Oncle Vania de Tchekhov dans une mise en scène superfétatoire de Galin Stoev.

CRITIQUE. THEATRE. TOULOUSE.THEATREDELACITÉ. VENDREDI 13 janvier 2023. A. TCHEKHOV. ONCLE VANIA. G. STOEV.

Mise en scène superfétatoire de Galin Stoev pour le chef d’œuvre de Tchekhov.

Avec de tels acteurs (dont quelques-uns de la Comédie Française) et un texte si puissant il est dommage que Galin Stoev en créant à Toulouse sa version d’Oncle Vania n’ai pas assez fait confiance aux uns comme à l’autre. Ou autrement dit beaucoup de bruit pour rien.

Que de détails futiles, d’accessoires redondants, de rajouts prétentieux ! Vraiment les acteurs sont excellents et la pièce parle au public aujourd’hui directement sans besoin de souligner quoi que ce soit. Je ne détaillerai pas ce qui a alourdi le propos, dénaturé la beauté mélancolique des personnages. Il est certain que la pièce de Tchekhov est un tel chef d’œuvre qu’elle a parfaitement résisté à cette mise en scène. Approfondir les failles des personnages, rendre plus dérangeants les rapports entre les générations auraient été bien plus forts. Une recherche d’élégance et de légèreté est louable, si toutefois la tristesse de la plupart des personnages avait été d’avantage révélée. Ce partie pris systématique du beau provoque la lassitude de l’œil. Le micro au bord de scène pour « faire entendre les moments clefs » ne s’adresse pas à un public cultivé. Surligner comme au stabilo des moments n’est pas digne de ce chef d’œuvre. Reste la puissance des acteurs qui dépasse tout comme la pièce s’arrange de tout. Ainsi la Nounou de Catherine Ferran est l’incarnation d’une forme de sagesse de Tchekhov, les mélodies de sa belle voix grave sont raffinées. En Sonia Elise Friha est toute de sensibilité refoulée et de pudeur virginale. Sa compréhension de Vania, son cher oncle, est subtilement évidente. C’est peut-être le plus beau rapport entre les personnages, et la fin de pièce est délicieuse. Une sorte d’authenticité entre ces deux personnages me touche. La complexité du beau personnage d’Oncle Vania oscillant entre inhibition et pulsions exacerbées est admirablement vécu par Sébastien Eveno. L’acteur rend très touchante cette lucidité si douloureusement acquise par ce personnage idéaliste, qui évolue vers quelque chose de proche du nihilisme.

La complexité du rôle d’Astrov, le médecin ami de Vania, dangereusement attiré par Elena n’est que partiellement rendue. Le parti pris de mise en scène, avec de la tension et la recherche de maitrise, limite le jeu de Cyril Gueï.

En effet la sensualité lui semble refusée par la mise en scène. Je l’ai beaucoup regretté surtout dans la scène avec Elena. La également ce doit être une demande du metteur en scène : Suliane Brahim en Elena a un jeu déclamé et artificiel. La froideur constante, la raideur, l’absence de toute sensualité renforcent trop l’absence de profondeur du personnage. Il manque à mon avis tout un pan de séduction qui justifie l’élan des personnages vers elle.

Son vieux mari, le professeur hypochondriaque a également un jeu univoque avec de la raideur. Ce n’est pas que le Sérébriakov de Andrzej Seweryn manque de charisme, l’acteur en a à revendre, mais le personnage manque d’épaisseur. Il ne reste rien de l’idéalisation qu’il a provoqué dans sa jeunesse, ni de sa grandeur passée.

Les décors d’Alban Ho Van et les costumes de Bjanka Adžić Ursulov soulignent la dystopie avec une recherche d’élégance comme déclassée. Cela évite surtout à Galin Stoev de choisir entre la radicalité de la modernité et le relatif confort des costumes d’époque. Cet entre-deux est un peu fade. Les lumières de d’Elsa Rebol sont efficaces et sont sans magie. Les choix musicaux ne sont pas très pertinents, avec une recherche de séduction trop facile. Le travail musical de Joan Cambon semble pourtant conséquent. 

Je ne commenterai pas la présence de poules sur scène, la dystopie, le micro, les robots musicaux, les chansons, la came… Tout cela appartient à autre chose qu’à une mise en scène pleine de respect pour un chef d’œuvre, plutôt à une recherche de séduction facile à destination du public.

Hubert Stoecklin

Critique. Théâtre. Toulouse. Théâtredelacité. Le 13 Janvier 2023. Anton Tchekhov (1860-1904) : Oncle Vania. Texte français, Virginie Ferrere et Galin Stoev ; Mise en scène, Galin Stoev ; Spectacle produit par le ThéâtredelaCité ; Distribution : Suliane Brahim – Sociétaire de la Comédie-Française / Elena, Caroline Chaniolleau / Maria Vassilievna, Sébastien Eveno – Comédien permanent associé au projet de direction de la Comédie – CDN de Reims / Vania, Catherine Ferran – Sociétaire honoraire de la Comédie-Française / La Nounou, Cyril Gueï / Astrov, Côme Paillard / Gaufrette, Élise Friha / Sonia, Andrzej Seweryn – Sociétaire honoraire de la Comédie-Française / Sérébriakov ; Collaboration artistique et assistanat à la mise en scène , Virginie Ferrere ; Scénographie , Alban Ho Van ; Lumières , Elsa Revol ; Costumes , Bjanka Adžić Ursulov ; Sons et musiques , Joan Cambon ; avec l’aide pour la création des machines musicales de , Stéphane Dardé ; Dressage , Vincent Desprez ; Réalisation du décor dans les Ateliers de construction du ThéâtredelaCité sous la direction de Michaël Labat ; Régie Générale , Léo Thevenon ; Régie plateau , Simon Clément ; Régie lumière , Didier Barreau et Michel Le Borgne ; Régie son , Loïc Célestin ; Habillage , Sabine Rovère ; Production ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie ; Coproduction Comédie – CDN de Reims.

Crédit Photo : Marie Liebig