; Les percussions sont subtiles, la harpe surprenante. Le temps passe, l’eau coule, le vent geins et le hautbois tour à tour joyeux ou plaintif montre toute sa palette expressive, cette partition est très variée. Le hautbois a une virtuosité constamment sollicitée mais sans ostentation. Bien évidemment chacun semble y trouver du plaisir, Tugan Sokhiev est très attentif, l’orchestre est très engagé et le soliste est très impliqué. Le public lui n’est pas conquis dans sa totalité. Les applaudissements fusent devant la performance, il n’y aura pourtant pas de bis du soliste.

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La deuxième partie du programme nous permet de retrouver la neuvième symphonie de Chostakovitch. C’est une œuvre que Tugan Sokhiev et son orchestre ont déjà jouée en public. Il y a dans ce choix une véritable provocation tant cette partition garde une capacité d’irritation encore chez une partie du public. Alors que Staline et le monde attendait une œuvre grandiose avec chœur final à la manière d’un hommage à Beethoven, à la fin de la guerre et à la gloire du régime soviétique Chostakovitch offre une courte œuvre que lui-même qualifiant de cirque… Humour grinçant, jubilation féroce et pourtant gracieuse l’orchestre et le chef se lancent avec panache dans cette pocharde. Les musiciens brillent de mille éclats et Tugan Sokhiev se défoule et s’engage dans cette lutte contre tous les pouvoirs abusifs. C’est brillant, virtuose, douloureux dans le deuxième mouvement mais au final ce n’est pas vraiment heureux et même un peu frustrant. La dérision semble être l’arme la plus adaptée dans notre monde à la dérive.

Ce concert a scellé l’accord entre les musiciens de l’orchestre, Tugan Sokhiev et le public. Ce n’est pas rien cela. Souvenons-nous de la démission fracassante de Tugan Sokhiev il y a juste un an. L’émotion n’était pas feinte lorsque Tugan Sokhiev a remis le bouquet de fin de carrière à François Laurent la flûte solo de l’orchestre si aimée du public. Souriant en bord de scène le grand flûtiste n’avait pas joué ce soir, diminué par la maladie. Et quel subtil hommage du pupitre des flûtes avons-nous entendu ! Cette image en disait long sur le combat actuel sur la retraite, le prix de la vie, la puissance de l’amitié, l’appel à la paix et surtout le besoin de musique plus que jamais.

Hubert Stoecklin

j’ai  retrouvé sur Medici TV le concert de 2017 ou Tugan Sokhiev dirige cette même symphonie de Chostakovitch

Photo : Romain Alcaraz

Critique. Concert. Halle-aux-Grains, le 23 mars 2023. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : La Grande Paques Russe op.36 ; Alexandre Raskatov (né en 1953) : Time’s River, concerto pour hautbois, création française ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°9 en mi bémol majeur op.70 ; Alexei Ogrintchouk, hautbois ; Orchestre National du Capitole ; Direction : Tugan Sokhiev.

TUGAN SOKHIEV ET LES WIENERPHILHARMONIKER comme un songé éveillé

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 18 mars 2023. RIMSKI-KORSAKOV : Shéhérazade. TCHAIKOVSKI : Symph 4. Wiener Phil. Sokhiev.  

Un concert en tout point exceptionnel et renversant !

On l’attendait ce retour de Tugan Sokhiev ! La Halle-aux-Grains était pleine à craquer ! Double joie pour un public galvanisé, entendre l’orchestre le plus aimé au monde, le Wiener Philharmoniker qui réjouit le monde musical par son excellence tant au disque (combien d’enregistrements de références ?) qu’à la fosse de l’Opéra de Vienne, qu’en vidéo le premier de l’an pour un concert de diffusion planétaire. Soient loués Les Grands Interprètes qui sont arrivés à les faire s’arrêter à Toulouse pour ce concert dans leur tournée, tout juste avant un concert à Lisbonne.

Cet évènement aurait suffi à remplir la Halle-aux-Grains mais il y avait autre chose de très spécial.

Österreich, Wien, Wiener Philharmoniker, Musikverein
Wiener Philharmoniker © Lois Lammerhuber

Tugan Sokhiev a laissé tant de bons souvenirs à Toulouse en 14 ans auprès de l’Orchestre du Capitole et de son cher public. Son départ si brutal, provoqué par une « maladresse » politique ne cesse de nous peiner. C’est comme une revanche de le voir diriger dans cette même salle en toute simplicité l’orchestre le plus prestigieux du monde :  mes aïeux quel concert ce soir-là !

Dans une ambiance survoltée des grands soirs, alors que les queues pour rentrer dans la salle étaient tout juste finies, chacun trouvait sa place fébrilement. Et de découvrir qu’il n’y avait aucun musicien sur scène…. Pas une note répétée par un violon, un hautbois, une trompette ? Étaient-ils seulement là ?  Et c’est ainsi que nous avons eu le premier choc. En une rapidité d’éclair les musiciens entrent sous les applaudissements constants du public, prennent leur place et restent debout, ne s’asseyant que tous présents et parfaitement immobiles… jamais je n’avais vu cela ! Première ovation du public subjugué après un LA trouvé le temps d’un soupir tous ensemble ! C’est stupéfiant, cette solidité, cette élégance, ce calme souverain. Puis tout est allé très vite Tugan Sokhiev est rentré ovationné par son public, un regard circulaire du chef et nous partons avec Shéhérazade de Rimski-Korsakov pour le plus beau voyage musical qui se puisse imaginer. Un véritable conte de fées. Le son des Wiener Philharmoniker ne peut pas être décrit avec tout ce qu’il contient. Il y a d’abord la profondeur du son des cuivres. Dans le thème du Sultan qui ouvre le voyage c’est une véritable angoisse qui nous saisit alimentée par les fréquences qui traversent le corps et pas seulement les oreilles. Les vents diaphanes et délicats suivent puis le violon solo prend la parole de Shéhérazade et le chant d’Albena Danailova va nous envoûter avec une séduction irrésistible qui heureusement se renouvèlera tout le long du poème symphonique. Le pupitre des violons est aussi source de délices inénarrables. Comment une telle présence douce et puissante à la fois est-elle possible ? Comment cette transparence et cette profondeur peuvent-elles coexister ? Le hautbois sait être d’une troublante beauté dans des rythmes chaloupés à se damner. Les trompettes sont claires et victorieuses sans avoir recours à la moindre brutalité. Le basson solo a un humour sidérant avec une sonorité ronde enveloppant tout le corps. Et je n’oublie pas la caisse claire et les timbales, les percussions aussi sont extraordinaires. Il y a un véritable effet « physique » de cet orchestre qui vous subjugue par sa force et sa délicatesse. A l’écoute des enregistrements bien des qualités de cet orchestre sont évidentes mais au concert les voir et les ressentir fait vivre un moment qui a quelque chose d’unique.

La direction de Tugan Sokhiev est chorégraphique et absolument charmante. Tout est mis en valeur avec évidence, les nuances profondément creusées, les phrasés alanguis ou resserrés accompagnent l’évocation du plus beau conte oriental. Nous connaissons son interprétation de cette si belle musique, nous devinons ce soir qu’il est lui-même sur un petit nuage obtenant tant de splendeur avec de tels musiciens.

Sokhiev Toulouse © Marc Brenner
Sokhiev Toulouse © Marc Brenner

A l’entracte il semble important au public de partager ce bonheur si intensément vécu dans des papotages incessants.

La deuxième œuvre au programme va aller plus loin, beaucoup plus loin encore dans le drame cette fois-ci. La quatrième symphonie de Tchaïkovski, toute emplie du poids du fatum, semble être une œuvre particulièrement proche à Tugan Sokhiev. Dès la fanfare d‘ouverture les Wiener Philharmoniker vont lui offrir un son d’une profondeur abyssale, effrayant et terriblement beau.  Avec des cordes porteuses d’une douleur insondable, des clarinettes en confidences intimes et des violoncelles si chantants, Tugan Sokhiev, comme en transe, obtient la version la plus dramatique que je lui connaisse. Il y va probablement de la vie du chef de défendre ainsi la musique de son compositeur préféré. Dans son bouleversant communiqué où il renonçait à diriger et l’Orchestre du Capitole et le Bolchoï, il avait dit combien de ne plus jouer de musique russe lui était impossible.  Il le prouve ce soir de manière éclatante, avec un orchestre merveilleux et dans la ville même à l’origine de l’injonction, cause du départ fatal. Aujourd’hui Tugan Sokhiev est un artiste intègre et de plus en plus engagé dans son crédo : la musique transcende tout et rassemble avant tout dans la paix. Mûri, moins hyper contrôlé, il ose ce soir une interprétation particulièrement puissante. Peut-être est-ce de savoir qu’il compte sur un orchestre particulier qui même dans la violence ou la douleur garde une élégance suprême. C’est en tout ce paradoxe qu’incarnent les Wiener Philharmoniker, puissance et grâce enchâssées. Voir la chorégraphie de Tugan Sokhiev dirigeant si intensément, le voir s’y épuiser et obtenir tant de cet orchestre est très émouvant. Cet orchestre séculaire qui à force d’excellence a été dirigé par ce que le monde connaît de plus belles baguettes, se laisse emporter par un chef russe dans sa patrie martyrisée et avec lui défend une somptueuse musique que rien ne doit faire taire. Ce soir Tugan Sokhiev qui termine le concert en nage aura joué sa vie d’artiste sous nos yeux. Quelles émotions !

Un concert absolument inoubliable pour toutes ces raisons et d’autres encore.

IL est possible de voir et revoir ce concert exceptionnel en tous points, magnifiquement filmé sur ARTE TV. Oui Tugan Sokhiev dirige en une chorégraphie pleine de grâce je vous l’assure.

Affiches Artistes

Un petit bis probablement choisi par l’orchestre la polka Unter Donner und Blitz de Johann Strauss, avec un humour ravageur va achever la réconciliation. Tugan Sokhiev comme un enfant aux anges ne fera que commenter de gestes touchants ce que les musiciens lui offrent, il ne dirige plus il exulte. Et nous tous aussi.

Les inoubliables Wiener Philharmoniker resteront dans nos cœurs comme messagers de beauté, de paix et de bonheur parfait. Un immense merci aux Grands Interprètes de les avoir invités !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains le 18 mars 2023. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Schéhérarazade, suite symphonique op.35 ; Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n°4 en fa mineur, Op.36 ; Wiener Philharmoniker. Tugan Sokhiev, direction.

