7 ° Livre de Madrigaux de Monteverdi par Alessandrini

Critique. Enregistrement. MONTEVERDI. Septième livre de madrigaux. Concerto Italiano. Rinaldo Alessandrini. 2 CD Naïve. Enregistrement d’octobre 2020.

Monteverdi en majesté avec la nouvelle lecture de Rinaldo Alessandrini 

 La couverture du CD annonce les partis pris de l’enregistrement. Nous voyons un Rinaldo Alessandrini sévère assis à la table, un livre dans les mains, un verre d’eau à ses côtés. Il enregistre la musique de Monteverdi avec grand succès depuis les années 1990. Toute nouvelle lecture proposée par ce grand spécialiste montéverdien transalpin est un évènement. Sa lecture de ce Septième Livre de Madrigaux semble plus austère, plus stricte, plus intellectuelle. Position charnière pour Rinaldo Alessandrini qui dans ses interprétations précédentes des madrigaux de Monteverdi attachait plus de prix à un coté comme improvisé, à des contrastes surprenants et des couleurs plus saturées. Ainsi je pense au livre-disque du huitième livre édité en 2010 avec un texte passionnant et de reproduction de tableaux somptueux dans lesquels les madrigaux sont plus colorés.

Cette version ci serait plutôt gravée à la pointe, comme dans une fine gravure qui fait ressortir les structures, cisèle le texte et offre un accompagnement instrumental richement varié aux voix.  Les chanteurs sont tous excellents, les voix sont très homogènes, sans oppositions marquées ou personnalité fortes. Cela crée dans les nombreux duos un effet de symétrie, d’imitation absolument idéal. Je ne connais pas d’enregistrements ou cette perfection d’appariement vocal est atteinte si constamment. D’un autre coté les deux grand soli de soprano la « Lettera amorosa » et « Con che soavita », s’ils sont dits impeccablement et chantés à la perfection, le sont par une voix trop simple. Des voix plus originales et des interprètes plus théâtralement actives nous touchent ailleurs autrement (les plus magiques étant Cathy Berberian et Guillemette Laurens dans des gravures illustres). Ainsi le parti pris de Rinaldo Alessandrini est de ne pas s’abandonner au théâtre si séduisant qui se devine partout dans cet opus si original de Monteverdi. Car l’audace de Monteverdi qui abandonne ici le Madrigal à Cinq Voix revendique le pouvoir de séduction de la voix soliste avec accompagnement. Il est symptomatique que dans le titre de Monteverdi lui-même il est question de madrigaux à 1,2,3,4 et 6 voix ! Il renonce au madrigal à cinq voix jusque-là la seule référence ! En ne cédant pas à cette théâtralité évidente, qu’il a déjà exploré au théâtre et qui pourtant est contenue dans tout ce septième livre, Rinaldo Alessandrini et ses interprètes renforcent la puissance de la composition, sa solidité structurale, la beauté de l’instrumentation et la précision des poèmes et surtout l’originalité de l’écriture. Les textes sont soigneusement ordonnés par auteurs ce qui change l’ordre des madrigaux, mais là aussi le tact avec lequel les choses sont faites permet une écoute fluide. Les instruments sont choisis avec finesse, évitant le clavecin trop systématique. Ainsi le théorbe et la harpe étant bien mis en valeur avec leur effet d’enveloppement moelleux. Le rajout d’une courte introduction de Biago Marini pour ouvrir le deuxième CD est idéale.

La prise de son est sur la même ligne, précise, sans réverbération. Je pense vraiment à la grande précision et la clarté qui nait lorsque l’on regarde de belles gravures.

Cette interprétation majeure ne peut être la seule dans une discothèque, La Venexiana, les anglais la complètent par un théâtre plus assumé dans sa séduction et ses outrances et demeurent indispensables. Ces multiples versions permettent de comprendre et de déguster l’absolue modernité de Claudio Monteverdi dans son « Concerto Settimo libro de madrigali a 1,2,3,4 et 6 voci, con altri generi di Canti ».  Il prend ouvertement le total pari sur l’opéra dont nous savons le succès en train d’advenir… Un tel courage, une telle vision assumée sont choses magnifiques et appellent la diversité.

Hubert Stoecklin

Critique. Enregistrement. Claudio Monteverdi (1567-1643) : Septième Livre de Madrigaux (1619). Concerto Italiano. Rinaldo Alessandrini. 2 CD Naïve OP 7365. Enregistrement d’octobre 2020.  Code Barre : 3 700 187 673659.