Toulouse ville de musique et de musiciens

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-Grains, le 17 mars 2023. FRANCK. ATTAHIR. T. Garcia. P. Bleuse. Orch Nat Cap

Toulouse ville de musique et de musiciens : un Trio de toulousains au sommet

Il n’est pas interdit de faire cocorico ce soir tant la ville rose peut s’enorgueillir de la place accordée à la musique. L’Orchestre National du Capitole rayonne mondialement et récemment encore sa magnificence dans le Tristan et Isolde de Wagner en a ébloui plus d’un. Les solistes internationaux nés à Toulouse sont nombreux. Ce soir Thibaut Garcia l’un des guitaristes les plus doués du moment revient en terre conquise avec la création d’un concerto en première mondiale. Le compositeur Benjamin Attahir qui en eu la commande est également un Toulousain. Cette œuvre d’un seul tenant est complexe et pourtant facile d’écoute car une grande clarté permet dans l’alternance et le dialogue de l’orchestre et de la guitare de toujours suivre ce qui se passe. Chaque instrument de l’orchestre aura la parole, avec une utilisation de nombreuses percussions. La guitare joue presque tout le temps. Cette partition exigeante est soigneusement dirigée par Pierre Bleuse. Le musicien, est toulousain lui aussi ! Il fait depuis qu’il a laissé le violon une riche carrière internationale en tant que chef d’orchestre. Son intense activité internationale lui laisse encore le temps de rentrer au pays et c’est tant mieux. C’est avec grand plaisir que le public le retrouve à la tête de l’orchestre du Capitole qu’il connaît bien. Il y a peu, le 23 février dernier, il avait dirigé l’Orchestre National de France.  Son engagement est total et il est assez fascinant de voir combien il met de plaisir autant que d’énergie à diriger cette partition toute nouvelle. Tout est limpide sous sa direction précise. Le soliste est très soutenu et l’équilibre est savamment construit avec l’orchestre qui s’il est souvent en échanges chambristes variés avec la guitare peut dans des tutti complexes menacer de l’engloutir. La sonorisation du fragile instrument à cordes pincées est en fait très aventageuse, presque trop dans les moments chambristes. Elle trouve toute sa nécessité dans ces tutti tonitruants. Le final avec une certaine urgence assez dramatique donne beaucoup de brillant.  Cette belle partition vient enrichir un catalogue bien peu fourni réunissant un orchestre symphonique et la guitare. Le public semble avoir apprécié cette création et a applaudit vivement les artistes ainsi que le compositeur venu saluer sur scène et féliciter les musiciens. Thibaut Garcia joue en bis une très musicale adaptation des Voix humaines de Marin Marais.  Le reste du programme, entourant la création, est consacré à César Franck. D’abord avec une ouverture spectaculaire : le Chasseur maudit. Pierre Bleuse lui donne toute la dramaturgie attendue. Les couleurs de l’orchestre irradient, les rythmes sont implacables, le drame avance et le final est enthousiasmant. En deuxième partie de programme nous retrouvons la trop rare symphonie en ré mineur de César Franck. Dès les premières mesures nous sommes pris par l’ampleur des sonorités de l’orchestre. La direction charpentée et énergique du Pierre Bleuse ne nous lâchera pas. La partition déploie ses sortilèges quasi-wagnériens et toute sa flamboyance avec de tels interprètes. L’orchestre est superbe de couleurs et de timbres. Les musiciens semblent tout à leur aise dans cette œuvre extravertie et de haute tenue. Tugan Sokhiev en 2009 nous avait offert une version plus souple et joyeuse. Ce soir c’est la flamboyance et la grandeur qui sont mises en valeur. C’est splendide !

Le public fait un triomphe à l’orchestre et particulièrement à Pierre Bleuse, l’enfant prodige de retour au pays.

Le concert est diffusé en direct sur France musique et peut s’écouter en podcast.  

Durant la répétition la veille. P Bleuse face à l’orchestre, B Attahir et T Garcia au premier rang regardant la partition

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 17 mars 2023. César Franck (1822-1890) : Le chasseur maudit M 44. Poème symphonique : 1. Le Paysage paisible du dimanche ; 2. La Chasse ; 3. La Malédiction ; 4. La Poursuite des démons ; Symphonie en ré mineur FWV 48 ; Benjamin Attahir (né en 1989) : El Biir, Concerto pour guitare (2022), Création mondiale. Thibault Garcia, guitare ; Orchestre National du Capitole ; Pierre Bleuse, direction.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-Grains, le 17 mars 2023. FRANCK. ATTAHIR. T. Garcia. P. Bleuse. Orch Nat Cap

Photo : Pierre Bleuse (©Marine Pierrot Detry)

Répétition DR

WINTEREISE D’ ANTHOLOGIE AVEC MATTHIAS GOERNE

Critique. Concert. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 24 février 2023 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Le Voyage d’Hiver ; Matthias Goerne, baryton ; Anton Mejias, piano.

Matthias Goerne © Caroline De Bon
Matthias Goerne © Caroline de Bon

Artiste autant connu en récital qu’en interprétant de grands rôles à l’opéra, Matthias Goerne parcourt le monde avec grand succès.  Nous avons la chance à Toulouse de pouvoir compter régulièrement sur sa présence musicale si passionnante. Ainsi son récital de lieder consacré à un monument exigeant : le somptueux voyage d’hiver de Schubert, a-t-il fait une belle audience. Le public toulousain semble prendre gout à ses soirées de lieder et la salle du Capitole était bien pleine ce soir. Le baryton-basse a livré une interprétation d’anthologie. Un sens aigu du texte, un chant légato en volutes subtiles, des nuances puissamment creusées et surtout des couleurs très variées avec un timbre abyssal et une capacité à l’alléger très dramatique construisent une interprétation émouvante.

Le public a su attendre la fin du cycle pour faire un triomphe au grand chanteur. Ce qu’il est nécessaire de souligner c’est la confiance faite par Matthias Goerne au très jeune pianiste (22 ans ! ) Anton Mejias. Le jeu du pianiste est absolument sidérant de présence et on devine une vraie admiration réciproque. Capable de nuances extraordinaires, ce jeune artiste sans jamais se mettre en avant arbitrairement sait prendre toute la place donnée par le piano de Schubert. Ainsi les deux vraies personnalités artistiques dialoguent pour une interprétation inoubliable de ce cycle.

Mejias
Anton Mejias.

Le Capitole nous a offert une grande soirée de lieder par des interprètes absolument engagés. Nous attendons à présent la prise de rôle en Roi Mark dans Tristan au Capitole pour Matthias Goerne. Nul doute que cet art du lied fera merveille dans le long monologue du roi trahi à l’acte deux. Comme son Amfortas dans Parsifal en février 2020 qui nous avait émus.

Hubert Stoecklin

Mini concert … ça arrive aussi !

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 9 fév 2023. DEBUSSY. CHAUSSON. ELGAR. Orch Nat Capitole. L.Faulisi. W.Ng.

Mini concert… pour spectateurs peu nombreux…

Le public n’était pas bien nombreux ce soir dans la vaste Halle-aux-Grains, les galeries hautes étant presque vides.  Au final ce concert n’a pas été à la hauteur des attentes. Et bien loin des promesses sur le papier.

WIlson NG © Jino Park
WIlson NG © Jino Park

Auréolé d’annonces élogieuses le violoniste de 20 ans Luka Fausili n’a pas du tout été convainquant. Un son terne, des nuances absentes et jeu désincarné : le poème pour violon d’Ernest Chausson n’a pas du tout vibré ni ému. Les bis offerts par le jeune homme ne lui ont pas permis de rétablir les choses. Un Bach amorphe et un Debussy (le fameux Syrinx pour flute solo) si acide et placide que plus d’un ne l’a pas reconnu. Il s’est agi d’une probable méforme, du moins espérons-le…

Le chef Wilson Ng a lui également été peu inspiré. La Tarentelle Styrienne de Debussy a totalement manqué de subtilité, d’allant et même de charme. Le poème de Chausson bien en place, sans la moindre musicalité est resté au port. La symphonie d’Elgar a été rapprochée par le chef des Pomp and Circumstance bien loin de subtilités des Variations Enigma, alors que cette première symphonie d’Elgar regorge de richesses. Sans nuances, sans recherches de couleurs et sans phrasés cette symphonie devient insipide et juste bruyante. Quel gâchis !

L’orchestre du Capitole lui-même a semblé en petite forme et comme à distance de ce non-évènement.

Une consolation pourrait être de se dire que les plus beaux solistes de l’orchestre seront dans la fosse du Capitole où Tristan et Isolde est actuellement en répétition avec un chef d’une autre trempe ! Et c’est lors des 4 représentations de Tristan et Isolde au théâtre du Capitole que les splendeurs dont cet orchestre est capable seront révélées.

Ce soir un chef aux moyens modestes et un violoniste atone n’ont pas permis aux œuvres de décoller ni à l’orchestre de vibrer. Le public a été poli sans plus. Plus enclin à partir que de commenter.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 9 fév 2023. DEBUSSY : Danse ( Tenrantelle Styrienne). CHAUSSON : Poème pour violon et orchestre. ELGAR : Symphonie n°1. Orch Nat Capitole. L. Faulisi, Violon. Direction : W. Ng.

9 iéme Symphonie de Mahler superlative

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, Halle-aux-Grains, le 8 dec 2022. MAHLER.  Symphonie 9. Orch. Phil. de Radio France. M.W. Chung.

Une neuvième de Mahler idéale

Les Grands Interprètes ont invité le chef coréen Myung-Whun Chung à la tête d’un orchestre qu’il connaît bien pour l’avoir dirigé longtemps (de 2000 à 2015), le Philharmonique de Radio-France.

Ces retrouvailles dans la musique de Mahler semblent être un moment apprécié du chef comme de l’orchestre. L’osmose a été totale. Dirigeant sans baguette entièrement absorbé par cette vaste symphonie testamentaire, le contact avec l’orchestre a été profond. Le public a vécu un moment d’une rare intensité. Péché véniel que ces applaudissements après les mouvements. Le dernier long silence après les dernières notes de la symphonie imposé par le chef a signé le charisme intense du chef en ses grands soirs. 

Le premier mouvement a débuté dans un grand mystère et s’est développé avec un art des phrasés surnaturel. La beauté des soli instrumentaux bien souvent dans de périlleuses nuances piano a semblé sortie de rêves. La moquerie, l’impertinence dans le deuxième mouvement ont vraiment marqué un contraste absolu avec l’élégance de l’andante. Typiquement mahlerien ce choc a apporté une vie incroyable. Le rondo avec ses traits rapides a été dirigé avec une grande précision et quelque chose de jubilatoire. Là aussi le contraste a été très réussi. Les instrumentistes se distinguent par une facilité incroyable. Les plans parfaitement organisés et d’une lisibilité totale ont permis de véritablement déguster un grand orchestre auquel rien n’est impossible. Le final débute avec une plainte des violons fortissimo dont la puissance a véritablement enveloppé l’auditeur provoquant une émotion très particulière à la fois d’une profonde tristesse et pleine d’espoir. La manière dont Myung-Whun Chung phrase tout ce mouvement tient du miracle, c’est à la fois large, puissant et bienveillant. Cette humanité transfigurée est d’une telle beauté que l’auditeur se sent transporté ailleurs, loin, très loin… passant d’une musique à la dimension cosmique au plus intime  solo de violon, puis au silence. Nathan Mierdl en violon solo est angélique. Myung-Whun Chung fait du silence final le point d’orgue de la symphonie et retient dans un souffle, musiciens et public pour un moment mystique. Les nuances infimes, les silences habités, les couleurs infinies, la puissance cosmique de tout l’orchestre, tout a été d’une incroyable perfection orchestrale et se rappellent à nous dans ce silence bienheureux. Mahler dans sa dimension si humaine est ici comme réincarné et devient très proche.

Myung-Whun Chung est un très, très grand chef et le Philharmonique de Radio France un orchestre absolument somptueux. Ce soir nous avons vécu un très grand concert et Mahler a été exaucé en ses contrastes les plus inouïs.

Photo DR

La satisfaction du chef a semblé totale et le public a exulté. De longs applaudissements ont salué cette interprétation exceptionnelle.

Hubert Stoecklin

Critique.  Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 8 décembre 2022. Gustave Mahler (1860-1911) : Symphonie N°9. Orchestre Philharmonique de Radio-France. Myung-Whun Chung, direction.

crédits photos : © Jean-Francois Leclercq

Lien vers Mahler 9 : https://youtu.be/7NKvBNliyN8

Amandine Beyer et les Incogniti : une bulle de bonheur

CRITIQUE. Concert. TOULOUSE. Église Saint Gérôme, le 6 dec 2022.  VIVALDI. ALBINONI : Il mondo roverso. Gli incogniti. A.Beyer.

La bulle de bonheur créée par Amandine Beyer et les Incogniti.

La saison des Arts Renaissants offre depuis 40 ans aux Toulousains des concerts d’artistes rares, toujours fins musiciens, parfois un peu atypiques et que le public est ravi de découvrir. Cette saison des 40 ans est marquée par un lustre particulier. L’invitation faite par Jean-Marc Andrieu, le directeur artistique, à Amandine Beyer qu’il connaît bien, permet au public d’entendre tout simplement le plus beau Vivaldi du moment. Amandine Beyer a créé les Incogniti avec ses amis en 2006 et leur premier enregistrement en 2008 a été dédié à Vivaldi.  Ce CD a fait l’effet d’une bombe. La scie musicale représentée par les Quatre saisons de Vivaldi est redevenue une œuvre magique que nous n’avions jamais entendue ainsi. Sous leurs doigts, le succès a été total, public et critique. C’est cette magie qui perdure dans tout ce qu’ils font et tout particulièrement dans la musique de Vivaldi. Ils en sont à leur troisième enregistrement qui vient de paraître et dont le concert est une version ramassée.

Ce concert ouvre la joie, la lumière du soleil, la générosité et la beauté de chaque instant sous les voûtes froides de l’église Saint Gérôme. L’entente musicale entre les artistes illumine leur jeu souverain. Tout est élégance, légèreté, souplesse et danse dans ces concertos. Chaque musicien est un soliste de haut vol. Amandine Beyer règne par sa grâce et son sourire, son archer est un papillon, un oiseau libre dont le vol est magique.

Ce florilège de concertos propose des associations originales qui chaque fois sont merveilleusement interprétées. Le hautbois de Neven Lesage, est délicat et sensuel, ses longues phrases sont superbes et il semble planer dans les mouvements lents et s’envoler dans les notes virtuoses, rien ne le maintient au sol. Le violoncelle de Marco Ceccato est bonhomme et sensible. Quel étonnant dialogue avec Amandine Beyer dans le RV 544 « Il mondo rovescio » qui donne son nom à ce programme.  

C’est la fête de la joie, une bulle de bonheur dans laquelle le public venu nombreux s’est plongé avec délice et reconnaissance en ces temps troublés, oui ce soir c’est bien là le bonheur !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Eglise Saint Gérôme, le 6 décembre 2022. Tomaso Albinoni ( 1671-1751) : Concerto a cinque con oboe en ré mineur op.9 n°2 ; Antonio Vivaldi (1671-1751 : Concerto en do majeur RV 114 ; Concerto pour violon et violoncelle en fa majeur RV 544 «  Il proteo ossia il mondo rovescio » ; Concerto pour violon en la majeur RV 344 ; Concerto pour violon et hautbois à l’unisson RV 543 ; Concerto pour violon en mi mineur RV 278 ; Concerto pour violon, hautbois et orgue en do majeur RV 554 ; Gli Incogniti : Neven Lesage, hautbois ; Vadym Makarenko, Alba Roca, violons ; Marta Paramo, alto ; Marco Ceccato, violoncelle ; Elias Conrad, théorbe ; Baldomero Barciela, violone ; Anna Fontana, clavecin et orgue ; Amandine Beyer, violon et direction.

Photos © : Honorato

Tugan Sokhiev retrouve Toulouse pour un concert mémorable

CRITIQUE.CONCERT. TOULOUSE. Halle-aux-Grains, le 17 Nov. 2022. A. BRUCKNER. Symph.8. Orchestre National du Capitole de Toulouse. T. SOKHIEV.

Pour un concert Tugan Sokhiev est de retour, musiciens et public exultent !

Lors de la répétition le sourire scelle l’amitié avec l’ orchestre du Capitole malgré tout ….

D’abord les mesures drastiques durant la pandémie ont privé le public d’une grande partie des concerts mais c’est surtout la maladresse impardonnable de la politique locale qui a privé les Toulousains de plusieurs magnifiques concerts avec le Maestro Sokhiev. 

photo de Romain Alcazar

L’ovation publique à l’entrée sur scène de Tugan Sokhiev libérait la fin de la rage (d’en avoir été privé) et la joie (de le retrouver) comme rarement lors d’un concert. Tugan Sokhiev sombre et concentré ouvre le concert avec une certaine tension qu’expliquent certes les difficultés de la partition, cette symphonie de Bruckner est un monument dangereux pour les chefs les plus avertis, et surtout la victoire sur lui-même qui lui a permis de revenir là où il avait été insulté. Il a pardonné semble-t-il et revient pour son amour de la musique partagé avec ses amis musiciens et ce public qui l’adore. L’ambiance est changée. Une certaine légèreté un enthousiasme joyeux ne se retrouvera plus, certes Tugan Sokhiev a 45 ans mais ce sont plus les évènements recents qui sont responsables de ce changement, plus que l’âge. Les concerts qu’il donnera avec son « ancien orchestre » sont comptés, il y en aura trois dont celui-là. Et il viendra à Toulouse en Mars comme une revanche avec l’un de orchestres les plus merveilleux du monde : La Philharmonie de Vienne.

Photo Romain Alcaraz

Ce soir c’est un magnifique retour avec Bruckner. Le premier mouvement de la 8° symphonie est marqué par une grandeur assumée et une tension ménagée avec art. Un grand chef et un grand orchestre rendent cette partition plus compréhensible, plus clairement charpentée dans une splendeur sonore de chaque instant. Loin des interprétations grandiloquentes qui sont parfois confuses. Avec Tugan Sokhiev tout est clair, limpide et grand. C’est le deuxième mouvement qui permet de retrouver la complicité souriante du chef et des musiciens, la gourmandise aussi. Voir son sourire en lançant les péroraisons des gros cuivres, la malice partagée, la souplesse rythmique sont un vrai bonheur. Ainsi ce Scherzo trouve le caractère que peu de chefs savent lui donner.  Le trio central prépare à la mélancolie de l’Andante. Le retour des thèmes vivants et dansants avec ces cuivres farceurs n’en est que d’avantage savoureux. Et les moments de mystères sont savamment amenés par un Tugan Sokhiev qui retrouve sa totale complicité avec les musiciens et le public. Que de félicité partagée !

Photo Romain Alcazar

Le troisième mouvement un Andante immensément long permet au chef une direction d’un raffinement particulier. Ainsi des phrasés enveloppants, des nuances contrastées, un tempo étiré puis raffermit subtilement donnent beaucoup d’émotions à ce mouvement. Tout cela touche au sublime et le ciel s’ouvre avec les violons et les trois harpes célestes. Ce mouvement est bien le centre vital de la symphonie, le moment ou les chefs lourds s’enlisent. La grâce dégagée par l’interprétation de ce soir restera dans les annales :  quelle magie infinie, quelle suspension du temps et quel apaisement  des peines de l’âme !

Photo Romain Alcazar

Mais tout l’art de Sokhiev ne serait pas complet sans sa gestion incroyable des crescendi. Le final jubilatoire, permettra cela. Les solistes se régalent et jouent leurs plus belles notes. La puissance sans lourdeur trouve l’équilibre parfait entre splendeur des couleurs, irisation des timbres, pleine lumière sur l’empilement des thèmes dont l’enchevêtrement demeure analysable. Tugan Sokhiev connaît par cœur l’acoustique de la salle et ce qu’il peut demander à l’orchestre, la tension est savamment organisée et le crescendo final sera le plus spectaculaire ! C’est carrément euphorisant et le public ne peut attendre la fin de la dernière note pour exploser de joie. Les ovations pour les instrumentistes (il faudrait tous, absolument tous, les citer) et pour le chef enfin retrouvé sembleront sans fin. La soirée se termine par une standing ovation bien méritée. Il faut également dire combien enfin la Halle-aux-Grains a de nouveau été pleine à craquer. Cela aussi n’était plus arrivé depuis longtemps…

Photo Romain Alcazar

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. La Halle-aux-Grains, le 17 Novembre 2022. Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°8 en ut mineur, A.117 ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction, TUGAN SOKHIEV.

Pour ceux qui veulent en savoir d’avantage sur le départ précipité de Tugan Sokhiev

Cecilia Bartoli- Vivaldi-Les Musiciens du Prince-Monaco ça décoiffe !

CRITIQUE. CONCERT. TOULOUSE, LE 7 Nov. 2022. A. VIVALDI. G.F. HAENDEL. C. BARTOLI. LES MUSICIENS DU PRINCE-MONACO. G. CAPUANO.

Cecilia Bartoli et les Musiciens du Prince : un soleil au firmament

Cecilia Bartoli avec un art souverain semble faire ce qu’elle veut de sa voix. Avec sa technique très particulière elle poursuit une carrière au sommet semblant se jouer du temps. Vivaldi et Haendel ne sont certainement pas les compositeurs baroques les plus faciles. Leurs exigences vocales restent les plus hautes et La Bartoli règne sans grandes rivales parmi leurs œuvres les plus exigeantes. Alternant airs de charme, de tendresse ou de haute virtuosité avec des intervalles de musique orchestrale, le concert donné sans entracte se déroule avec une facilité incroyable.  Dès le premier air, elle joue à l’oiseau et avec une exactitude diabolique elle chante des vocalises d’une précision parfaite. Puis ce sera la délicatesse des phrasés qui enchante, la longueur du souffle qui subjugue et la langueur de la plainte qui émeut. Cet art vocal total, tel un bel canto idéal, appartient à Cecilia Bartoli depuis bientôt 40 ans avec la même splendeur sans que la magie ne soit ternie par les ans. Les couleurs de la voix sont davantage harmonieuses, la puissance vocale s’affine, le tempérament dramatique s’assagit mais le chant ne perd pas en intensité. Ainsi l’artifice convainc toujours autant. Vivaldi coule dans sa voix sans aspérités.

L’orchestre du Prince rassemblé sur les conseils de Cecilia et financé par le Prince de Monaco rassemble la fine fleur des instrumentistes baroques. Instruments baroques et jeux informés, l’accord avec la cantatrice romaine insatiable chercheuse de perfection stylistique est total. La complicité développée avec eux est grande et le chef Gianluca Capuano n’est pas en reste. A n’en pas douter, le partage de la musique, le plaisir de l’offrir au public en sa vérité dramatique est bien le projet commun qu’ils construisent. Il me semble que cette collaboration amicale au sommet apaise la cantatrice qui arrive à mieux canaliser son énergie débordante. Même la robe portée tout le concert, d’un splendide vert Véronèse, n’est pas troquée comme c’était le cas dans le spectacle précédent dans une orgie de changements à vue spectaculaires mais un peu superficiels. La théâtralité de Vivaldi n’en est que davantage émouvante avec ces purs moyens musicaux. Tout au plus signalons le jeux expressif et manquant de pureté des cordes jouant le contraste systématiquement de la rugosité face au legato souple et enveloppant de Cecilia Bartoli.  Le Vivaldi des Musiciens du Prince a une énergie débordante. On pourra avec subtilité les comparer aux Incogniti d’Amandine Beyer qui eux également renouvellent l’interprétation de la musique de Vivaldi. Ils viendront à Saint-Pierre des Cuisines dans les concerts du Musée le 6 Décembre.

Ce soir un son âpre et parfois fruste du plus bel effet mais qui implique un manque de précision et de « propreté » du son est un peu trop systématique. Ce parti pris s’effacera avec la musique du grand Haendel.

La deuxième partie du concert, donné sans véritable entracte, juste un réajustement de l’accord, ouvre le monde plus large et plus noble de Haendel. L’orchestre s’étoffe et le son gagne en profondeur et en largeur. Cecilia Bartoli débute avec la même joie partagée ce jeu de miroir avec un oiseau babillard comme en ouverture de concert chez Vivaldi. Haendel a les mêmes qualités de variété dans les exigences vocales. Cecilia Bartoli a la même aisance dans un art vocal total. Virtuosité diabolique, souffle immense, phrases portées à leur apogée, mélancolie à la noble tristesse, humour taquin, toutes les émotions habitent la cantatrice si bien entourée. Les musiciens solistes rivalisent de complicité : violon solo, flûte, hautbois, trompette. La rivalité jouée entre la cantatrice, le hautbois et la trompette apporte beaucoup de plaisir tant aux musiciens qu’au public. Deux bis, une chanson du XX e siècle et un duel à fleuret moucheté entre la voix et la trompette concluent cette soirée de joie et de beauté. Avec un humour incroyable Cecilia ira dans son duel chercher l’appui de la mélodie sublime Summertime de Gershwin :  elle peut tout chanter la Bartoli !

A l’invitation des Grands Interprètes Cecilia Bartoli et ses Musiciens du Prince-Monaco nous ont offert un concert tout simplement royal !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 7 Novembre 2022. Antonio Vivaldi (1678-1741) : Airs et pièces instrumentales ; George Frédéric Haendel (1685-1759) : Ouverture, airs, pièces instrumentales ; Les Musiciens du Prince – Monaco ; Cecilia Bartoli, mezzo-soprano ; Direction : Gianluca Capuano.

Tarmo Petolkovski réveille le public toulousain

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 21 octobre 2022. Concert symphonique. R. VAUGAN-WILLIAMS. E. W. KORNGOLD. D. CHOSTAKOVITCH. ONCT. C. HOOPES, violon. T. PELTOKOSKI. 

Tarmo Peltokovski le génie à l’état pur et il n’a que 22 ans !

Quels contrastes ! A une semaine d’intervalle la Halle-Aux-Grains a été réveillée tant coté orchestre que public par un jeune chef de 22 ans. Parcourue par un frisson la salle a été subjuguée par le contraste entre les deux parties de concert. D’abord avec le violoniste Chad Hoopes le jeune chef a créé un duo de rêve, de songe doux, de musique pure dans des nuances sublimissimes de délicatesse. Le jeu de Chad Hoopes est d’une subtilité inimaginable. Tout est ligne de chant de bel canto, les nuances sont incroyablement creusées avec des pianissimi célestes. Dans la courte pièce de Vaughan-Williams, l’envol de l’alouette, il semble sur un fil d’or pouvoir créer le son d’un songe. C’est si délicat et si beau que l’émotion monte en nous. La beauté peut faire pleurer ! Dans le Concerto de Korngold il assume la dimension post romantique allant jusqu’à du pré hollywoodien. C’est incroyablement large, un chant plus verdien voir vériste. Car toujours avec son violon il chante, chante, chante. Le chef finlandais obtient de l’orchestre avec une autorité sidérante un jeu de nuances incroyable et une osmose sans pareil avec le soliste. C’est absolument merveilleux cet accord musical presque fusionnel entre les deux artistes et l’orchestre. Le public conquis fait un triomphe au violoniste si subtil et s’abstient après tant de grâce de demander un bis qui n’aurait pu qu’être vulgairement obtenu.

Pour la deuxième partie du concert l’orchestre s’étoffe comme la partition le réclame. La cinquième symphonie de Chostakovitch nous est bien connue à Toulouse. Tugan Sokhiev a fait aimer Chostakovitch au public comme à l’orchestre et il a joué plusieurs fois cette symphonie dans cette salle. La manière dont Tarmo Peltokoski s’empare de cette vaste partition laisse sans voix. Dirigeant par cœur, il donne une puissance incommensurable à la charge que contient cette partition subtile de Chostakovitch. Sous une facilité formelle apparente, avec des thèmes simples, des harmonies prévisibles, des nuances très marquées et une richesse d’orchestration diabolique Chostakovitch se moque de la censure qui l’avait si terriblement traumatisé avec les remarques acerbes sur sa Lady Macbeth de Mnensk.

Tarmo Peltokoski est effrayant de rigueur, d’audace et d’efficacité. Si son allure a quelque chose d’un premier de classe lorsqu’il entre en scène, il se transforme en un démiurge lorsqu’il dirige. Il est bien rare d’être saisi ainsi au collet par un chef de cette trempe à Toulouse. Ce concert en rattrape bien de trop calmes. Car ce soir tout est bourrasque, tempête, tonnerre et fin du monde. Au dernier accord le public hurle des bravos et une bonne partie de la salle se lève. Le public a vécu un moment rare et l’orchestre tout autant. Tous font un véritable triomphe à ce génie de la baguette de 22 ans !

Le concert est annoncé sur Medici TV et prévu sur Mezzo-Live le 28 octobre 2022, c’est à voir absolument ! Vous n’en croirez pas vos yeux ni vos oreilles, même derrière un écran !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. Toulouse. La Halle-aux-Grains, le 21 oct. 2022. Concert symphonique. Ralph Vaughan-Williams (1872-1958): The Lark ascending ; Erich Wolfgang Korngold (1897-1957) : Concerto pour violon et orchestre en ré majeur op.45 ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975): Symphonie n°5 en ré mineur op.47 ; Chad Hoopes, violon. Orchestre National du Capitole ;  Tarmo Peltokoski, direction. Photo : © Romain Alcaraz.

Le Requiem de Brahms sans frissons hélas…

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 15 octobre 2022. Johannes Brahms (1833-1897) : Ein Deutsches Requiem, Op.45. Sunhae Im, soprano ; Johann Kristinsson, baryton ; Chœur de l’Opéra National du Capitole, chef de chœur :  Gabriel Bourgoin ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. David Reiland, direction.

Un petit Requiem en concert

Ein Deutsches Requiem de Brahms est une œuvre singulière qui n’a rien de comparable avec d’autres Messe des Morts. L’émotion qu’il dispense repose sur la sincérité avec laquelle il a été écrit et demande la même qualité chez les interprètes. Rien de démonstratif mais rien de retenu non plus.

David Reiland
David Reiland

Ce soir cet équilibre émotionnel n’a pas été trouvé. David Reiland dirige avec précaution et semble très soucieux du chœur. Il construit un équilibre sonore parfait évitant toute difficulté aux solistes comme au chœur. Chaque partie sera entendue comme il convient. Il y un vrai sens de l’équilibre des plans sonores chez le chef Belge. L’orchestre du Capitole est ductile sans engagement véritable ce soir. Le Chœur du Capitole est sonore, peu enclin aux nuances. Les sopranos n’ont pas la qualité angélique attendue avec des aigu forte assez durs et les basses trop discrètes n’apportent pas le réconfort habituel par manque de rondeur. Les solistes sont inégaux. Le jeune baryton Johann Kristinssohn a une fraicheur et une simplicité qui convient bien à son texte et sa ligne de chant est élégante. La soprano Sunhae Im a une voix élimée qui peine à rester stable. La difficulté de son chant, l’acidité du timbre, ne permettent pas d’atteindre la consolation attendue dans cet air sublime de simplicité.

Ce concert a été une simple exécution musicale, sans chaleur, ni tension. Cela produit l’impression d’un concert de jolie musique non pas d’une Messe des Morts.

On peut me rétorquer que la Halle-Aux-Grains convient mal à une œuvre sacrée. Certes mais je fais partie de ceux qui ont eu la chance d’entendre cette œuvre deux fois en 2011 et 2016 dirigée par Tugan Sokhiev avec le chœur Orfeo Donostiarra et des chanteurs adéquats et à chaque fois toutes les émotions ont été au rendez-vous. Cela n’a donc rien d’impossible… Cela ne semble pas avoir été l’option choisie ce soir. Je fais partie de ceux qui ont regretté d’avoir assisté à un simple concert. Les temps changent assurément !

Hubert Stoecklin

Critique. Concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 15 octobre 2022. Johannes Brahms (1833-1897) : Ein Deutsches Requiem, Op.45. Sunhae Im, soprano ; Johann Kristinsson, baryton ; Chœur de l’Opéra National du Capitole, chef de chœur :  Gabriel Bourgoin ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. David Reiland, direction.

Nelson Goerner à Piano Jacobins

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. 43 ième FESTIVAL PIANO JACOBINS.

30 sept. 2022. Récital Nelson GOERNER, piano. I.ALBENIZ. F. CHOPIN.

Nelson Goerner éblouissant à Piano Jacobins

Nelson Goerner a fermé avec un éclat particulier la 43° édition de Piano Jacobins. Le pianiste argentin a atteint un statut de démiurge qui se confirme à chaque apparition. Cet été à La Roque d’Anthéron déjà nous avions été éblouis. Ce soir dans la magnifique et chatoyante acoustique de la salle capitulaire du Cloitre des Jacobins il ne se perdait pas la plus petite nuance, l’inflexion du phrasé la plus subtile, comme les couleurs les plus chatoyantes. Le jeu de Nelson Goerner dans les ballades de Chopin est comme improvisé avec une puissance créatrice inouïe. Il s’approprie ces pages si personnelles de Chopin, tellement différentes et totalement surprenantes avec une évidence quasi surnaturelle. Aucune séduction facile, un jeu exigeant obtenant une écoute concentrée. Chopin est sous ses doigts un compositeur innovant requérant des moyens considérables. Nelson Goerner interprète ces quatre ballades avec une apparente facilité. Il est étourdissant ! Après un court entracte il choisit les derniers cahiers d’Ibéria d’Albeniz. La peut-être encore d’avantage que chez Chopin, il semble chez lui. L’ampleur des sonorités qu’il trouve font exploser les timbres et s’iriser les couleurs d’une Espagne plus idéalisée que folklorique. Quel beau piano, quelle belle musique ! Nelson Goerner est animé d’une sorte de gourmandise et communique au public son amour pour cette musique aux harmonies si surprenantes, aux rythmes si inventifs et à la virtuosité si grisante. Il domine si superbement ces partitions et nous fait oublier leur incroyable difficulté. Il peut tout jouer, il a la puissance et la grâce du dieu Apollon. Il fait un lien direct entre les compositeurs et le public comme si son jeu était juste celui plein d’humilité d’un passeur.  Le voir si souriant et rayonnant en fin de concert est si agréable que le public lui fait une ovation et obtient évidemment avec des bis de prolonger l’harmonie de la musique partagée sur ces sommets. Nelson Goerner est un musicien géant, son jeu au piano est aussi humble que magnifique !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 30 septembre 2022. Cloître des Jacobins. Concert. Frédéric Chopin (1810-1849) : Quatre Ballades. Isaac Albeniz (1860-1909) : Iberia, Cahiers III et IV. Nelson Goerner, piano.

Lien vers Chopin Nocturne par N.Goerner :

Piano féminin à Piano Jacobins

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. FESTIVAL PIANO JACOBINS, le 21 sept. 2022. Récital Marie VERMEULIN, piano. V. MOREL. Ch. SOPHY. M.BONIS. 

La délicatesse et la charme pour le récital de Marie Vermeulin

Piano aux Jacobins en partenariat avec le Palazetto Bru-Zane reçoit ce soir une artiste délicate dans un programme particulièrement original. Marie Vermeulin a choisi trois compositrices françaises du XIXe siècle. Le patient travail de redécouverte, édition et enregistrements fait par cette fondation basée à Venise au Palazetto Bru-Zane est remarquable et comble un manque cruel. La saison du Palazetto Bru-Zane est internationale et depuis peu une radio en ligne permet de découvrir des œuvres aussi belles que rares. Ce magnifique récital va donc certainement être enregistré et chacun pourra découvrir combien ces compositrices sont talentueuses. Avec un naturel et une amabilité très remarquables Marie Vermeulin donne quelques informations sur l’œuvre qu’elle va interpréter. Ainsi la première compositrice, élève au conservatoire de Louise Farenc, a écrit ces études mélodiques avec une intelligence sidérante. Le terme mélodique est investi totalement par Marie Vermeulin et son interprétation est lyrique et pure à la fois. La mélodie est toujours au premier plan et les éléments virtuoses au second. Cela produit un effet de pureté et de modestie qui met la poésie de la musique à l’honneur. Un jeu nuancé et fluide nous permet de déguster des œuvres toutes agréables, surprenantes et passionnantes. Il est impensable que ces études ne trouvent pas leur place dans les récitals habituels. La génération 1810, ne rougirait pas de la compagnie des études de Virginie Morel. La deuxième compositrice est tout aussi peu connue. Charlotte Sophy a pu être jouée de son vivant et a bénéficié d’un début de reconnaissance même si trop souvent elle ne disait pas que le Ch. de son prénom n’était pas Charles mais Charlotte. Sa sonate est remarquable par sa concision et sa richesse harmonique. Les thèmes sont charpentés et vibrent, les rythmes peuvent être d’une complexité redoutable. Le jeu de Marie Vermeulin gagne en largeur et en puissance. Le final sur une danse bretonne endiablée est enthousiasmant. Le public ravi fait une ovation à l’interprète et semble conquis par cette œuvre. Comment a-t-on pu l’ignorer si longtemps ?

Mel Bonis est mieux connue et bénéficie d’une notoriété enviable pour ses consœurs. Les pièces réunies de manière posthume sous le titre « femmes de légendes » commence à prendre part dans les récitals. Marie Vermeulin distille chaque portrait avec une délicatesse extrême. Son jeu varié et virtuose arrive à nous éblouir, nous émouvoir et nous faire rêver. Il serait tout à fait injuste de cantonner le piano de Mel Bonis à du piano de salon. Cette œuvre remarquable a un pouvoir d’évocation tout à fait troublant lorsque la force de l’interprétation est si belle.

Compositrice grande amie de Debussy, Mel Bonis a une musicalité délicieuse. Le côté impressionniste et symbolique de certains moments musicaux, par exemple dans le portrait de Mélisande, sont de grandes qualités. Marie Vermeulin trouve dans ce répertoire à mettre en lumière toutes ses qualités lumineuses de virtuosité et de poésie. Voilà une très belle artiste dans un répertoire passionnant enfin redécouvert.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 21 septembre 2022. Cloître des Jacobins. Concert.  Virginie Morel (1799-1869) : Huit études mélodiques :  Introduction, La calma, La disprezata, La berceuse, L’intercezza, Barcarolle, Romanza, Le papillon ; Charlotte Sophy (1887-1955) : Sonate ; Mel Bonis (1858-1937) : Femmes de légendes : Ophélie, Viviane, Phoebe, Salomé, Omphale, Mélisande, Desdemone. Marie Vermeulin, piano.

Christian Zacharias offre un magnifique récital à Piano Jacobins 2022.

CRITIQUE, concert. TOULOUSE. FESTIVAL PIANO JACOBINS, le 14 sept. 2022. Récital Christian ZACHARIAS, piano TCHAIKOVSKI. SCHUBERT

C’est un vrai bonheur de retrouver le Cloitre des Jacobins avec un récital d’un musicien si merveilleux. Christian Zacharias nous a offert une soirée de rêve comme il en a le secret. 

Nous avions été subjugués le mois dernier à La Roque d’Anthéron, il jouait et dirigeait avec tant d’élégance le concerto Jeunehomme de Mozart. Ce soir son récital frôle la perfection. Je ne sais quoi préférer. Le programme si bien construit, le jeu naturel et évidant du pianiste, l’ambiance magique du lieu ? Quoi qu’il en soit le public a été unanime qui a fait une ovation tonitruante au musicien. Le concert était annoncé complet et le silence du public qui retenait son souffle a été souvent remarquable par une qualité d’écoute très spéciale. L’alchimie entre le musicien, le public et le lieu a été parfaite.

Les saisons de Tchaïkovski est une œuvre qui renoue avec le succès public et le mérite. Sous les doigts de Christian Zacharias l’œuvre déploie un charme plein de naturel, de surprises avec des nuances très riches, des couleurs variées et des phrasés subtiles. Tout cela avec une facilité déconcertante. Christian Zacharias est un pianiste aux moyens phénoménaux toujours offerts avec naturel et élégance. Jamais aucun effet démonstratif, aucun soulignement des efforts, tout coule sous les doigts de la Musique. L’impression que cet homme EST La Musique se confirme. Il nous offre une courte pièce, probablement de Tchaïkovski, en bis de la première partie.  

Après une courte pose l’artiste se lance dans une interprétation inoubliable de la sonate de Schubert en ré majeur D. 850. Je connais bien sa manière si exquise d’aborder les sonates de Schubert car j’ai écouté tant de fois son intégrale gravée en 1985. Ce soir il a un tempo légèrement plus retenu que dans son enregistrement. Cela lui permet surtout d’être d’une souplesse admirable tout en gardant un rythme implacable. Cette sonate est comme un ruisseau qui coule avec son thème qui la parcourt et revient sans cesse. L’élément liquide que contient le jeu du pianiste convient admirablement à cette sonate du bonheur. Le ré majeur exulte et le chant est celui de la joie. Le dialogue contenu dans le deuxième mouvement est absolument délicieux, plein de tendresse et de délicatesse d’âme. Bien sûr cette musique contient des parts d’ombres mais si infimes et si vite rendues à la lumière solaire que l’impression finale est une joie humaine communicative irrépressible. L’humour du dernier mouvement si proche de l’enfance avec ses toutes dernières notes comme évanouies laisse le public sans voix. Quel chic, quelle classe, quelle perfection ! Le merci à Christian Zacharias prend l’allure d’une cataracte d’applaudissements nourris. Le musicien dans un français exquis offre deux bis en expliquant combien il est quasi impossible du jouer quelque chose après cette sonate, même du Schubert…. Il va toutefois offrir des variations élégantes et légères de Beethoven, puis un extrait de Scarlatti.

Comme rajeuni après ce récital si généreux le musicien de 72 ans quitte le Cloître avec son allure de jeune homme espiègle.  

Un vrai bonheur a irradié ce soir dans le Cloître des Jacobins pour fêter la 43 ième édition de ce si beau festival. Juste débutée le 9 septembre dernier il promet d’autres merveilles !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. TOULOUSE, le 14 septembre 2022. Cloitre des Jacobins. Concert.  Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Les saisons Op. 37b ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n°17 en ré majeur Op. 53D, D.850. Christian Zacharias, piano.

Mes trois derniers concerts à La Roque de 2022

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Photo de Valentine Chauvin

Mes trois derniers concerts à La Roque d’ Anthéron pour cette 42 deuxième édition prouvent la variété des propositions. Trois concerts on ne peut plus différents. Le récital plein de charme et un jeu très sensuel du pianiste espagnol Luis Fernando Pérez, bien connu des Toulousains. Marc-André Hamelin qui va venir à Piano Jacobins mérite toute notre attention par un jeu précis et une intelligence sidérante. Cela dit c’est un peu au dépend de l’émotion toutefois.

Et en Concert Final, l’Orchestre de Chambre de Lausanne en majesté et la découverte d’un pianiste au timbre ensorceleur et au jeu chaud et incarné : Jorge GONZALES BUAJASAN. Renaud Capuçon artiste médiatisé à outrance est un partenaire au violon du meilleur niveau mais se révèle un bien piètre chef d’orchestre…

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Récital Luis Fernando PEREZ, piano. BACH. MONPOU. GRANADOS.

Luis Fernando Pérez toute l’élégance du piano hispanique

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Photo Christophe Grémiot 2019

Pour ce concert de 11 h la salle est bien pleine et la rencontre entre le public et le pianiste dès son entrée en scène est très franche. Dans un français délicieux, il explique un léger changement de programme et son besoin de la partition tant la composition de Mompou est complexe. Nous voulons bien le croire mais son jeu est si élégant tout du long qu’aucune difficulté ne semble le limiter. Il est souverain dans cette partition complexe aux harmoniques improbables et aux rythmes déstructurés. La modernité de l’œuvre rend le thème méconnaissable bien souvent, mais le retrouver même devenu grotesque est un jeu intéressant. Puis il se lance dans la Grande Chaconne de Bach revue par Busoni. C’est un grand moment de piano dans lequel virtuosité et beauté se donnent la main. Avec un art très serein Pérez en donne une interprétation précise et d’une grande profondeur. La virtuosité est assumée dans cette élégance suprême qui caractérise le jeu de cet artiste.

Pour terminer son récital Luis Fernando Pérez choisit une œuvre qu’il connaît particulièrement bien et qui met en valeur toutes ses qualités : les Escenas Romanticas de Granados.  Sans rien y mettre de folklorique il en rend toute l’hispanité avec une évidence de chaque instant. Ce piano est fluide, nuancé et chaloupé. Les couleurs sont innombrables et toujours l’attention est stimulée par la variété du jeu. La douceur de certains phrasés est une délectation et les rythmes bien charpentés sont tonifiants. La douce mélancolie de certains moments, la douleur d’autres et la gaité parfois, tout se suit comme dans la vie. Le naturel avec lequel ce musicien interprète ces pièces nous fait penser qu’il les connaît comme si c’était lui qui les avait composées. L’appropriation est d’une évidence sidérante. Il est chez lui dans cette musique et nous invite avec la noblesse et la simplicité d’un grand seigneur.

Le succès est grand et le public plébiscite un artiste qu’il apprécie toujours énormément. Avec beaucoup de gentillesse il nous offre un bis, qu’il a choisi pour La Roque : Mamboco, une Danse précolombienne. Cet air populaire prend sous ses doigts une grande élégance et devient une musique délicieuse. Le musicien quitte son public bien aimé dans un large sourire. Le bonheur était partout dans la salle et chez l’artiste. Très beau concert à 11 h avec un artiste très attachant.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Auditorium Centre Marcel Pagnol. Récital de Luis Fernando PEREZ, piano. Jean-Sébastien BACH (1685-1750) / F. BUSONI (1686-1924) : Chaconne de la partita pour violon n°2 BWV 1004 ; Federico MONPOU (1893-1987) : Variations sur un thème de Chopin ; Enrique Granados (1867-1916) : Escenas Romanticas. Crédit photo : Christophe  Gremiot 2019.

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Récital de Marc-André HAMELIN, piano. BACH. HAMELIN. BEETHOVEN. 

Le pianiste canadien sensationnel à connaître!

Marc André Hamelin 14 © Valentine Chauvin 2022
Photo : valentine-chauvin-2022

Venu du Canada Marc-André Hamelin fait l’actualité au disque avec un enregistrement mémorable de Sonates de Carl-Philipe Emmanuel Bach, encensé par la critique.  La sonate Württembourgeoise qui ouvre son récital est une œuvre magnifique originale et qui fait un beau portrait de ce fils Bach si doué. Une certaine modernité, un chant éperdu dans l’andante et une virtuosité assumée. Marc-André Hamelin est parfait. Style impeccable, son généreux et legato supérieur. Il semble très à l’ais avec ce compositeur dont il rend les beautés très désirables.

Puis Le compositeur-interprète se révèle. Avec beaucoup de délicatesse il nous offre sa dernière œuvre, une suite de danse à l’ancienne qui semble sœur de Ravel et Debussy lorsqu’ils se livrent à des hommages au style ancien. La fraicheur de l’invention et la virtuosité sont très intéressantes. Ce jeu impeccable, ces nuances subtiles et ces couleurs variées sont des qualités très remarquable. Hamelin interprète rend très vivante la composition de Hamelin compositeur. Il renoue avec tous ces virtuoses-compositeurs avec talent.

Pour finir son récital le pianiste Canadien se lance dans une interprétation très originale de la sonate « Hammerklavier » de Beethoven que je n’ai jamais entendu sonner ainsi. C’est comme si Hamelin la jouait en compositeur qui en apprécie toute la construction. Il nous la rend limpide, joue droit et certains tempi sont très rapides. Cette virtuosité impeccable a quelque chose d’un peu froid, il n’y a rien d’expressif dans ce jeu, rien de romantique. Tout est mis en perspective absolument tout. Il n’y a jamais d’ombres, tout est lumineux. Cette lecture analytique et parfaite déroute, elle fait redécouvrir l’œuvre.

L’effet sur le public est électrisant. Ce n’est pas tous les jours qu’un tel chef d’œuvre nous est révélé autrement.

Le succès considérable de l’artiste réchauffe l’ambiance et il offre trois bis à son public conquis.

Sa lecture d’Images, Reflets dans l’eau de Debussy est tout aussi iconoclaste, révélant la modernité de l’œuvre plus que sa poésie. Cet artiste a une énorme culture pianistique entre Europe et Amériques. Il propose deux œuvres très rares de William Bolcom, compositeur américain avec  deux Rag plein de vie.

Marc-Antoine Hamelin est un artiste original et attachant que la Roque nous a fait découvrir ce soir, un grand merci !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 19 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Récital de Marc-André HAMELIN, piano. Carl Philippe Emmanuel BACH (1714-1788) : Sonate Württembourgeoise en la bémol majeur Wq 49/2 ; Marc-André HAMELIN (né en 1961) : Suite à l’ancienne ; Ludwig van BEETHOVEN (1770-1827) : Sonate pour piano n°29 « Hammerklavier » Op.106.

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 20 août 2022. Concert. Jorge GONZALES BUAJASAN, piano. Orchestre de Chambre de Lausanne. Renaud CAPUCON. MENDELSSOHN.

Concert de clôture festif pour la 42ième édition du Festival de La Roque d’Anthéron.

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©VALENTINE CHAUVIN 2022

Il y a deux jours nous avons pu voir le chef charismatique qui avait eu en charge l’Orchestre de Chambre de Lausanne de 2000 à 2013. Christian Zacharias a laissé une forte empreinte à ce bel orchestre. Ce soir l’orchestre est dirigé par un chef récemment installé à sa tête : Renaud Capuçon qui s’improvise ainsi chef d’orchestre. Il ne nous a pas convaincus un instant. Il n’a aucune qualité pour cela et semble même perdu lorsqu’il joue et doit reprendre la direction de l’orchestre. C’est étrange comme ce violoniste de talent peut se fourvoyer ainsi. Cela n’a pas eu de conséquences car l’orchestre sait jouer seul avec des regards constants entre les quatre chefs de pupitres du quatuor à cordes. Ce programme tout Mendelssohn rend hommage à ce très grand compositeur bien trop négligé. Le concerto pour piano et violon est très bien écrit proposant des moments originaux entre le passage d’une forme sonate à des moments d’orchestre avec instruments obligés. C’est très souple, la virtuosité est musicalement agréable et les mouvements s’enchaînent avec facilité. Le jeu de pianiste cubain Jorge Gonzales Buajasan est très intéressant. Une belle pâte avec une noblesse de ton et une souplesse admirable. Les couleurs sont belles, les nuances subtiles et les doigts du musicien sont très agiles. Voilà un pianiste aux qualités remarquables, nous le retrouverons avec plaisir.

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©VALENTINE CHAUVIN 2022

Renaud Capuçon est un violoniste impeccable qui est un partenaire sûr et dont le jeu est à la hauteur des exigences de la partition. Il s’agit d’un bien beau concerto qui aurait sa place plus régulièrement dans la programmation des salles de concerts. Pour la deuxième partie la joyeuse symphonie Ecossaise de Mendelssohn est une bonne idée pour finir en beauté un festival heureux qui après deux années terribles a retrouvé son large public. Oui c’était la fête à La Roque car le pari de René Martin est gagné ; sa détermination et son organisation parfaite ont ravi le public venu très nombreux et également ce soir pour fêter la Musique.  Cette symphonie avec les belles couleurs de l’Orchestre de Chambre de Lausanne est un enchantement. Précision, nuances et élégants phrasés, rien ne manque à l’orchestre. Heureusement Renaud Capuçon les a laissé jouer, se contentant de gestes généraux sans rien leur demander en particulier. Ils avaient tout le plaisir du monde à jouer et ne s’en sont pas privé. Nous avons entendu une symphonie magnifiquement sonore avec un final enthousiasmant. Rarement à la Roque d’Anthéron les derniers sons n’auront pas été ceux d’un piano solo ; ce soir ce sont les cors qui resteront en mémoire comme une joyeuse expression de liberté. Vive la Musique et la liberté ! Le public enthousiaste a obtenu le bis du deuxième mouvement de la symphonie. Pour ma part je serai bien resté avec le son si joyeux des cors dans le final de la symphonie comme un hymne.

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 20 aout 2022. Auditorium du Parc. Concert Jorge GONZALES BUAJASAN, piano. Renaud CAPUCON, violon et direction. Orchestre de Chambre de Lausanne. Félix MENDELSSOHN (1809-1847) : Concerto pour piano, violon et cordes en ré majeur ; Symphonie N°3 en la mineur Op.56 « Ecossaise ». Photo : © Valentine Chauvin.

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Ces trois critiques ont été rédigées pour CLASSIQUENEWS.COM

Christian ZACHARIAS l’Homme Musique !

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 18 août 2022. Récital Christian ZACHARIAS, piano et direction. Orchestre National d’Auvergne. MOZART. HAYDN.

Christian ZACHARIAS l’Homme Musique !

Enfin nous l’avons eu l’orchestre digne de la délicatesse de Mozart et de Haydn. Après beaucoup de difficultés avec le Sinfonia Varsovia dirigé par Aziz Shokhakimov (concerts des 5, 8 et surtout 11 août) cela a fait l’effet d’un véritable réconfort pour une bonne partie du public. Dès les toutes premières mesures de la délicieuse symphonie n°43 de HAYDN la grâce a inondé le parc du Château. La nuit n’avait pas le caractère apaisant des autres soirs mais un coté magique plus inquiétant avec un orage tout proche. Christian Zacharias n’est pas un simple chef d’orchestre, c’est un fabricant de Musique. Sa gestuelle est des plus personnelles, il n’y a pas de battue métronomique, il n’utilise pas de baguettes, mais au contraire des gestes gracieux construisant dans l’espace la musique à naître que le son des instrumentistes concrétise concomitamment. Cette magie est fascinante et apporte une sérénité inouïe. L’Orchestre National d’Auvergne se révèle être d’une précision horlogère, d’une pureté de sonorité rarissime et d’une souplesse admirable. Haydn est un artisan de l’orchestre des plus soigneux et sait profiter de chaque instrument. Deux hautbois, deux cors et un basson en plus des cordes pour ce soir. Christian Zacharias sait mettre en lumière chaque niveau d’écriture, chaque phrasé, chaque nuance avec un art de chaque instant. Tout est magnifique, avance et raconte quelque chose de la beauté du monde. Le final de cette symphonie, qui lui a donné son nom (Mercure), fuse et explose de joie. Un monde de joie et de beauté nous a été offert par ces artistes magnifiques.

Christian Zacharias, Orchestre National D Auvergne 7 © Valentine Chauvin 2022

Le temps d’installer le piano et voici Christian Zacharias dos au public pour diriger l’orchestre et jouer. Ce concerto « Jeune homme » de MOZART est une merveille en tout point. L’interprétation de ce soir est à marquer d’une pierre blanche tant la perfection est partout. Orchestre de vif argent, de douceur et de pureté toujours impeccable en tout et le piano si inventif et juste de Christian Zacharias. Il met tout son art du toucher en forme et toute son inventivité dans de nombreuses cadences et abellimenti comme un chanteur d’opéra.

Christian Zacharias, Orchestre National D Auvergne 21 © Valentine Chauvin 2022

C’est absolument divin. Un moment le danger de l’orage s’est matérialisé et a interrompu pour un court instant la fête du final du concerto. En étant de dos, ne voyant pas exactement ce qui se passait (des trombes d’eau sur le public) et entendant un bruit grandissant Christian Zacharias avec sa sensibilité en effervescence a dû s’arrêter n’arrivant plus à se concentrer sur son piano, le jeu de l’orchestre et la conduite à bon port de ses cadences. Après un court instant, sur les conseils en coulisse de Richard Martin, il a repris et tout s’est terminé dans une allégresse totale. Nous étions mouillés mais pas trempés car protégés par les capes distribuées en début de concert.  Ah que ce festival est bien organisé, comme les bénévoles savent être attentifs et prévenants !

Christian Zacharias, Orchestre National D Auvergne 17 © Valentine Chauvin 2022

Chacun rassuré sur le passage de l’orage, le concert a pu reprendre avec la symphonie des adieux qui commence sur une énergie si noble et digne. Un Orchestre qui sonne n’a pas besoin du nombre car l’allure obtenue par Christian Zacharias est magnifique de carrure et de noblesse. Les plans s’articulent avec naturel, les nuance sont somptueuses, les attaques hyper précises, et les chants éperdus. Cet orchestre est absolument magnifique. Que ne l’avons eu plus tôt ! Son travail avec Christian Zacharias ne date que d’une année mais on devine un partage de musique au sommet. En discutant avec des instrumentistes après le concert ils sont unanimes Zacharias est un musicien d’exception et tout à fait enthousiasmant. Quand on sait que d’abord il a eu une carrière de pianiste si riche avec des enregistrements de références dans Schubert en particulier (ses sonates !) et que sa carrière de chef est déjà si riche il est bien plus qu’un pianiste et un chef. A 72 ans il a une vivacité, un allant, une souplesse de tout jeune homme. Longue vie à cet artiste entièrement fait de musique qui sait si bien la partager. Nous le retrouverons en soliste musicien à Toulouse à Piano Jacobins et justement dans Schubert…

Le concert se termine dans l’allégresse avec deux bis. D’abord Zacharias au piano dans un délicieux Rondo en ré majeur de Mozart, frais et irradiant. Puis avec l’orchestre un extrait de la Petite Musique de Nuit de Mozart. Une élégance totale, une précision enthousiasmante et une jubilation souveraine. Un véritable enchantement avec une œuvre archi connue qui sous les doigts de ses musiciens de grand talent et ainsi dirigée revit plus belle que jamais.

Ce concert restera exceptionnel a plus d’un titre pour la beauté de l’orchestre, la richesse de l’interaction chef, pianiste, l’orchestre si sublime et cet orage spectaculaire et si peu grave, protégé que nous étions par les prévenances des bénévoles de l’association. La vie est belle à La Roque d’Anthéron !

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 18 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Concert.  Joseph HAYDN (1732-1809) : Symphonie n°43 en mi bémol majeur « Mercure », Symphonie n°45 en fa dièse mineur « Les adieux » ; Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791) : Concerto pour piano n°9 en mi bémol majeur K.271 « Jeunehomme » ; Orchestre national d’Auvergne ; Christian Zacharias, piano et direction. Photos Valentine Chauvin.

Critique rédigée pour Classiquenews.com

Somptueux hommage à Radu Lupu par Nelson Goerner

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 13 août 2022. Récital Nelson GOERNER, piano. CHOPIN.SCHUMANN.

Nelson Goerner le plus grand pianiste-musicien ?

Oui certainement ce soir à La Roque d’Anthéron !

Le programme d’une grande cohérence fait se suivre 4 Ballades de Chopin puis les Études Symphoniques de Schumann. Programme athlétique s’il en est !  Sinon jumeaux de 1810 du moins amis partageant une admiration réciproque, Chopin et Schumann, ont chacun été des compositeurs inoubliables pour le piano. Chopin avec son côté exclusif a écrit des pages parmi les plus géniales pour le piano. Schumann a su ouvrir à d’autres instruments sa muse mais au début de sa vie il s’est tout entier abandonné au piano. Sa folie de l’excès l’a conduit à s’imposer une attelle en cuir et métal en voulant des doigts trop obéissants pour la virtuosité, il en a résulté une blessure digitale définitive qui lui a interdit la carrière de pianiste.

Le piano des Ballades et des Études Symphoniques se ressemblent par une forme d’absolu que partagent leurs compositeurs.

Nelson Goerner 2 © Valentine Chauvin 2022

Les quatre Ballades sont des pièces autonomes, libres et superbement construites dans leurs allures insaisissables. En débutant par celle en sol mineur Nelson Goerner savait que les deux musiciens admiraient cette œuvre, Chopin aurait dit à Schumann que c’était sa composition préférée. Nelson Goerner s’y engage avec toute son âme en faisant presque son propre portrait pianistique : largeur de ton, ampleur des sonorités, couleurs irisées, nuances infinies. Ce piano vit toutes les émotions et la technique sublime se met au service de cette musique sublime. C’est immense ! Quelle puissance digitale !

Nelson Goerner 9 © Valentine Chauvin 2022

Les trois autres Ballades soulignent tel ou tel aspect, développent des directions diverses mais tout était déjà évoqué dans la première ballade. Leur enchainement nous fait vivre un moment qui nous fait perdre le souffle tant la beauté de ce piano nous envoûte et la subtilité du musicien nous fait fondre. Comment ce diable de Nelson, que pourtant je connais bien, arrive-t-il ce soir à gravir encore plus haut l’échelle vers la perfection ? Est-il galvanisé par l’hommage qu’il veut rendre à son ami Radu Lupu ? C’est probable.

Après une courte pause Nelson Goerner va en véritable athlète nous faire entendre les Études Symphoniques de Schumann dans leur intégralité et dans un même geste interprétatif. La musique sublime de Schumann rencontre en Nelson Goerner un interprète idéal. Il a tout, la vaillance et l’héroïsme, la force des forte semblant dévastatrice et la délicatesse des piani est à la limite de l’audible, toujours avec une incroyable richesse en harmoniques. Les couleurs qu’il trouve sur tout l’ambitus du clavier sont ahurissantes. Tant de richesse, tant de puissance et avec cette simplicité, cette évidence… Nelson Goerner a des moyens phénoménaux tant pianistiques que musicaux, il nous offre un programme idéal de beauté interprété dans une dimension apollinienne. Après son concert Nelson Goerner a pu dire quelques mots sur l’hommage qu’il a souhaité rendre à son ami et ce génie du piano. Il a semblé être soulagé, souriant, heureux. Ce bonheur il l’a partagé avec un public enthousiaste applaudissant sans fin qui a obtenu quatre bis inénarrables. Humour, vélocité, sensibilité, puissance, il a tout osé. Jugez : Intermezzo en la majeur de Brahms comme Radu Lupu (à pleurer de tendresse), l’étude le torrent de Chopin (dans un tempo d’enfer), L’andante de la sonate en la majeur de Schubert (dans un toucher exquis) et pour achever la soirée sur un exploit plus fou encore, La Rhapsodie Hongroise N°6 de Liszt dans laquelle semblent se trouver toutes les difficultés inimaginables. Nelson Goerner atteint une plénitude de moyens artistiques qui en font ce soir un Apollon du piano venu apporter par la beauté une consolation aux auditeurs du Parc Florans. Merci !

Hubert Stoecklin

Nelson Goerner 18 © Valentine Chauvin 2022

 CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 13 août 2022. Auditorium du Parc du Château de Florans. Récital de piano de Nelson Goerner en hommage à Radu Lupu. Frédéric CHOPIN (1810-1849) : Ballades n°1 en sol mineur Op.23, n°2 en fa majeur Op.38, n°3 en la bémol majeur Op.47, n°4 en fa mineur Op.52 ; Robert Schumann (1810-1856) : Études Symphoniques Op.13.

Critique rédigée pour Classiquenews.com

Marie-Ange Gnuci artiste rare

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON 42ième édition , le 12 août 2022.

Récital Marie-Ange NGUCI, piano.

RACHMANINOV, SCRIABINE, PROKOFIEV.

Depuis 2020 le Festival International de La Roque d’Anthéron a expérimenté des concerts le matin à 11h. Le soleil se levant sur le grand amphithéâtre ne permettait pas au public venu en nombre d’être à son aise. Et en cet été de canicule cela aurait été tout à fait impossible. L’auditorium Marcel Pagnol dans les hauteurs de La Roque, à la place de l’ancienne piscine (regrets ?), est un lieu idéal. Frais et confortable le public était nombreux pour le récital de la pianiste albano-française Marie-Ange Nguci (prononcer Gucci). Cette toute jeune femme hyper douée et très diplômée fera parler d’elle, c’est certain. Nous l’avions découverte bouleversée et bouleversante, il y a quelques jours, lors de la soirée d’hommage à Nicholas Angelich / soirée spéciale “Les amis de Nicholas”, 10 août 2022.

Magnifique récital de Marie-Ange NGUCI

marie-ange-nguci-piano-la-roque-aout-concert-2022-critique-classiquenews

Admise dans sa classe à 13 ans, elle a bénéficié de son enseignement une année. Visiblement elle en a beaucoup appris. Comme lui, elle fait avant tout de la musique en se servant de son instrument, le piano, cherchant toute la musique cachée jusque dans la virtuosité la plus folle. Comme lui elle a un toucher capable de légèreté elfique. Son récital d’œuvres rares et belles est somptueux. Avec une maîtrise technique absolue, elle interprète chaque pièce avec une délicatesse inouïe, cherchant tout de la construction de l’œuvre afin de la rendre limpide.

Marie Ange Nguci, Hommage À Nicholas Angelich 3 © Valentine Chauvin


Car si les Variations d’après Chopin de Rachmaninov gardent du thème choisi une certaine séduction, on ne peut pas dire que la Sonate de Scriabine ou celle de Prokofiev sont des œuvres faciles pour le public. Rachmaninov sonne avec des couleurs qui peuvent être éclatantes mais surtout les clairs-obscurs sont délicieusement mis en valeur. Quelles beautés dans la variété de la palette sonore de son piano !
La 5ème sonate de Scriabine est redoutablement complexe. Marie-Ange Nguci nous la rend limpide. Elle sait en tirer toute la musique cachée sous les méandres de tonalités fugaces, les rythmes variés. Quel staccato, quel toucher délicat, quelle puissance. La richesse de son toucher est vertigineuse.

Marie Ange Nguci, Hommage À Nicholas Angelich 8 © Valentine Chauvin


Dans la Sonate n°6 de Prokofiev, la pianiste rajoute la noirceur, la méchanceté et la cruauté de la guerre comme le sarcasme propre à la musique de Prokofiev. Mais là également la musique règne et jusqu’à la toute dernière goutte, la musique de ces pages vertigineuses est débusquée par cette interprète incroyablement perspicace.
Marie- Ange Nguci a 24 ans. Elle est une musicienne accomplie, son jeu est d’une richesse incroyable. Nous la suivrons et vous entendrez parler d’elle, c’est certain, Marie-Ange Nguci voici un nom à retenir !

Critique rédigée pour Classiquenews.com

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHÉRON, le 12 août 2022. Auditorium Centre Marcel Pagnol. Récital Marie-Ange NGUCI, piano. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Variations sur un thème de Chopin Op.22 ; Alexandre Scriabine (1872-1915) : Sonate n° 5 en fa dièse majeur Op.53 ; Serge Prokofiev (1891-1953) : Sonate n°6 en la majeur Op.82.  Photo : © Valentine Chauvin

Le concerto de Clara Schumann redécouvert grâce à David Kadouch

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 11 août 2022. Concert David KADOUCH. Tanguy de WILLIENCOURT, piano. SINFONIA VARSOVIA. Azis SHOKHAKIMOV. SCHUMAAN. WIECK-SCHUMANN.

Le Premier Concerto de Clara enfin révélé : il est magnifique !

L’an dernier ici même David Kadouch nous avait fait découvrir son travail original autour d’Emma Bovary et des compositrices romantiques empêchées de s’exprimer pleinement pour des raisons socio-familiales, mais ayant composé de magnifiques œuvres. Son dernier CD est d’ailleurs en vente depuis peu reprenant  ce programme avec des compositions de Fanny Mendelssohn et de Clara Schumann en particulier. Il est tout naturel qu’il vienne défendre le premier concerto de Clara Wieck-Schumann. L’œuvre est magnifique. Pas juste intéressante, mais magnifique. D’une patte originale mais peut-être plus proche de Chopin que de Schumann, si je peux me permettre cette idée un peu réductrice. Les mouvements sont enchaînés.  Son premier mouvement a de l’allure et permet un dialogue franc entre le piano et l’orchestre avec des moments de très grande virtuosité. Le deuxième mouvement débute sans se faire remarquer comme l’émanation d’une immense cadence, l’effet est très original. Ce mouvement est plein de délicates volutes, de demi teintes et de couleurs diaphanes et offre un magnifique duo avec le violoncelle. Le final joyeux a des allures de polonaise. Le charme indéniable de cette œuvre mérite de renter au répertoire des salles de concerts. La virtuosité est toujours musicale et les effets de doigts ou de manches ne sont pas là pour satisfaire les pianistes narcissiques. Venant d’une grande virtuose comme l’était Clara Wieck la suprématie de la musique sur la technique enchante.  Le seul regret est que ce concerto ne dure pas 20 minutes, mais est-ce si important ?  Le jeu de David Kadouch est un enchantement. Le toucher est exquis, les nuances subtiles et les couleurs irisées. Son jeu mieux que virtuose est lumineux, plein d’élégance et semble facile. La gourmandise des phrasés rend vraiment justice à l’œuvre de Clara Wieck-Schumann. L’orchestre est un peu abrupt parfois mais le chef semble prendre plaisir à cette œuvre jusque-là inconnue. Les instrumentistes sont très engagés surtout le violoncelle solo qui se révèle admirable : le dialogue amoureux entre le piano et le violoncelle est très émouvant. C’est vraiment la découverte et la parfaite interprétation du concerto de Clara qui fait tout le prix de ce concert.

David Kadouch, Tanguy De Williencourt Avec L Orchestre Sinfonia Varsovia Sous La Direction D Aziz Shokhakimov 20 © Valentine Chauvin
David Kadouch sous le charme de la musique de Clara

Car l’orchestre avait débuté en « massacrant » l’ouverture Op. 42 de Robert Schumann.  Est-ce dû à un manque de cohésion ou à la fatigue, ce que laissent supposer les quelques soucis de justesse.

David Kadouch, Tanguy De Williencourt Avec L Orchestre Sinfonia Varsovia Sous La Direction D Aziz Shokhakimov 16 © Valentine Chauvin
Tanguy De Williencourt et Aziz Shokhakimov tonitruants

Je n’ai pas envie de détailler non plus le concerto de Robert Schumann joué par Tanguy de Williencourt. Le choix d’un piano brillant et le jeu « tutta forza » du jeune homme, soutenu par le chef comme pour réveiller son orchestre, ne sont pas de nature à mettre en valeur les subtiles humeurs du concerto de Robert Schumann, ses nuances, ses moments chambristes, ses couleurs… Son concerto ce soir a sonné comme n’importe quel concerto brillant, sous des doigts virtuoses…  No comment !

Ah comme Clara et David Kadouch en fin de concert ont su nous transporter !

Les bis de David Kadouch également avec une mélodie magnifique de Fanny Mendelssohn puis en partageant son succès, un duo à quatre mains de Dvorak, offrant à Tanguy de Williencourt l’occasion de faire un peu de musique ce soir.

David Kadouch, Tanguy De Williencourt Avec L Orchestre Sinfonia Varsovia Sous La Direction D Aziz Shokhakimov 34 © Valentine Chauvin
Tanguy de Williencourt et David Kadouch

Hubert Stoecklin

CRITIQUE, concert. ROQUE D’ANTHERON, le 11 août 2022. Auditorium du Parc. Concert. David KADOUCH et Tanguy de WILLIENCOURT, piano. Sinfonia Varsovia. Direction : Azis SHOKHAKIMOV. Robert Schumann (1810-1856) : Ouverture, scherzo et finale Op.42 ; Concerto pour piano et orchestre en la mineur Op.54 ; Clara Wieck-Schumann (1819-1896) : Concerto pour piano et orchestre n°1 en la mineur Op.7 ; Photo : © Valentine Chauvin

Critique rédigée pour classiquenews.com